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Critique de fanfanouche24


Encore…un petit trésor que ce dernier ouvrage traduit d'Erri de Lucca, dont j'apprécie infiniment le style, la simplicité et la force de ces récits. Ce dernier ne fait pas exception ; Un texte court et d'une intensité toujours époustouflante !

Ce dernier opus d'Erri de Luca que je souhaitais lire dès sa parution…a été détrôné très momentanément. Je me souviens qu'un autre ouvrage a capté toute mon attention dans l'instant et a reporté momentanément mon élan. …Voilà, je répare mon retard !!

Le narrateur (comme un double de l'écrivain) se trouve accusé d'un homicide ; homicide d'un ancien ami de lutte qui a trahi…ses camarades. le narrateur, passionné par la montagne, fait une escalade, voit de loin un homme qui le précède dans cette marche… Notre « héros » progresse dans sa grimpe, et découvre cet homme au fond d'un ravin, il appelle , prévient les secours… et il se retrouve emprisonné ; le mort , dans la montagne, étant un de ses grands amis de lutte et de militantisme… qui deviendra un traître et fera basculer la vie de ses compagnons en les dénonçant, en les envoyant en prison. le magistrat, en charge de cette affaire, devant ce hasard des plus incroyables , est convaincu que cela ne peut pas être une simple coïncidence, qu'obligatoirement, notre héros est « coupable », a voulu se venger de cette trahison ancienne. Il s'acharnera à le faire avouer, à le pousser dans ses retranchements. Les interrogatoires tout à fait étonnants du magistrat envers le « présumé coupable m'ont fait étrangement songer à un autre face à face , redoutable et ambigü ; Je voulais nommer le film de Claude Miller (1981) interprété par Lino Ventura et Michel Serrault, « Garde à vue »

A ces interrogatoires incroyables, déroutants, alternent les lettres qu'il écrit à la femme qu'il aime… L'occasion de parler, réfléchir, discuter de thèmes chers à l'écrivain : La beauté de la Montagne, La Nature, l'engagement politique, l'idéal premier du communisme, la fraternité dans le partage des convictions, la mort, la liberté, le sens et la valeur que l'on souhaite donner à son existence, l'amour, le silence, le refus d'obéissance et de soumission à un gouvernement, la colère des injustices sociales, les méfaits du capitalisme…La foi, l'Amitié, et cette passion de la nature, de la montagne qui fait oublier la folie des hommes…

Un style sobre , élégant, efficace, poétique qui va à l'essentiel, à l'universel d'un parcours d'homme… Toujours de magnifiques passages pour parler de cette Montagne…tant chérie par Erri de Luca !

« La montagne, immobile par nature, est un mobile. C'est exactement ça : elle attire à elle. Chacun a ses propres raisons d'y aller. La mienne est de tourner le dos à tout, de prendre de la distance. Je rejette le monde entier derrière moi. Je me déplace dans un espace vide et aussi dans un temps vide. Je vois comment était le monde sans nous, comment il sera après. Un endroit qui n'aura pas besoin qu'on le laisse en paix. (p. 20)”

J'achève ce “billet”… par cet extrait explicitant au plus près le noyau de cette narration:

« Tu sais qu'on m'accuse d'avoir poussé dans le vide du haut d'un sentier un camarade de nos vieilles luttes politiques, devenu ensuite un délateur. A l'époque, nous étions amis. On dit amis pour la vie, mais cette expression ne lui suffisait pas, car la vie est imprévisible. Il disait que nous étions amis par le sang. Mais nous n'avons pas fait le pacte en nous entaillant la paume de la main et en mêlant nos deux sangs. Il me l'a demandé, mais je n'ai pas voulu. Ce geste aurait exclu les autres camarades.
Dans ces années agitées, l'amitié était un échange d'aide, en sachant qu'elle serait immédiate et sans explications. On était unis par une volonté commune.
Nous nous étions coupés de nos familles à l'arrachée (...) Nous pratiquions une autre appartenance. L'amitié remplaçait l'affection familiale en faisant de l'autre un frère, un père, un fils. « (p. 99)

Restent un vrai suspens, une attente d'une réponse…Mais cela c'est une autre histoire qui peut laisser sur une sorte d'inachevé ou de frustration… mais la progression du récit est telle que la réponse, au final, n'est plus l'urgence première… ! Un très , très fort moment de lecture et de réflexion, à la lumière de cette histoire-fable !


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