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Jean-Pierre Naugrette (Traducteur)
EAN : 9782080706225
193 pages
Flammarion (02/01/1997)
4.09/5   88 notes
Résumé :
Dans un port d’Extrême-Orient, alors qu’il vient de quitter son navire et qu’il n’aspire qu’à regagner l’Europe, un jeune marin, sur un coup de tête, accepte de prendre le commandement d’un trois-mâts en partance pour Singapour. Mal accueilli par son second – lequel est hanté par le souvenir du précédent capitaine, mort dans des circonstances troubles –, il doit bientôt faire face à une redoutable absence de vent qui immobilise le navire. Pris au piège d’une mer tro... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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Me voici à poursuivre la découverte de cet auteur d'origine polonaise.
Alors que « Au coeur des ténèbres » traitait de la présence coloniale au Congo pour l'appropriation de l'ivoire et du rapport avec les tribus autochtones dans une Nature hostile à l'homme blanc, « La ligne d'ombre » évoque, avec tout autant de subtilité, la complexité des relations entre les marins, sur un bateau en pleine panade, relations régies par l'obéissance et la solidarité, où les superstitions le disputent à l'esprit cartésien, l'appartenance à la grande famille des marins au respect strict de la hiérarchie.
Et, comme dans « Au coeur des ténèbres », où l'on sentait très clairement la présence en filigrane de l'auteur, qui en effet était allé au Congo belge, sans doute Joseph Conrad s'est-il là encore inspiré de sa propre expérience de marin.

Quelle subtilité et quelle finesse dans la plume de Conrad pour nous relater les états d'âme de ce jeune officier à qui on vient proposer le commandement d'un grand navire à voile !
Cette distinction le surprend, elle n'arrive normalement qu'après une longue carrière de « second » et pas ainsi, à son âge. Il accepte avec joie et ambition, avec exultation et confiance, cette aventure, lui qui était prêt, sur un coup de tête, à abandonner la marine. Revirements soudains et impulsifs propres à la jeunesse qu'analyse avec philosophie l'auteur.

« On s'en va. Et le temps, lui aussi s'en va – jusqu'au jour où l'on aperçoit droit devant une ligne d'ombre vous avertissant que les parages de la prime jeunesse, eux aussi, doivent être laissés en arrière.
C'est la période de la vie au cours de laquelle les moments comme ceux dont j'ai parlé risquent d'arriver. Quels moments ? Eh bien, ces moments d'ennui, de lassitude, de dissatisfaction. Les moments irréfléchis. J'entends les moments où les gens encore jeunes sont portés à commettre des actions irréfléchies, comme se marier sans crier gare ou bien laisser tomber leur situation sans la moindre raison ».

Mais voilà, le jeune Capitaine va s'embarquer dans une aventure périlleuse, voire cauchemardesque, durant laquelle les relations avec les hommes d'équipage sous son commandement seront variables et riches d'enseignement. Déjà, à son arrivée, il apprend de la bouche du Second, Mr Burns, que le précédent Capitaine, mort récemment, était devenu fou. Et vu les dangers mystérieux qu'ils vont rencontrer, c'est à se demander si son âme n'est pas encore présente sur le bateau, leur portant malheur.
Conrad donne à voir le processus qui s'empare de l'équipage. Les hommes tombent malades les uns après les autres, l'absence de vent les encalmine, les nuits se font ténèbres, et les divagations de Second à propos de l'ancien Capitaine, qui laissent d'abord le Capitaine indifférent, commencent à ronger son esprit. Angoissé, il se demande ce qui va advenir, accablé par des visions d'épouvante du navire flottant avec son équipage de cadavres, pétri de remords lui qui n'est pas touché par la maladie, il sent même la folie le guetter, folie qui nous offre des visions hallucinantes, teintées de fantastique, d'une beauté incroyable.

« Une noirceur impénétrable enserrait le navire de si près qu'il suffisait pour ainsi dire de passer la main par-dessus bord pour rencontrer quelque surnaturelle substance. Il s'en dégageait un effet d'inconcevable terreur et d'ineffable mystère. Les rares étoiles au ciel jetaient leur pâle éclat sur le seul navire, privant les eaux du plus petit reflet, préférant décocher leurs traits pour mieux transpercer une atmosphère muée en suie ».

Ce sont des hommes qui ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes qui arrivent finalement à bon port, un navire quasiment sans équipage, expérience marquante qui va faire vieillir et murir d'un coup notre homme…

Au-delà des aspects psychologiques qui composent l'essentiel du roman, ce livre met en exergue encore une fois l'histoire d'une puissance dominante, cette fois l'empire anglais, en ces temps coloniaux, à la fin du 19ème siècle, ici au Vietnam. C'est bien une histoire de domination que nous dévoile ce livre, comme le précédent livre cité. La marine anglaise, en effet, dominait tous les océans et traitait les peuples autochtones avec un certain mépris. Il faut, une fois de plus, resituer l'oeuvre dans son époque, le regard de l'auteur est bien eurocentré mais tiraillé tout de même comme le montre, dans les deux livres, le retour de bâton vécu par les colons avec cette Nature qui semble se venger.


Notons que la plume est tout aussi complexe, qui plus est émaillée de termes marins, mais il s'agit d'une plume riche, enveloppante, qui se murmure pour en déguster toute l'essence, au charme suranné, moins exotique que le livre précédent, certes, mais tout aussi belle…
Sans conteste, La ligne d'ombre est un riche roman d'apprentissage, celui du passage d'un jeune homme dans le monde des adultes, de la traversée de cet horizon, frontière floue et vaporeuse sans cesse questionnée, inlassablement mouvante.

« L'on regarde en arrière et l'on se dit Comment, il est là ! On regarde en avant et l'on dit la même chose. Il est au fond des jours anciens que nous vécûmes et dans les jours nouveaux que nous allons passer… ».


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Ce court roman de Joseph Conrad écrit fin 1916, au coeur de la première guerre mondiale, est le récit d'une initiation, du passage à l'âge d'homme d'un jeune marin à l'occasion de son premier commandement d'un navire dans la région lointaine des mers d'Orient.
Rédigé à la première personne, et sous-titré Confession, il ne fait aucun doute qu'il est largement autobiographique, ce qui lui confère toute sa valeur, tant le témoignage est fort et évident à la fois, imprégné de l'expérience personnelle de l'auteur, ses forces mais aussi et surtout ses doutes et angoisses.

S'il n'était question dans ce roman que de péripéties maritimes, je suis certaine que je ne lui aurais pas attribué sans hésitation cinq étoiles. Bien sûr, un bateau et un jeune capitaine sont les points d'ancrage du récit, mais la ligne d'ombre, indécise et insaisissable en est paradoxalement le gouvernail, le fil rouge en quelque sorte, et c'est elle qui symbolise pour moi tout le talent narratif de Conrad, son originalité.
"Oui, on va de l'avant. Et le temps, lui aussi, va de l'avant — jusqu'au jour où l'on aperçoit devant soi une ligne d'ombre annonçant qu'il va falloir aussi laisser en arrière la région de la prime jeunesse."
Cette ligne virtuelle donc forme une frontière entre jeunesse et âge adulte, entre réalité et imaginaire aussi - Conrad flirte souvent avec le surnaturel mais sans s'y laisser aller vraiment.

Il règne à bord de ce court roman, une atmosphère singulière de confidence, d'émotion simple qui m'a touchée. Si j'ajoute que l'écriture est magnifique, vous aurez compris qu'il porte, pour moi, la marque du roman qui sort de l'ordinaire, de l'authentique chef d'oeuvre.

"Un navire arrivant du large et qui replie ses ailes blanches pour prendre du repos a quelque chose d'émouvant."
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Finalement, lire aussi PEU de livres, c'est parfois - ou souvent ? - éviter d'ingurgiter de la m... et risquer de voir s'encrasser ainsi - définitivement ? - nos précieuses petites papilles esthétiques... [Heum, comme ce "papier" commence fort peu élégamment et... si "élitistement" ! Bon... "de la m..." signifiant ces "machins insignifiants au débit de publication torrentiel", phénoménologie épuisante suivie de suivisme lectoral moutonnier... voyez ? Non ? Tous ces tristes machins dont nous sommes littéralement gavés "sur injonctions", chacun de nos 365 jours de l'année... Pitié, de l'air !!! Fin du long préambule].

Bref, "La ligne d'ombre" est un court chef d'oeuvre (court roman publié en feuilleton pour la première fois en 1916) de Joseph Conrad, plus achevé et plus dense - à mon goût - que sa longue nouvelle "Typhon" ("Typhoon", 1902)... "The Shadow Line" est du même niveau artistique que son plus célèbre court roman "Au coeur des ténèbres" ("In the Heart of Darkness", 1899)... en jugeant depuis le territoire de ces quelques oeuvres de J. C. que je "connaîtrai" désormais... Récit d'un dur apprentissage... avec tutorat spirituel heureux.... Brave capitaine Giles, sorte de Haddock mutique guidant le novice tout en finesse, en humour et en subtil détachement... et le novice prendra la mer... la mer de Chine... s'immobilisera avec son grand voilier... entre choléra et fantôme du capitaine précédent (son corps immergé en un point fatal)... malgré son Second (ce sinistre Burns, malade comme un chien, mais gardant toute sa langue et sa triste sinistrose existentielle...) "porteur de malheur, de funestes souvenirs et de superstitions"...

Un récit fantastique... C'est bien ce qu'a compris le grand artiste polonais Andrzej Wajda qui l'a adapté au cinéma - en fait, pour la télévision polonaise - en couvrant l'intrigue de belles ellipses et d'écharpes de brume blanche "de haute mer" fort romantique... le navire arrivera à bon port, après être passé par les Territoires du cauchemar, du rêve doré immobile et de l'humain qui "tient bon"... Ransome le cuisinier aux coronaires fragiles, toujours là et "veillant à la vie"...

Authentique chef d'oeuvre dans la magnifique traduction (de l'anglais au français) de Jean-Pierre Naugrette (1996).
Lien : http://fleuvlitterature.cana..
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La mémoire est un beau sujet d'étude. Elle contribue à l'imagination et c'est grâce à elle que nous pouvons goûter pleinement aux plaisirs de la lecture. Patrick Modiano a construit son oeuvre sur un principe qu'il a clairement identifié :

“Je crois que pour en faire une oeuvre littéraire, il faut tout simplement rêver sa vie — un rêve où la mémoire et l'imagination se confondent”.

Cette citation s'applique tout à fait à Joseph Conrad, écrivain Polonais de langue anglaise (1857-1924) dont la vocation littéraire tardive a été nourrie par sa carrière de marin, d'abord en qualité de mousse, de stewards, puis matelot, ensuite lieutenant, second et enfin capitaine au long cours. C'est lors d'une traversée (1893) qu'il rencontre John Galsworthy, qui l'encourage sérieusement dans la carrière d'écrivain. Deux ans plus tard, à l'âge de 38 ans il publie son premier livre “La folie Almayer” après avoir parcouru le monde pour le compte diverses sociétés de la marine marchande britannique. Il est l'auteur d'une vingtaine de romans, mais aussi de recueils de nouvelles et de récits de voyage. Toute son oeuvre est basée sur les rencontres et les évènements vécus au cours de sa vie de marin.

 “La ligne d'ombre” est un roman très représentatif de son style. Il a été rédigé en 1915/1916 et publié en 1917 chez Dent à Londres. L'histoire est inspirée par les péripéties rencontrées par l'auteur relatant sa première mission en qualité de capitaine de navire. L'action débute en 1887 dans le port de Singapour. le narrateur décide de mettre un terme à son contrat de second sur un navire de la marine marchande pour retourner en Angleterre. En attendant le bateau qui le ramènera à Londres, il loue une chambre au foyer des marins et fait la connaissance des pensionnaires et du gérant. Une compagnie lui propose le commandement d'un trois-mâts basé à Bangkok pour remplacer le capitaine décédé dans des circonstances troubles. Il accepte avec enthousiasme cette promotion et se trouve rapidement confronté à un second au comportement étrange, M. Burns, qui semble tourmenté par le décès de son commandant et face à un équipage bientôt gagné par les fièvres tropicales. Rien ne va dans le bon sens et le nouveau capitaine va devoir démontrer son sang froid et sa compétence pour surmonter l'adversité. Tous les personnages du roman sont dotés de personnalités très originales, parfaitement dépeintes par l'auteur. Celui-ci nous entraîne dans un univers à la fois réaliste et fantastique ou convergent les légendes racontées par les vieux loups de mer au fond des ports brumeux. le talent unique de Conrad s'explique en partie par l'art de combiner parfaitement le vécue et l'imaginaire. Beaucoup de ses oeuvres comportent une part importante d'autobiographie, mais l'auteur s'attache surtout à retranscrire les impressions reçues que l'exactitude des faits. Il réussit ainsi à nous immerger dans un monde bien à lui ou l'imaginaire côtoie le réel. La connaissance précise qu'à l'auteur du domaine de la mer est prégnante à chaque page et donne beaucoup de crédibilité à son histoire, même si finalement l'imagination l'emporte et exalte les situations et les personnages au point de transformer le récit en allégorie ou en conte. Conrad a affirmé que la ligne d'ombre était un récit véridique, mais il précisera ensuite :

“Non. Je ne veux pas vraiment que ce court morceau soit formellement reconnu comme autobiographique. Il ne l'est pas sur le ton. Mais pour ce qui est du sentiment sous-jacent je crois qu'on ne peut s'y méprendre.”

 Sur le fond, l'auteur a voulu traiter du passage de l'enfance à la vie adulte. le thème est donné dès le début du premier chapitre :

“On referme derrière soi la petite porte de la simple enfance — et l'on pénètre dans un jardin enchanté. Ses ombres mêmes brillent de promesses. Chaque détour du sentier a son attrait. Et ce n'est pas qu'il s'agisse d'un pays encore inexploré. L'on sait fort bien que tout le genre humain a défilé par ce chemin… Oui, on va de l'avant. Et le temps, lui aussi, va de l'avant – jusqu'au jour où l'on aperçoit devant soi une ligne d'ombre annonçant qu'il va falloir aussi laisser en arrière la région de la prime jeunesse.” (page 35 et 37).

 Ce court roman est admirablement écrit et est considéré comme un chef-d'oeuvre, il est bien sûr recommandé à tous ceux qui rêvent d'aventures maritimes, mais aussi à tous ceux qui souhaitent être touchés, émus, secoués par des personnages d'une grande richesse psychologique et transportés par des histoires fortes où à chaque page on est bercé par le roulis, mouillé par les embruns et poussé par des vents de tempêtes.

 Après “Typhon” et “Jeunesse”, c'est le troisième livre que j'ai lu de cet auteur et je ne suis pas déçu, au contraire, mon intérêt pour son oeuvre est décuplé.

Bibliographie :

— “La ligne d'ombre”, Joseph Conrad, Folio Classique (2015), 247 pages, Préface d'Alain Jaubert, Notices de Sylvère Monod, chronologie et notes.

— “Histoire de la littérature anglaise”, François Laroque, Alain Morvan, Frédéric Regard, PUF (1997), 828 pages. Article Joseph Conrad pages 581 à 584.

Vocabulaire :

 Un vocabulaire très riche ou les termes de marine abondent (les définitions de la plupart d'entre eux sont données en fin d'ouvrage). La lecture de ce roman pourrait être utile à ceux qui préparent le brevet de capitaine au long court !

Lisse de garde-corps : On appelle lisse une rambarde, et garde-corps (ou garde-fous) des lisses en bois placées sur le bord des navires pour empêcher les hommes de tomber à la mer.

Espar : Sur un bateau, un espar est un élément de gréement long et rigide : mâts, bômes, vergues, bouts-dehors, queues de malet, livardes, wishbones.

Apparaux : Matériel d'équipement de navire permettant d'assurer des manoeuvres de mouillage, d'amarrage, de remorquage, de levage ou de pêche.

Écubier : Trous pratiqués à l'avant du navire pour le passage des câbles ou des chaînes d'ancre.
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Dans la note d'auteur de son chef-d'oeuvre tardif, Conrad s'insurge : "il n'était pas dans mon intention de toucher au surnaturel. Cependant plus d'un critique eut tendance à le considérer de cette façon." Les éléments étranges de ce récit maritime sont en effet nombreux : le précédent commandant d'un brick, atteint de folie, est mort dans des conditions troubles et revient hanter les esprits ; son jeune remplaçant doit faire face aux superstitions de l'équipage et à l'absence totale de vent dans le golfe du Siam ; les visions hallucinées des hommes qui subissent tous une fièvre des tropiques ; l'absence de quinine à bord en raison d'un terrible coup du sort. Alors pourquoi une telle réaction de Conrad adressée à ses commentateurs ? Sans doute parce que ces éléments proches du fantastique font partie intégrante de l'expérience humaine, que le conteur souhaite absolument retranscrire avec sincérité et justesse. D'ailleurs, il s'agit du récit très autobiographique de son premier commandement, sous-titré "Confession", malgré quelques ajouts. L'atmosphère étouffante sur le navire immobile, ravagé par la maladie et peuplé de spectres, est digne d'un grand roman d'épouvante. Cette oeuvre a influencé ma propre conception du fantastique en littérature, plus large que celle communément admise : l'étrange et l'imaginaire ne s'opposent pas au réalisme et à L Histoire ; au contraire, ils se complètent.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
On l'y voyait assis les mains sur les genoux, chauve, ramassé, grisonnant, hérissé, un peu à la manière d'un sanglier ; tandis qu'à ses côtés, monumentale, une affreuse femme de race blanche et d'âge mûr exhibait des narines rapaces en distillant de ses yeux globuleux un regard de mauvais augure et de mauvaise vie. Elle était attifée d'un costume vaguement oriental, vulgaire et outré. Elle ressemblait à un médium de bas étage ou à l'une de ces diseuses de bonne aventure qui vous tirent les cartes à bas prix. Elle était pourtant frappante. Une ensorceleuse professionnelle sortie d'un taudis. C'était à n'y rien comprendre. Il y avait quelque chose d'affreux dans l'idée qu'elle constituait l'ultime reflet du monde de la passion pour cette âme farouche qui semblait vous regarder à travers le visage sardonique et sauvage de ce vieillard des mers. Cependant, je vis qu'elle tenait un instrument de musique – guitare ou mandoline – à la main. Là résidait, qui sait, le secret de son sortilège.
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Seuls les jeunes gens ont de tels moments. Je n'entends point par là les tout jeunes gens. Non. Les tout jeunes gens n'ont, à proprement parler, aucuns moments. C'est le privilège de la prime jeunesse que de vivre en avance de ses jours, dans toute cette belle continuité d'espérance qui ne connaît ni pause, ni introspection.
On referme derrière soi la petite porte qu'on connaissait, simple garçonnet – pour pénétrer dans un jardin enchanté. Ses ombres même luisent de promesses. Chaque détour du sentier a sa séduction. Et ce n'est point l'attrait d'une contrée inexplorée. On sait pertinemment que tout le flot de l'humanité en est passé par là. C'est le charme de l'expérience universelle, dont on attend une sensation inédite ou personnelle – un peu de soi-même.
(Incipit)
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- La vérité, c'est qu'il ne faut jamais donner trop d'importance à quoi que ce soit dans la vie, en bien ou en mal.
- Vivre à petite vitesse, murmurai-je avec perversité. Ce n'est pas à la portée de tout le monde.
- Vous ne tarderez pas à vous sentir bien heureux de pouvoir seulement continuer à marcher, même à cette vitesse-là, rétorqua-t-il de son air de vertu consciente. Et il y a autre chose : un homme doit savoir tenir tête à sa malchance, à ses erreurs, à sa conscience, et à tout ce qui s'ensuit. Enfin - contre quoi d'autre voudriez-vous vous battre ?
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L'impénétrable obscurité enserrait le navire de si près qu'il semblait qu'en allongeant la main par-dessus bord on pourrait toucher quelque substance surnaturelle. Cela produisait un effet de terreur inconcevable et de mystère inexprimable. Les rares étoiles au ciel jetaient une lumière indistincte sur le navire seul, sans le moindre miroitement sur l'eau, sous forme de rais séparés perçant une atmosphère transformée en suie. C'était une chose que je n'avais jamais vue auparavant, et qui ne donnait aucune indication sur la direction d'où viendrait n'importe quel changement, comme une menace se refermant sur nous de toutes parts.
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L'effet du recul sur la mémoire est de donner aux choses des contours énormes parce que l'essentiel se détache, isolé de l'environnement de faits quotidiens insignifiants qui se sont naturellement effacés de l'esprit.

Note de l'auteur
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Un navire de croisière qui s'échoue. le commandant qui prend la fuite. Une trentaine de passagers qui perd la vie. Ca c'est passé il y a quelques années, vous vous en souvenez. Pour un marin, déserter le bord c'est le déshonneur suprême. Et pour un romancier, c'est l'occasion de sonder les abysses de l'âme humaine.
« Lord Jim » de Joseph Conrad, un classique à lire chez Folio.
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