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Critique de horline


Dans Un roman américain, Stephen Carter dresse le portrait d'un monde qui n'existe plus : celui d'une haute bourgeoisie noire installée à Harlem et qui régnait sur Sugar Hill dans les années 50. Communauté ignorée du grand public, presque invisible, l'auteur dépeint une sorte d'aristocratie évoluant parallèlement à la haute société blanche, avec ses codes, ses tsarines, ses réseaux, ses manigances, ses engagements politiques. Une communauté discrète, parsemée de remparts invisibles, et donc propice à laisser foisonner dans l'imaginaire toutes les intrigues ou machinations mêlant sociétés secrètes, complots, trafic d'influences, luttes de pouvoir, meurtres …

Stephen Carter lui ne lésine pas, il imagine un Projet "infernal" impliquant des hommes d'affaires de l'élite noire mais aussi peut-être bien des hommes politiques blancs de premier ordre et le FBI. Quel est ce projet ? C'est justement ce que tente de percer un jeune auteur noir en pleine ascension sociale, Eddie Wesley, après avoir découvert le cadavre d'un avocat blanc dépositaire d'un testament et la disparition de sa soeur Junie, jeune étudiante promise à un brillant avenir.
Un cadavre, une disparition mystérieuse, des attentats, une Amérique paranoïaque obsédée par les Rouges, la radicalisation de la lutte pour les droits civiques, et un groupe conspirationniste qui se réunit à l'ombre des salons et des résidences victoriennes, Stephen exploite judicieusement la tension née du maccarthysme et de l'émergence des groupes contestataires pour envisager un thriller qui conjugue toutes les peurs irrationnelles de ces années-là.
Se gardant de le juger, Stephen Carter observe son héros se débattre avec une intrigue à énigmes, le manipule avec de fausses pistes_ peut-être dans une interprétation toute personnelle pour éveiller un sentiment de révolte chez ce jeune dandy qui avait pour seule ambition de devenir un écrivain célèbre. Il est intelligent, lucide, voire parfois extra-lucide dans la résolution de certains mystères, mais ne s'est jamais montré réellement soucieux de la cause noire ou de toute forme d'injustice jusqu'à la découverte du Projet, préférant les mondanités et courtiser la belle Aurélia.
Amené à fréquenter les hautes sphères du pouvoir et côtoyer Kennedy et Nixon, Eddie n'est pas seulement un homme à la recherche de sa soeur pendant les vingt ans que durera l'enquête. L'auteur en fait le témoin d'une époque pleine de contradictions, entre dérives du pouvoir et volonté de manipulation des masses, entre émancipation des minorités et replis vers le conservatisme.


C'est un roman prenant si on se laisse prendre. Loin d'enfermer le récit dans un polar avec une trame narrative concise et efficace, Stephen Carter lui préfère un suspense au souffle long qui piège les conséquences de l'impérialisme américain. du trouble, une menace diffuse, des rebondissements il y en a. Mais la densité de l'écriture et le goût de l'auteur pour la grande fresque font de ce thriller politique le portrait avant tout d'une Amérique noire qui défie les clichés, bien plus proche des riches blancs influents que des pauvres noirs du Sud.
Roman ambitieux qui couvre plus de vingt années de l'Histoire américaine en mêlant personnages fictifs et personnalités réelles. Roman passionnant même si le dénouement obéit dans les derniers chapitres à une construction un peu rocambolesque.


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