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Citations sur V13 (113)

Les gens du Bataclan ont cette chance dans leur malheur : ils ne sont pas seuls. Des compagnons les entourent. S’ils ont été otages, ils sont des « potages » : des « potes otages », ce mot-valise est leur mantra. Ils vont boire des coups ensemble. Ils forment une confrérie, c’est à eux que depuis le début on s’intéresse le plus, au point qu’il faut constamment rappeler qu’on doit dire « procès des attentats » et pas « procès du Bataclan ».
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La culpabilité, qui ronge la plupart des survivants, c'est d'avoir survécu : pourquoi sont-ils morts, eux, pourquoi, moi, suis-je vivant ? Pour certains, elle est plus incarnée. Elle a un visage, qui les hante. Le visage de quelqu'un qui appelait à l'aide, qu'on aurait peut-être pu secourir et qu'on n'a pas secouru. Soit parce qu'on avait quelqu'un d'autre à secourir, quelqu'un qu'on aimait, quelqu'un qui passait en premier. Soit pour sauver sa peau, parce qu'on passait soi-même en premier. Ceux qui ont agi ainsi ne se le pardonnent pas. Certains le disent en termes poignants. Les autres leur pardonnent, ils disent que c'est normal, humain.
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Il faut statuer : ces candidats tardifs au statut de victimes, lesquels sont recevables ? Lesquels pas ? Dans certains cas, pas de doute. Blessés ou endeuillés, le préjudice qu'ils ont subi est évident. Il est chiffrable, selon un barème qui peut paraître monstrueux mais qui existe, auquel on peut se référer : le deuil d'une sœur rapporte plus que celui d'une cousine, la perte d'une jambe plus que celui d'un pied. Dans d'autres cas, cela se discute. Jusqu'à quel point, quand on n'est ni blessé ni endeuillé, peut-on se déclarer « impacté » ? (…) Les terroristes auraient dû entrer [dans le Stade de France] pour se faire exploser, c'est vrai. Il se trouve qu'ils ne l'ont pas fait, et qu'on ne peut raisonnablement pas considérer les 80000 spectateurs du match France-Allemagne qui se jouait ce soir-là comme autant de victimes d'une tentative d'assassinat. Pas davantage les personnes qui, habitant des rues voisines du Bataclan, ayant vu des gens mourir ou agoniser sur les trottoirs, font aujourd'hui encore des cauchemars. Il n'est pas question de nier la réalité de ces cauchemars, de ces arrêts maladie, de ces traumatismes, mais la jurisprudence distingue de la « vraie » victime la « victime par ricochet » ou le « témoin malheureux », dont on ne peut malheureusement pas dédommager le préjudice, sinon on n'en finirait pas. Une histoire qui circule sur les bancs de la presse ju', c'est une dame qui demande réparation parce que les attentats ont pourri sa soirée d'anniversaire, préparée de longue date et qui coûtait bonbon. Il paraît que l'histoire est vraie, mais la dame ne s'est pas présentée.
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Cela veut dire que ce qui intéressant chez eux, ce qui m’intéresse en tout cas, ne se joue pas sur le terrain individuel mais sur le terrain de l’Histoire – « l’Histoire avec sa grande hache », disait Pérec. Ce qui m’intéresse, c’est le long processus historique qui a produit cette mutation pathologique de l’islam.
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Tout cela sautait aux yeux, mais aux yeux de qui ? Dans leur attaque du réquisitoire, les avocats de la défense font valoir que les avocats généraux sont des gens très intelligents, mais avec le défaut, fréquent chez les gens intelligents, de croire que tout le monde l’est autant qu’eux. Au lieu de se mettre à la place de types assez limités comme Ali Oulkadi, Hamza Attou ou Abdellah Chouaa, ils s’étonnent qu’Ali Oulkadi, Hamza Attou ou Abdellah Chouaa n’aient pas eu la finesse d’analyse et les réflexes citoyens de Camille Hennetier, Nicolas Braconnay et Nicolas Le Bris*. Et pas seulement les réflexes citoyens ; les réflexes de classe.

(* les avocats généraux qui venaient de requérir. Brillamment.)
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C'est cela, ou cela devrait être ça, un procès : au début on dépose la souffrance, à la fin on rend la justice.
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 J’ai jeté ma femme à terre, je me suis couchée sur elle, tout le monde dans la fosse s’est couché. Après les premières rafales, j’ai vu un homme athlétique qui tirait vers le sol. Il avançait tranquillement, un ou deux pas, un tir, un ou deux pas, un tir. Il ne portait pas de cagoule. C’est en me rendant compte de ça, qu’il avait le visage à découvert, que j’ai compris qu’on allait tous mourir.
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Je risque une hypothèse. Du coté des victimes, des gens comme vous et moi, on est dans le monde post-historique, Nos vies et nos morts sont individuelles. Ce sont des individus que nous avons écoutés, qui nous ont émus, auxquels nous nous sommes identifiés. J'ai pleuré Lamia, j'ai pleuré Lola, parce qu'elles étaient Lamia et Lola, et qu'elles étaient la fille de Nadia, la fille de Georges, avec leurs études, leurs amoureux, leurs préférences, leurs amis, leurs fêtes, tout ce qui fait qu'elles étaient elles et nulles autres. On n'est si singulier et si réduit à soi que dans une société veuve du collectif et de l'Histoire. Les types qui sont dans le box et soit se taisent parce qu'ils ne reconnaissent pas notre justice soit récitent un catéchisme de notre point de vue débile, il faut vraiment se forcer pour s'intéresser à eux, en tant qu'individus singuliers. Cela ne veut pas dire qu'ils ne sont pas intéressants. Cela veut dire que ce qui est intéressant chez eux, ce qui m'intéresse en tout cas, ne se joue pas sur le terrain individuel mais sur le terrain de l'Histoire – « l'Histoire avec sa grande hache », disait Perec. Ce qui m'intéresse, c'est le long processus historique qui a produit cette mutation pathologique de l'islam.
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Personne ne sait ce qui se passe à l’intérieur d’un mourant. Sur cette expérience-là, si intime, si incommunicable, le droit a pourtant quelque chose à dire. Ce quelque chose n’est pas seulement psychologique ou philosophique mais juridique, et qui a fait son apparition dans la jurisprudence en 2005 (...) : c’est « l’angoisse de mort imminente ».
(...) que la jurisprudence définit comme « le sentiment d’effroi éprouvé par la victime qui, entre le moment où elle a subi l’atteinte ou l’agression et son décès, a eu la conscience du caractère inéluctable de sa propre fin ».
(...)
Ce que demande Bibal au terme de sa plaidoirie, c’est ( ...) que ceux qui seront condamnés le soient aussi pour ça, spécifiquement. Pour avoir participé à la mort de 131 personnes, mais aussi à l’effroi terminal enduré par la plupart d’entre elles.
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Parmi d'autres, je pense à ce jeune homme, vingt et un ans, sorti indemne du Bataclan (…) Gueule de bois perpétuelle, qu'il soigne par l'alcool. Impression d'avoir fait quelque chose de mal, mais quoi ? Cela se dérobe. (…) Tout revient d'un coup. Il sait ce qu'il a fait de mal. Pour atteindre la sortie, il a poussé, écrasé, piétiné. Il est devenu une machine à survie qui se foutait de tout le reste. Alors il vit, oui, mais d'une vie abîmée. D'autres ont été des héros, lui pas. Il se revoit sans fin poussant, écrasant, piétinant. (…) Le lendemain, une amie avocate me dit que j'ai raté quelque chose – c'est une règle de la chronique judiciaire : on rate toujours quelque chose quand on s'en va. Juste après le jeune homme rongé de culpabilité, c'est un autre survivant du Bataclan, nettement plus détendu, qui a commencé son témoignage en disant qu'il venait d'entendre celui du jeune homme et qu'il voulait lui dire ceci : moi, quelqu'un m'a marché dessus, et j'ai eu deux côtes cassées. "Seulement" deux côtes cassées. Alors c'est peut-être toi qui m'as marché dessus, peut-être un autre, on ne le saura jamais, mais si c'est toi il faut que tu le saches : ce n'est pas grave, deux côtes cassées. Je m'en suis tiré, je suis en vie, je suis heureux, je ne t'en veux pas, tu as fait ce que tu as pu, on a tous fait comme on a pu, j'espère que tu es encore dans la salle pour entendre cela. Le jeune homme n'y était plus mais mon amie avocate a couru dans le hall à sa recherche. Elle l'a rattrapé, sur les marches du palais. Si on faisait un film, on arrêterait sur cette image.
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