Chère Lia
Je profite d'un petit moment de solitude dans la salle d'attente de mon médecin pour t'écrire ce petit mot. J'ai chopé une sorte d'angine doublée d'une bronchite et, pourquoi pas, tant qu'on y est, le Covid. Nous verrons à l'autopsie. Heureusement, la maladie offre aussi quelques avantages, dont celui de s'étaler dans un divan avec un bon livre en attendant que ça passe. J'en ai profité pour monter à bord du Mojo, pour m'évader en bonne compagnie, celle du capitaine et de l'auteur, le long des côtes Normandes et vers les îles.
Tel un
Marcel Proust souffreteux, imbibé de tisanes, j'ai trempé mes madeleines dans l'encre de ton journal de bord qui a réveillé le vieux loup de mer en pyjama qui sommeillait en moi sur le divan moelleux. Car oui, moi aussi, j'ai massacré le maquereau au marteau, j'ai connu l'humiliation des accostages ratés, les pannes de moteur, les cirés troués, les soirées d'ivrognes, les norvégiens bizarres, le mal de terre ; mais aussi, la beauté vénéneuse de la mer et des nuages si bien décrits, les apparitions animales furtives, le temps suspendu et la méditation face à l'infini. J'ai retrouvé des lieux que je connais par la terre et que j'affectionne beaucoup : l'île de Tatihou, Dieppe,
Le Havre, Fécamp, Saint-Vaast la Houge et ses huîtres, Etretat...J'ai appris que tu étais mariée (Félicitations), j'ai d'ailleurs beaucoup aimé le récit de ta nuit de noce par auteur interposé (belle trouvaille stylistique).
J'aime beaucoup cette façon d'être à la fois à l'intérieur et à l'extérieur, la juste distance entre l'observateur et les évènements décrits, la mise en retrait de l'auteur dont la personnalité percole par petites touches pudiques, subtiles, humoristiques et poétiques. Même si la forme du journal traite d'évènements clos dans un espace temps parfois réduit à une page, j'ai été porté par une belle écriture qui traverse l'ensemble des scénettes et peu à peu prend la place de son sujet.C'est particulièrement flagrant quand on le lit d'une traite avec délectation.
Merci Lia! À quand ton prochain livre, que je tombe malade.
Thierry