Le temps passe vite quand on n'a qu'un mois pour faire tout ce qu'on a à faire. On dirait qu'ici les minutes ne comptent que trente secondes tandis que le soleil se dépêche d'apparaître et disparaître, comme un ivrogne qui se léve pour aller pisser et va vite se recoucher.
Allègre, souffle bruyamment, les mains sur les genoux, puis se redresse. Tazieff s'est déjà mis en route, la mâchoire serrée. L'équipe s’ébroue et repart sans attendre vers Basse-Terre, laissant derrière elle cette vieille femme sauvage entourée d’esprit.
Comme le clame Elias, Marianne s'est adaptée " toutafétement" à la vie de la campagne
Un truc de colons. Les Espagnols, ils ont vu ce qu'ils voulaient bien voir depuis leur bateau. Pourquoi ils ont appelé ça la Guadeloupe ? D'après ce que je sais, Guadeloupe, ça vient d'un mot arabe. Aucun rapport avec les Indiens qui vivaient là.
- Des Indiens, comme en Inde ?
- Non, comme en Amérique. Plutôt comme en Amazonie. Mais il n'y en a plus.
" Il parait que le berger allemand de monsieur Vincent n'aboie que si c'est un Noir qui approche du perron.(...) Mais le plus extraordinaire, c'est que le chien n'aboie pas sur le jardinier : probablement parce qu'il a l'habitude de le voir et le sentir depuis qu'il n'était qu'un chiot dans un panier. Le maître a su lui expliquer la différence entre la sueur du jardinier et la sueur d'un simple Négre de passage.
C'est peut-être ça le secret de la vie pense Marianne; râper sans arrêt le peu qu'on a pour en faire sortir ce qu'il y a de plus délicat, de plus subtil, et s'en bâfrer comme si l'on était riche.
La veillée dure quatre jours chez Elias, mais Eucate repart le matin suivant avec le car de six heures. Il lui faut trois cars différents et l’aide de deux ou trois automobilistes pour rejoindre sa case, et durant tout le voyage, elle ne cesse de revoir le sourire d'Ange, la première fois qu'il est apparu devant elle sur son vélo, les moments qu'ils ont passés ensemble. Les larmes qui lui viennent sont invisibles. Elle accepte enfin ce que la vie lui a donné puis repris, heureuse de retourner au volcan et d'y gratter encore un peu l'humus vivifiant, heureuse de survivre au mal, comme chacun sur cette Île sans cesse secouée par les ouragans, les famines, le progrès, l’avidité et l'incroyable sentiment de supériorité des Blancs. p. 189
En 1902 le volcan a enseveli en quelques secondes la ville de Saint- Pierre en Martinique.
Le volcan s’insinua dans les maisons. Il resserra un peu les liens d’amour qui s’étaient distendus et amoindrit temporairement les rancœurs les mieux établies. Il obligea les portes à s’ouvrir et les parents à se souvenir d’autres parents perdus de vue.
Si je dois mourir, c'est mourir que je ferai. Ça fait déjà bien longtemps que je me sens abandonnée, c'est pas le volcan qui y changera quelque chose.