Tu es trop jeune pour les regrets, et trop âgée pour penser que tu as tout ton temps.
Si quelqu'un t'a fait du mal, assieds-toi au bord de la rivière,(…) un jour, tu verras passer son cadavre.
[Lao-Tseu]
J'ai lu dans son regard qu'elle était perdue. Que pour elle, rien n'avait été progressif. Et qu'elle était brutalement passée du pays enchanté aux terres menaçantes du Mordor - elle tombait de haut.
On devient plus fort avec le temps. Quand on a une vie différente, on prend ces risques-là : rejets, ruptures, critiques. On peut regretter, se cacher dans un trou. Ou alors on décide d'être bien, on se bat et on mène la vie qu'on veut, la vie comme on l'aime.
Elle s'est dit que le temps filait trop vite pour le perdre sur des chemins qu'elle ne voulait plus emprunter.
Il a immédiatement été alpagué par un de ses collègues, prof de maths.
- Dis donc Antoine, tu tombes bien ! C'est quoi ces conneries ? Qu'est-ce que t'as foutu avec les Secondes 4 ? J'ai eu les parents d'une élève hier en rendez-vous. Tu fais de la propagande gay, maintenant ?
[...]
- Non, j'ai juste rappelé quelques principes de base concernant le respect, la vie en collectivité, le genre de 'conneries' qu'on est censés leur transmettre, tu vois ?
- Ah ben non, je vois pas, là. Les mômes ont retenu que tu voulais que les homos fassent des gosses, et que c'était exactement la même chose que des familles normales !
[...]
- Dans l'idée, c'est à peu près ça...
- Tu veux qu'on ait les associations de parents sur le cul ou quoi ? Franchement, je comprends pas. Tu les engueules parce qu'ils harcèlent une gamine, j'ai rien à dire, tu fais ton boulot. Mais qu'est-ce que t'as besoin d'aller leur mettre des idées qu'ils sont incapables de comprendre dans la tête ?
- Ils sont parfaitement capables de comprendre...
(p. 233-234)
Deux heures de maths, c'est un peu comme du temps qui se déroule à l'infini devant toi, interminable et inopérant.
Les filles, quand c'est tes potes, elles sont normales, tu peux parler de trucs normaux avec elles. C'est après que ça fait flipper. Dès qu'elles sont [....] amoureuses, là, t'es mort. En plus, quand t'es pote avec une fille, t'es pas obligé d'écouter tous les trucs qu'elle a envie de raconter. Quand tu sors avec, si.
L'enfer est pavé de bonnes intentions.
- Ça a dû être horrible, d'être rejetée par ta mère.
Maman est venue s'asseoir à table, en face de nous. Elle a posé sa tasse devant elle, lentement. Je la sentais pleine de lassitude.
- C'est vrai. Au début ça m'a fait souffrir.
- Et maintenant ? Tu t'en fous ?
- On devient plus fort avec le temps. Quand on a une vie différente, on prend ces risques-là : rejets, ruptures, critiques. On peut regretter, se cacher dans un trou. Ou alors on décide d'être bien, on se bat et on mène la vie qu'on veut, la vie comme on l'aime.
Maman, sans avoir besoin de sourire, nous a englobés tous les deux [ses enfants] dans son grand regard d'amour.
- Ma vie avec Maline et vous, c'est la vie que j'ai choisie. Tant pis si je ne vois plus ma mère, je ne regrette rien.
(p. 119-120)