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Citations sur Dans le désordre (38)

- Mon copain s'est fait embarquer aussi, glisse Lucie. C'était fou ! Je voulais pas le lâcher mais le flic m'a frappée pour le hisser dans le camion. J'ai pensé qu'il allait m'arrêter, mais non...
- Ah, mais ça c'est parce que t'es une fille.
- Hein ? Depuis quand ils arrêtent pas les filles ?
- Si, des fois ça arrive, évidemment. Mais moins souvent. Parce que les flics sont de gros sexistes : pour eux, t'es pas vraiment une militante qui sait ce qu'elle fait, t'es forcément une suiviste qui baise avec un gauchiste, point barre.
- C'est débile !
- A moins que t'aies le crâne rasé, look black-bloc, et que tu leur jettes des parpaings dans la gueule ! En gros, tu les inquiètes pas parce que t'existes pas. Tu captes ?
- C'est vachement rassurant comme analyse, ironise Jeanne.
- Attends mais pour eux, la guerre c'est la guerre : un truc de couillus. Quelques coups de matraque pour vous apprendre à rentrer chez vous, mais c'est juste préventif... l'idée, c'est que vous devriez rester à la maison pour nous préparer des pâtes, tu vois. Pour le retour des guerriers.
[...]
- Et ça t'amuse?
- Mais non, t'énerve pas... Jeanne, c'est ça ?
- Oui.
- C'est juste pour dire que ces bâtards sont débiles. Je connais des filles plus enragées que n'importe quel mec.
(p. 20-21)
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- Tu te plairais aux Fauvettes, toi... [...] Un squat rural. Vingt ans qu'ils existent, avec des hauts et des bas, des gens qui passent, d'autres qui restent...
- Ils cultivent ?
- Bien sûr. Répartition du travail selon les compétences de chacun, tâches collectives... une organisation beaucoup plus complexe que la nôtre.
- Tu y as vécu ?
Tonio ne répond pas tout de suite, comme s'il n'avait pas entendu la question. Il va simplement chercher la réponse très loin, au coeur de ses souvenirs. Difficile de savoir s'ils sont bons ou mauvais, lorsqu'il souffle :
- Oui. Mais c'était il y a longtemps. J'y passe régulièrement.
- [...] Pourquoi t'es parti ?
Le visage de Tonio se fend dans un grand sourire.
- Déjà, ils sont végétariens ! Et tu vois, moi, le boeuf, je pourrais le manger encore vivant. Les galettes de boulgour, les lentilles marinées, le riz sauvage qui croque sous la dent, tout ça...
Tonio ricane et ça résonne caverneux. Ses yeux brillent de malice tandis que son rire vire à la toux, encore.
- Au bout d'un an, j'aurais pu bouffer un gosse ! Et puis, c'est pas assez... punk, pour moi.
- Punk ?
- Comment t'expliquer ça ? En fait, eux font le pari de vivre hors de la société. Moi, je préfère vivre dedans, mais à ma façon, quitte à foutre le bordel. Tu vois ?
- Tu veux dire que c'est un îlot de résistance, mais que ça sert à rien parce que personne le sait ? Toi, t'as envie de mettre sous le nez des cons leurs vies de cons !
- Même pas. J'aime les gens, et la plupart de ceux qui ont une vie de cons ne l'ont pas choisie, et n'ont même pas les moyens de s'en rendre compte.
(p. 93-94)
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Essayer de calmer Marc aurait été comme jeter des verres d'alcool sur un brasier.
Et personne, de toute façon, n'aurait songé à le faire.
Marc était dans son élément, à hurler sa haine d'un monde éternellement inégalitaire,
violent jusque dans ses inerties.
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Il aurait aimé leur parler d'elle, mais il s'est senti con, il a pas osé. Peut-être aussi qu'il voulait la garder pour lui, au chaud dans sa tête et sous sa peau, comme un secret.
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- [...] J'ai cru que je pouvais faire confiance à ce connard [d'instituteur]. J'ai tout balancé. J'ai expliqué que ma mère se faisait défoncer la gueule tous les jours, et que pour mes frères et moi c'était à peine moins souvent, et que si on y échappait, c'était souvent parce que ma mère s'était interposée pour prendre les gnons à notre place. Parce que le paternel, c'était deux gros poings au bout d'une machine à pas réfléchir. Il avait tellement de rage et tellement pas d'éducation qu'il pouvait pas faire autrement. Il savait rien de rien, mon père. Sauf qu'il avait tout donné pour qu'on quitte l'Italie, tout. Et la misère qu'il trouvait en France, c'était la même, exactement la même, que celle qu'on avait quittée. Bref, cet instit'... Bon, il a sûrement fait ce qu'il a pu, mais... il a convoqué la mère, direct. Elle captait rien, ma mère, elle parlait même pas un italien correct, elle baragouinait un patois vénitien. [...]
Ma mère, quand elle a su pour la convocation, elle a mis sa plus belle robe et elle est allée au rendez-vous en me jetant des regards furieux sur le trajet de l'école, et en me demandant quelle bêtise j'avais faite pour qu'elle soit convoquée comme ça. Et quand le maître a commencé à parler des violences... comment t'expliquer ? J'ai vu tellement de terreur sur son visage, et tellement d'incompréhension - on ne parle pas de ce qu'il se passe à la 'casa', surtout pas à un étranger, comment j'avais pu ? Alors j'ai eu peur. Et j'ai nié.
- Comment ça ?
- J'ai dit que j'avais menti. Que j'avais tout inventé, pour me faire remarquer, pour faire comme mon copain.
- Mais il t'a cru ?
- Oui. C'est ça le plus fou, et le plus triste, dans cette histoire. Il a pas vu les cernes de ma mère, son regard coupable, son silence coupable. C'est comme s'il était soulagé de m'entendre dire ça. Il m'a hurlé dessus, m'a traité de menteur, et il a continué de le faire durant toute l'année... devant les autres élèves. C'était mort : j'étais un menteur. Je suis plus vieux [que toi] tu sais, à l'époque, passer pour un menteur, c'était vraiment la honte.
- Et ta mère ?
- Ma mère, elle a rien dit jusqu'à la maison. Et puis avant d'entrer, elle m'a retenu par le bras et m'a glissé 'Grazie per tuo padre', merci pour ton père. Voilà. C'est tout ce qu'elle a dit. Et elle a continué à prendre des coups, et à serrer les dents. Sans pleurer. Parce que chez moi, c'est pas juste les hommes qui pleurent pas, tu vois. C'est tout le monde.
(p. 83-84)
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Le gars s'approche, embrasse Jeanne, Alison, Lucie, serre la paluche de Tonio et s'affale sur une chaise en interpellant le serveur. [...] Le genre de mec qui prend les décisions et que tout le monde écoute, même s'il milite pour la disparition des chefs.
(p. 20)
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- Ca a pas l'air de les déranger, les caméras, constate Jules en regardant les étudiants entrer et sortir en grappes.
- Quand tu penses qu'on parle de privatiser la fac et que personne n'en a rien à foutre ...
- Non, je crois pas qu'ils s'en foutent. C'est juste qu'ils ont d'autres priorités.

Eux, les autres. Comme une nouvelle frontière impénétrable. Ils éprouvent la marge avec une certaine jubilation, mêlée à du regret. Marc dirait sans doute : Les barricades n'ont que deux côtés, mais Marc manque de nuances. Sa rage est pure, totale, en accord avec ses idées, et celui qui ne pense pas comme lui devient vite un ennemi de classe,. Un ennemi à combattre, un collabo. C'est ce qui lui donne de la force.
Jeanne, elle, se sent parfois coupée en deux, entre les convictions qui l'animent, l'exaltent
- et le doute, porteur d'immobilisme.
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Marc ne parle jamais de ses parents. Basile un peu de sa mère, c'est tout. Ali, en revanche, cite son père à chaque fois qu'elle a besoin d'un exemple comparatif pour citer un connard.
(p. 47)
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C'est demain. Demain qu'ils partent au Contre-Sommet : quelques heures de route pour rejoindre les baraquements de fortune, tentes, lieux collectifs habités pendant plusieurs jours par des milliers de résistants. 'Contre-Sommet', un joli mot, une métaphore parfaite de la pyramide du pouvoir.
(p. 185)
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Le frisson roule et remonte le long de son dos à mesure qu'elle entend à nouveau les cris, slogans intenses qui résonnent par des milliers de voix. Basile attrape sa main, croise ses doigts dans les siens. Ils sont une poignée, ils sont des milliers. Ils sont deux, elle et Basile dans le reste du monde. Ca pourrait durer une vie entière, elle pense.
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