Ce qui est arrivé dans le passé ne peut demeurer dans le passé, tout comme le futur se situe toujours un souffle devant. Le plus important, c’est le présent ... Le passé et le futur sont le présent.
Quand on s'endort le soir en riant, il est difficile de se réveiller au soleil en pleurant.
On en apprend beaucoup en observant la manière dont les gens s'acquittent d'une tâche qui leur déplaît. C'est indispensable pour connaître leur caractère.
Toute la nuit, je vole, en quête d’une lueur de vie. J’aperçois parfois des animaux qui chassent dans les ténèbres, des loups qui cernent une biche pleine, des chouettes qui décrivent des cercles pour fondre sur les mulots qui s’aventurent hors de leurs terriers, des lynx aux yeux jaunes qui, sur leurs coussinets, s’approchent en silence pour bondir sur les lièvres. Je plane au-dessus de la blancheur de la mer intérieure, et quand je regarde en bas, mes yeux percent la couche de glace et je vois les grands poissons qui évoluent lentement dans l’eau glaciale, des bancs entiers, leur faim atténuée par le besoin de continuer à bouger, si bien que les petits poissons, leur future nourriture une fois le printemps revenu, sont obligés de nager au milieu d’eux.
- Notre monde n’est pas le même que le tien. Les animaux de la forêt ne se donnent à nous que s'ils jugent bon de le faire.
- Tu prétends donc que les animaux sont capables de raison ? Qu’ils ont une conscience ?
- Je dis que les humains sont les seuls dans ce monde à avoir besoin de tout ce qu’Il contient. Or, ce monde ne contient rien qui ait besoin de nous pour survivre.
Nous ne sommes pas les maîtres de la terre. Nous en sommes les serviteurs.
Alors que le soleil est encore loin de se coucher, des dizaines de Hurons en grande tenue sont déjà là, le visage peint en rouge, bleu et ocre jaune, les hommes avec leurs cheveux huilés fièrement dressés, les femmes avec leurs longues nattes. Tous portent leurs plus belles peaux de cerf décorées d’ouvrages de perles. Il est indéniable, Seigneur, que les gens de ce peuple sont beaux, plus beaux que tous ceux que j’ai jamais vus. Les hommes feraient honte à nos plus brillants athlètes, et les femmes au corps souple et plantureux sont capables de rivaliser avec n’importe quelle altesse européenne.
« Ces gens font preuve d’une imagination fertile dans le domaine des tortures, dis-je à Gabriel. Aussi fertile et peut-être même plus que celle de n'importe quel inquisiteur. »[…]
« Ils ne laissent rien au hasard. Tout est soigneusement réglé. C’est l’une de leurs cérémonies les plus importantes.
- Mais pourquoi ? Pourquoi tiennent-ils à infliger tant de souffrances à un être humain ?
— Pourquoi l'Inquisition espagnole a-t-elle fait ce qu'elle a fait ? je réplique. Pourquoi notre propre Église condamne-t-elle les sorcières au bûcher ? Pourquoi les croisés ont-ils punis les Maures avec tant de raffinement ? » […]
« Certes, il est facile de dire que nous punissons ceux qui sont une abomination aux yeux de Dieu, reprends-je. Or, il ne s’agit pas seulement de cela, ne pensez-vous pas ? Je crois que nous autorisons et pardonnons la torture dans la mesure où elle nous aide à exorciser la peur de la mort que nous éprouvons tous. Torturer quelqu’un, c’est dominer la mort, s’en rendre maître, ne serait-ce que pour un bref instant. »
Nous sommes le peuple né de ce pays. Et pour la première fois aussi, je comprends ce que je n'avais pas entièrement compris avant de voir ces créatures pâles venues d'ailleurs nous regarder avec stupéfaction en s'interrogeant sur notre présence. Nous sommes ce pays. Et ce pays est nous.
Certes, je ne les ai pas entendus ni vus. L’atmosphère glacée s’est modifiée, les cheveux sur ma nuque se sont dressés, quelque chose m’a frôlé comme un essaim de mouches noires bourdonnant à mes oreilles, et là, en plein après-midi, j’ai été tiré de mon paisible sommeil.
" Il n'existe pas de moyen plus rapide d'amener des gens à croire que de leur offrir à l'instant voulu la chose dont ils ont le plus cruellement besoin."