De drôles de fous rires malheureux
Comment parler de ses parents ? J'avais beaucoup aimé Profession du Père de Sorj Chalandon, le ton à la fois caustique et amusé de l'auteur pour garder ses distances, et décrire avec dérision une enfance
inavouable.
En Attendant Bojangles entre les mains d'Olivier Bourdeaut, impose la même attitude, parler de ses parents immatures avec retenue et trouver à chaque pas, matière à plaisanter pour ne pas sombrer dans la déprime.
« Maman avait de drôles de fous rires malheureux » p63, « ne me traitait ni en adulte ni en enfant mais plutôt comme un personnage de roman », « inventez moi une belle histoire ! p14 « Ainsi se dessine la ligne tendue entre les rires et les larmes.
Un roman qui n'a ni queue ni tête mais drôle d'après l'éditeur p157, écrit à deux mains le papa et le fiston, la drôlerie de l'un, Georges renvoyant à la drôlerie de l'autre, le fils , le personnage principal étant la maman Georgette ou l'un de ses prénoms féminins du jour.
Cette belle histoire , comme un conte, commence par un enchantement, un bal où les danses suivaient les sillons d'une musique vraiment folle.
L'enchaînement des cocktails multicolores réclamait Bojangles comme une drogue et « il fallait s'emparer du bras pour remettre le diamant... une musique qu'un diamant seul peut donner, offrir une musique pareille , triste et gaie en même temps » p16.
Extravagante histoire, où tous les débordements fleurissent, mûrissent et explosent sous les chandelles de Paris ou sur la terrasse ensoleillée du château en Espagne, car rien ne doit assombrir les voltiges de mademoiselle Superfaitatoire bel oiseau de Numidie.
Car rien ne doit ternir Louise, comme si il était besoin de s'étourdir pour faire face au réel.
Rien, ne doit entraver la gaîté, et l'on rêve de cette vie où l'on peut dormir sur un coussin de factures, lancer à tel invité acariâtre une petite culotte.
Une vie où l'on peut arrêter l'école pour des amandiers en fleurs, faire déraper l'inspecteur des impôts en bas des escaliers, écrire à l'envers, jeter les espadrilles à la poubelle car « c'est là qu'elles vous vont le mieux », jusqu'à déclencher un incendie pour effacer les dettes...
Les fruits les plus beaux sont parfois amers, la folie grandit et la prêtresse de toutes ces fêtes devient une fantasque obsessionnelle.
Un médecin bien dépité la reçoit et Madeleine d'ajouter à « fréquenter des malades mentaux vous finissez par imprimer ! Même votre tablier n'a pas l'air bien. »
Dans cet Hôpital Hortense se déchaîne entraînant dans la danse le peu de raison qui s'était accroché aux murs blancs , entre Bulle d'Air , Yaourt, et Sven sur son piano imaginaire.
George se fait une raison elle perd la boule son Amour, sa passion , alors une dernière escapade est lancée avec la complicité du sénateur, l'Ordure son joli nom !
L'enfance avec ses mensonges à l'endroit et ses vérités à l'envers semble s'évanouir dans une dernière fête, Bojangles s'accroche mais bientôt ne restera plus que le grésillement de la télévision affublée d'un bonnet d'âne,et en attendant Bojangles prenons un dernier bain.
Ce roman est une bouffée d 'enfance, où les rires guident les pas de Louise, dans cette ronde de prénoms féminins, un nuage d'enfance qui cache tous les désarrois des âmes, un brouillard d'enfance dont on ne peut sortir indemne. Olivier Bourdeaut le sait il faut vite fermer le livre avant qu'une dernière bourrasque l'emporte, il faut vite tourner la page de l'enfance.
Ce récit dresse un tableau émouvant de ses parents, le pari de la dérision s'imposait, l'amertume est aussi présente mais avec une poignante retenue.
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Ce livre est une de mes pépites. du pur bonheur en pages.
On suit l'histoire d'une famille extra-ordinaire, complètement déjantée, d'un petit garçon et ses parents, surtout sa maman qui vivent comme hors du temps et hors du monde. Des flash-back sous forme de journal intime de la figure paternelle viennent ponctuer le récit; le tout est truffé d'humour et de descriptions tellement vivantes qu'on s'y croirait.
Faute de pouvoir me faire adopter par cette famille, j'ai eu juste envie de vivre comme eux, de rire toute la journée à plein gosier, de croquer chaque minute. La fin de l'histoire m'a même tiré quelques larmes, non seulement pour son côté tragique mais aussi de tristesse d'avoir achevé cette lecture...
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A mi chemin de Vian et de Malzieu, une histoire de vie en feux d'artifices pour des histoires d'amours (maternel, paternel, marital, filial) et d'humour universelles. La folie de la vie toujours gagnante, on ne choisit pas toujours le bon dosage.
Un roman très court qui mérite d'être lu aux terrasses des cafés, sur le sable, dans son canapé, de traîner dans les salles d'attente, de voyager, et émouvoir le plus grand nombre. Un pied de nez à une réalité implacable. Coup de cœur.....à lire et relire.
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