Tu as écrit que tu étais «tombée amoureuse» de moi. Ça m’a ému parce qu’il y a quelque chose de naïf et d’adolescent dans cette formulation. Merci de nous laisser croire qu’à nos âges et surtout au mien nous pouvons encore graver des cœurs sur les arbres.
On peut détruire une personne sans la toucher.
Écrire à Adeline et recevoir ses réponses lui manquaient cruellement. Pire : en quittant cette femme, quatre ans plus tôt, il avait sans doute commis l’erreur la plus magistrale de toute sa vie amoureuse.
Et si, finalement, le monde se divisait en deux catégories de personnes ? Les premières traversent l’existence avec facilité et désinvolture, elles semblent considérer le bonheur comme un dû : elles veulent une maison, elles l’achètent ; elles ont envie de découvrir le vaste monde, elles y vont ; elles désirent des enfants, elles en font, quoi de plus naturel ? Dans la seconde catégorie, à l’inverse, on trouve tous ceux qui doivent souffrir, soulever des montagnes pour arracher les miettes d’un bonheur qui à leurs yeux ne va pas de soi ; les clandestins du bonheur, les pénitentes comme Adeline.
Longtemps je me suis dit que je mourrais sans avoir pu décider au juste si la vie était une tragédie ou une grosse poilade. Aujourd'hui je sais qu'elle n'est ni l'une ni l'autre. Elle est juste là, sidérante d'inventivité, parfois difficile à tordre, mais parfois si incroyablement, miraculeusement, éperdument (merde pour les adverbes)... belle.
Il se surprit à penser de nouveau à son projet d'écriture. Il aurait donné beaucoup pour se retrouver à archer sur les chemins autour de la Bégude, à y enflammer son imagination, et rentrer presque en trottinant pour se jeter sur son ordi et écrire. Les personnages de fiction ne vous trahissaient jamais, même les pires, puisque c'était vous-mêmes qui inventiez leurs trahisons et qu'ils ne faisaient que jouer leur rôle en bon petits soldats de votre histoire. Vous pouviez organiser le monde à votre convenance, punir et récompenser. Vous pouviez vous permettre toutes les fantaisies : faire des bons dans le temps par exemple, revenir en arrière ou vous propulser en avant. Vous pouviez écrire "Trois mois passèrent". En comparaison, la réalité était lente, pisseuse, vide de sens.
Je parle d'un mal plus insidieux, plus invisible. A son contact, c'est comme si je me dissolvais. je n'ai plus de volonté, plus de résistance, plus d'autonomie. Cet homme agit comme un acide. Il sape peu à peu mes fondations.
Laisser tomber la ponctuation ! Jamais ! Plutôt crever. Je suis prêt à renoncer à la bicyclette, au sexe, au bordeaux, mais à la ponctuation, jamais ! Imagine un peu à quoi ressemblerait une phrase sans point final
[...] la vie est souvent comme ça, non ? Imprévisible, aussi indéchiffrable qu'un rêve ?
Le seul carburant qui me reste, c est celui de la joie et je compte bien le bruler sans compter.