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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
C'est en tant que journaliste que Kessel a vécu et commenté la guerre pour Paris-Soir. Son patron Pierre Lazareff sait combien une signature de Kessel fait bondir les ventes d'un journal.

Druon a de la guerre une vision héroïque, très littéraire, qu'il tient de ses lectures l'Illiade et de sa passion pour les récits de la mythologie gréco-romaine. le héros est son type d'homme. Il croit à la grandeur, au dépassement, aux valeurs militaires. Kessel son oncle lui offre Guerre et paix de Tolstoï. Ce sera son livre préféré mais aussi un refuge durant les semaines d'oisiveté et d'inquiétude.

En juin 1940, l'armistice est signé. Germaine Sablon décide de s'enrôler à la Croix-Rouge, qui a besoin de bénévoles. Humanitaire avant l'heure, elle assume différentes tâches. Elle distribue nourriture, vêtements et se démène pour trouver des solutions d'hébergement. En vraie combattante, elle a la volonté de se rendre utile. Avant Kessel et Druon, elle est la première à s'engager dans un réseau de résistance.

Le 16 juin le président de la République nomme Philippe Pétain président du Conseil. le 27 juin après un bref transit à Clermont-Ferrand, le gouvernement s'établit définitivement à Vichy. France-Soir ce fixe à Lyon.

Le 10 juillet l'Assemblée nationale vote les pleins pouvoir constituants à Philippe Pétain. Pendant l'occupation, les autorités allemandes, recense les ouvrages qui doivent être impérativement retiré de la vente ou sont interdit de publication parce que leurs auteurs sont juifs, communistes ou opposants au nazisme. Parmi eux : Thomas Mann, Stefan Zweig, Louis Aragon, André Maurois, Freud, Trotski, Kessel, …

Germaine Sablon a bien connu André Girard, illustrateur et décorateur de Théâtre. André Girard dit « Carte » dans la clandestinité est le fondateur du réseau de résistance carte. Germaine Sablon était en mesure de rendre service à Carte. Ses tours de chant allaient pouvoir justifier ses déplacements. Toutes ces informations sur le réseau carte ont été puisées dans l'ouvrage de Thomas Rabino. le Réseau Carte. Histoire d'un réseau de Résistance, antiallemand, antigaulliste, anticommuniste et anticollaborationniste. OUF ! Ce même auteur a également écrit un livre, en vérité, passionnant sur le résistant Jean Moulin dont je vous recommande vivement la lecture.

Kessel, Germaine Sablon et ensuite Maurice Druon étaient dans la résistance Carte. Kessel sous le faux nom de « Joseph Pascal » et Germaine sous celui de « Tante Aurélie ».

Dans cette seconde guerre mondiale, une résistance intérieure très active, agit maintenant depuis Londres. C'est le FFL Forces française libres. Kessel devient gaulliste pour la vie. Jugez trop vieux, il se voit refuser de combattre dans l'aviation. Quel rôle assigner ici ou ailleurs à Kessel, sinon écrire. Ecrivez donc quelque chose sur la résistance lui propose le Général de Gaulle. Vous le devinez sans doute, Kessel est à l'écriture à Londres en 1943 pour : L'Armée des ombres.

Pour Druon, le roman historique doit coller à la réalité, ne se permettre aucun écart avec elle, aucune fantaisie dans la reconstitution. Pour Les rois Maudits, il a l'idée de s'exprimer sur le plus long procès de l'Histoire, celui que Philippe le Bel intenta à l'ordre du Temple. Ce procès dura sept ans, s'achevant sur le bûcher de l'île de la Cité où périt dans les flammes le Grand Maître de l'ordre, Jacques de Molay. Dans les années soixante-dix, l'adaptation des rois maudits pour la télévision renforce le succès du livre.

Kessel n'a jamais ressenti le désir d'entrer à l'Académie française. Mais ses amis ont eu raison de ses réticences et l'ont convaincu de poser sa candidature. Son neveu Maurice, lui fait valoir le bonheur qu'araient eux ses parents, Samuel et Raïssa, de le voir entrer à l'Académie. Après une courte campagne, Kessel est élu, le 22 novembre 1962. Pour Maurice Druon, son élection à l'Académie française, quatre ans après Kessel, est une apothéose. Il entre fringuant et joyeux, à l'aise sous la cape et le bicorne que son oncle s'était montré timide et gêné.

En 1969, Jean-Pierre Melville adapte au cinéma L'Armée des ombres, roman de Kessel. le casting est impressionnant. Parmi les acteurs ont peut citer : Simone Signoret, Paul Meurisse, Christian Barbier, Lino Ventura.

Kessel tel un vieux lion épuisé ne baisse pas la garde. Il écrit son dernier scénario pour un film documentaire sur Israël, pour Frédéric Rossif, Un mur à Jérusalem.

Lorsque je lis un livre, j'aime déborder, trouver d'autre liens à partir de documents scripturaux ou Internet pour étoffer les données du livre avec un rapport proche ou plus lointain. C'est ainsi que j'ai rebondit sur la magnifique chanson de Rika Zaraï, israélienne, née à Jérusalem. La chanson est Un mur à Jérusalem qu'elle chante en français et en hébreux.

Le général De Gaulle décède le 9 novembre 1979. Ses funérailles à Colombey sont télévisées. « le soir vers 18 heures, la télévision retransmet l'hommage de la ville de Paris au Général. Les officiels puis la foule des Parisiens remontent les Champs-Elysées jusqu'à l'Arc de triomphe, comme le jour de la libération de Paris. A l'antenne les voix de deux commentateurs s'alternent et se répondent. Kessel assiste depuis son fauteuil. Pour lui, l'émotion est particulière : elle ne tient pas seulement aux images qui lui rappellent les temps glorieux. Elle tient à l'une des voix qui s'exprime. C'est en effet « Maurice » qu'il entend en alternance avec « Léon Zitrone. »

Pour ses vieux jours, Kessel se retire, avec son épouse Michèle et son chat Moustapha au calme de la campagne à Avernes situé à près de 50 km de Paris. Il y reçoit Yves Courrière son biographe, Georges Walter, de temps à autres ses neveux. Georges Walter l'incite à écrire, lui prodigue des suggestions mais c'est peine perdue. Il n'en a plus le courage et demande qu'on le laisse en paix. Outre sa phobie de l'écriture, Kessel est rongé par une autre peur, toute aussi obsédante et douloureuse, celle de mourir et de laisser seul son épouse Michèle. Michèle a été marquée par les violences d'un père alcoolique. Elle est elle-même alcoolique et cela tourne en peur, cris, jalousie, pleurs, sentiments d'abandon lorsque Kessel s'adonnait trop à l'écriture. Cela a été un couple aimant. Kessel s'est beaucoup occupé d'elle. Il a été inspiré pour écrire un livre sur les alcooliques anonyme. Michèle a écrit un livre retraçant son enfance et son addiction à l'alcool : La promesse, mais contrairement à l'espérance d'un livre thérapeutique, ce livre n'a pas chassé ses démons.

C'est le quatrième livre que je lis de Dominique Bona. Toutes ces biographies s'articulent sur une grande recherche de supports qui contribuent à un résultat assez complet et de qualité. Les nombreux renvois en bas de page en attestent. En faire une chronique n'est pas aisé car tant de choses paraissent importantes aux lecteurs. Les choix sont subjectifs. Pour compléter mon avis, c'est un livre qui se relit. Pour mieux s'y retrouver on peut imaginer mettre un index des éléments essentiels par exemple, résistance, Académie française, épouse, titre de livre, pays visité... Ce travail important permettrait d'orienter sa lecture, relecture.



Pour terminer en guise de conclusion les paroles du Chant des partisans nous les devons à Kessel et Druon. La musique est russe. Nous la devons à Anna Marly. Bien des personnes l'ont chanté dont Germaine Sablon en primeur.

C'est un livre à recommander pour les amateurs de biographies, d'histoire et de récits d'aventures.

A la suite d'une opération masse critique privilège, je remercie Babelio, les éditions Gallimard et Dominique Bona. Grâce eux, j'ai passé de passionnants moments et élargi mes horizons culturels et linguistiques.

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Pour avoir lu de nombreux ouvrages de et sur Joseph Kessel, cette biographie me n'a apporté que peu de nouvelles informations, en revanche, je ne connaissais pas une grande partie de la vie de Maurice Druon, voilà qui m'en dit plus et qui me donne envie d'en savoir un peu plus.
Mais , une fois de plus, j'ai apprécié grandement le personnage de Germaine Sablon et son engagement sans réserve dans la Résistance et dans le corps sanitaire au moment de la libération du pays. Elle mériterait une biographie encore plus développée, mais celles qui existent déjà la mettent en lumière et permettent de ne pas oublier cette femme d'exception qui sut se faire aimer de Kessel.
Un beau moment de lecture. Oui, j'ai noté , à mon tour, quelques répétitions et des occurrences (déréliction maintes fois utilisée) mais elles n'enlèvent rien à la qualité de l'écriture.
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Dominique Bona, historienne, membre de l'Académie française, connue pour plusieurs de ses biographies sur des personnalités du 20e siècle, a consacré sa dernière oeuvre à un oncle et son neveu, ayant tous deux également été membres de l'Académie française, dans Les partisans, Kessel et Druon, une histoire de famille.

Cette biographie s'attache aux deux hommes, Joseph Kessel, l'oncle, journaliste et écrivain aventurier, et Maurice Druon, son neveu, plus sédentaire, qui sera un temps ministre des Affaires culturelles sous la présidence de Georges Pompidou, mais également à Germaine Sablon, soeur de Jean Sablon, chanteuse et longtemps compagne de Joseph Kessel.

Le titre, Les partisans, fait référence au Chant des partisans, l'hymne de la Résistance française durant l'occupation par l'Allemagne nazie, dont les paroles ont été écrites par Joseph Kessel et Maurice Druon, sur une musique composée par Anna Marly à partir d'un air russe, et interprété pour la première fois par Germaine Sablon.

Le livre débute le 23 décembre 1942, date à laquelle Joseph Kessel, soumis aux lois antisémites, part, accompagné de Maurice Druon et Germaine Sablon, de Collioure pour l'Espagne afin de rejoindre l'Angleterre et la France Libre.

Deux parties se distinguent. La première se déroule pendant la deuxième guerre mondiale avec des retours en arrière sur l'enfance et la jeunesse des trois protagonistes. La deuxième relate la vie de Joseph Kessel et de Maurice Druon, après la guerre et jusqu'à leur mort, dans leurs succès publics, leurs épreuves privées et leur lien filial.

La structure de la première partie m'a paru plus difficile à suivre en étant moins chronologique et en entremêlant les trois destins, avec l'impression d'un attachement particulier de l'autrice à Germaine Sablon, femme engagée, au coeur de l'action dans ses fonctions d'ambulancière. Elle apporte néanmoins de nombreux détails pour une bonne compréhension de l'engagement dans les Forces Françaises Libres (FFL).

Je ne m'attendais pas aux développements de la deuxième partie au regard du titre de l'oeuvre et de sa quatrième de couverture (même si une phrase mentionne effectivement le lion et Les cavaliers de Joseph Kessel ainsi que Les Rois maudits de Maurice Druon). J'ai trouvé très instructif et plus facile à mémoriser cette progression chronologique, montrant à chaque fois les similitudes et différences entre les deux hommes et donnant un éclairage captivant sur leur bibliographie.

Pour résumer, c'est une biographie croisée, passionnante, avec de nombreuses ramifications. Elle plaira à mon sens à ceux qui veulent en savoir plus sur la France Libre et sur ces deux écrivains qui ont marqué leur siècle. le changement de traitement entre les deux parties peut étonner, mais permet finalement de redonner un nouveau souffle, ce qui peut être nécessaire dans une biographie de plus de cinq cents pages. Une très belle découverte !

Je remercie Babelio et les éditions Gallimard pour cet envoi dans le cadre d'une masse critique privilégiée.


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Voilà une magnifique biographie croisée de Kessel et Druon, l'oncle et le neveu, l'un et l'autre écrivains, l'un et l'autre ayant choisi la voie de la France Libre et écrit les paroles du "Chant des partisans". D'où le titre. Titre trompeur d'ailleurs parce que le livre ne se limite pas à la période de la guerre mais englobe la totalité de leurs vies.
On y découvre deux personnages très différents, un Kessel aventurier, plongé dans le malheur des hommes, quel que soit leur statut social et un Druon mondain, assoiffé d'honneurs et à la plume assassine. A noter le beau portrait de la chanteuse Germaine Sablon, un coeur pur et courageux, et la mise en valeur d'Anna Marly, musicienne trop oubliée qui composa la musique du "Chant des partisans". Dominique Bona nous offre là une superbe traversée de la fin du XXe siècle en compagnie de personnages étincelants, le tout dans un style fluide et d'une grande clarté.
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Kessel et Druon. Que de mots et d'aventures viennent à l'esprit à l'évocation de ces deux noms. Kessel le journaliste aventurier, l'écrivain prolixe qui trempe sa plume dans la chair et l'éclat des personnages qui l'inspirent. Druon, l'auteur des Rois maudits... Je suis venue aux romans de Kessel après la lecture de sa biographie par Yves Courrière, une somme de 1200 pages à peine suffisantes pour couvrir la surface et l'envergure du personnage ; de Druon par contre je n'ai lu (et adoré) que Les rois maudits et connaissais peu de choses de sa vie. Dominique Bona les réunit ici comme ils le furent presque tout au long de leur existence puisque Maurice Druon était le fils naturel de Lazare Kessel, frère de Joseph, qui se suicida assez jeune. C'est bien sûr l'écriture qui rapproche les deux hommes, l'admiration du cadet pour son aîné de vingt ans ainsi que leur parcours commun pendant la seconde guerre mondiale et ce fameux Chant des partisans dont ils signeront les paroles.

C'est d'ailleurs en 1942 que l'autrice choisit d'ouvrir son récit, alors que trois individus sont en route vers l'Espagne puis le Portugal d'où ils comptent rejoindre Londres. Druon, Kessel et Germaine Sablon sa maîtresse, ou plutôt l'une de ses maîtresses car du côté de la situation sentimentale de Kessel c'est compliqué. La jeune femme est une chanteuse à succès, moins que son célèbre frère Jean qui vit en Amérique mais aussi très engagée dans la Résistance. Elle sera la première à interpréter le Chant des partisans (on peut écouter sa version sur YouTube) dont l'origine est un chant russe importé par Anna Marly, traduit et adapté par ses deux compagnons pendant leur séjour à Londres. A partir de ce carrefour, le destin de Germaine Sablon va se dissocier de celui des deux hommes à la trajectoire ascendante. L'après-guerre est plus compliqué pour elle qui peine à reprendre le cours normal de sa vie mais dont le parcours n'est pas moins singulier et aurait mérité d'associer son nom au titre de ce livre.

Nous suivons Kessel et Druon dans une construction qui multiplie les comparaisons entre deux êtres dotés d'un même appétit de vivre mais qui l'assouvissent de façon très différente. Kessel est une sorte d'ogre au tempérament de feu, avide des plaisirs de la chère et de la chair, marqué par ses origines russes et nourri par sa curiosité à l'égard du monde et des individus qui le peuplent. Druon est un esthète, amateur de raffinements et en quête d'élégance autant que d'honneurs (il sera ministre). La plume de Kessel fait exploser les ventes de France Soir avant de ravir les amateurs de romans d'aventures tandis que Maurice Druon, prix Goncourt 1948 pour Les grandes familles fera figure de précurseur en montant un atelier d'auteurs chargés de l'écriture des Rois maudits, ce que Philippe Lançon avait déjà raconté dans un bel article de Libération à l'été 2022. Style, amours, ambitions, amitiés, appétits, caractères... Tout les oppose et tout les rapproche. Ils seront tous deux reçus à L Académie Française mais n'en tireront pas le même satisfaction. Question d'égo...

Si l'on ne connaît pas grand-chose à ces deux monstres ou à la période, l'occasion est belle de faire connaissance et de croiser nombre d'individus qui ont compté au cours des 70 dernières années. Dominique Bona est une vraie conteuse, ses sujets sont captivants et l'ensemble se dévore avec plaisir. Sinon, on pourra trouver les 500 pages trop étroites (si Courrière a eu besoin de 1200 pages pour Kessel il y a une raison) et regretter que le trio du début soit peu à peu dilué dans un récit biographique plus classique au risque de survoler et de perdre l'idée phare prétexte à ce livre. La matière est tellement riche et foisonnante qu'elle est sans doute aussi compliquée à ordonner que la tignasse de Kessel. L'autrice a d'ailleurs une nette préférence pour la personnalité de ce dernier et ça se sent (il faut dire que le portrait de Druon plus âgé n'est pas très sympathique et pas seulement à cause de ses bonnes relations avec Poutine) et s'est elle-même abreuvée chez Courrière. Résultat : j'ai eu très envie de lire du Kessel et enchaîné avec trois tomes du Tour du malheur (publié en 1950). Je ne suis pas contre ce genre d'effets secondaires.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Une biographie de plus à son arc, elle qui s'est fait une spécialité de cet exercice dans lequel elle excelle. Pour s'en convaincre il suffit de se reporter aux excellents ouvrages consacrés entre autres à Stefan Zweig, Romain Gary, Clara et André Malraux, Gala, et à travers elle Paul Eluard et Dali ...... par exemple.

Ici, elle met en parallèle les vies de Joseph Kessel et Maurice Druon mais, plus que sur leurs ressemblances, - ils ont en commun la passion d'écrire, ne l'oublions pas -, Dominique Bona met l'accent sur les profondes différences qui les séparent, mais qui n'empêchent pas la complicité et l'immense tendresse qu'éprouvent l'un pour l'autre l'oncle et le neveu, neveu qui se laissera guider par cet oncle qu'il admire avant de prendre son envol.

Mais cet ouvrage "Les Partisans" met d'abord en avant l'élan patriotique qui les a conduits tous deux en Résistance, dès 1941, en compagnie de Germaine Sablon, jusqu'à rejoindre Londres courant 1942 où ils mettront leurs talents respectifs au service du Général de Gaulle et auront de conserve composé "le chant des partisans" hymne emblématique de la Résistance, dont Germaine Sablon sera la première interprète.
La vie trépidante et dangereuse à Londres donne lieu aux plus belles pages de cet ouvrage, Dominique Bona, d'une plume inspirée, contant avec verve les péripéties de chacun des deux compères, mais surtout évoquant la figure lumineuse de Germaine Sablon au courage et à la détermination sans faille.
Cette femme énergique va s'investir tout d'abord dans des tournées de spectacles destinées aux troupes, puis désireuse de s'impliquer plus directement dans l'effort de guerre, elle s'engage dans une unité médicale ambulatoire, où de la frontière tunisienne jusqu'à la Bourgogne et la Franche-Comté, en passant par l'Italie, elle va se mettre avec ardeur au service des médecins et infirmières dans les ambulances des zones de combat, exécutant sans rechigner toutes les tâches qui lui seront confiées.

La parenthèse de la guerre refermée, Dominique Bona va suivre les trajectoires si différentes de Maurice Druon et Joseph Kessel dues à leur vision profondément opposées de la vie.
Jef, le baroudeur risque-tout, généreux, excessif et angoissé, cherchant la confrontation violente avec les confins et les paysages bruts, ne tenant pas en place, se devant d'être partout et se sentant partout à l'aise, aimant le contact et attirant l'amitié, ce que l'auteur montre constamment avec bonheur.
Druon, quelque peu compassé et grandiloquent, coulé dès l'enfance dans un univers stable et bourgeois grâce à l'influence de son beau-père, féru d'Antiquité, se complaisant dans l'harmonie classique, aimant le luxe et les apparences et séduit par l'aristocratie.

Kessel a empoigné l'Afghanistan à bras le corps, et en a tiré son chef d'oeuvre "les cavaliers" alors que Druon, quant à lui, s'est contenté de le rêver, en contant les tribulations d'Alexandre le Grand !

Mesure chez l'un, Druon bien sûr, démesure pour l'autre, capable d'excès parfois très malvenus, comme de tout casser et de croquer du verre par exemple, après avoir trop bu !

Leur oeuvre respective leur ayant grand ouvert les portes De l'Académie Française, Jef a enfilé avec désinvolture sa défroque d'académicien, alors que Druon s'est coulé avec aisance et bonheur dans son habit rutilant. Voilà ce qui met particulièrement en évidence les profondes différences existant entre les deux hommes.

Pour passionnant qu'il soit, l'ouvrage souffre cependant d'un léger déséquilibre, Dominique Bona n'ayant pas su ou pu, à mon sens, relier avec aisance, d'un chapitre à l'autre, les fils narratifs, hors la période de la guerre bien sur, où Druon et Kessel ont ensemble occupé le terrain.
Ce qui ne nuit pas à l'intérêt de l'ouvrage cependant mais lui retire quelque peu de sa force et de sa vitalité.
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Trois figures de la scène littéraire et artistique de la seconde moitié du XXème siècle : Joseph Kessel, Maurice Druon son neveu et Germaine Sablon, la chanteuse célèbre, maîtresse de Kessel.
Un récit croisé qui me rappelle la vie de mes parents. Trois évadés de France qui rejoignent le général De Gaulle, les bisbilles avec le falot Giraud à Alger, la campagne d'Italie et la remontée de la division blindée jusqu'en Alsace …

Et puis, tous mes souvenirs devant la télévision que mes parents avaient achetée dès 1948 : les chansons du crooner Jean Sablon, frère de Germaine, les Compagnons de la Chanson, Suzy Solidor, Georges Guétary et sa manie de jouer au tennis en tenue d'Adam dans sa villa de Cannes …

Maurice Druon est le neveu de Joseph Kessel : c'est l'enfant jamais reconnu de son jeune frère Lazare qui s'est suicidé avant sa naissance. Ils ont vingt ans d'écart, et seront tous les deux élus à l'Académie française, aucun n'aura d'enfant.

Kessel est une force de la nature, un journaliste prolifique, courant au-delà de tous les dangers, travailleur acharné, amant polygame, buveur de choc … de lui je n'ai encore rien lu, mais j'ai adoré le film de Luis Buñuel tiré de son roman « Belle de jour », publié en 1928.

En revanche, j'ai dévoré l'essentiel de l'oeuvre de Maurice Druon : Les grandes familles, Les rois maudits (au moins deux fois), Alexandre le Grand, Tistou les pouces verts. Je me souviens de lui en tant que ministre de la Culture, j'ignorais tout de sa vie privée mouvementée.

Cette biographie à trois voix balaye l'ensemble de la vie politique de cette époque troublée : la Résistance, la guerre d'Algérie, la naissance d'Israël, les petites haines politiques des partis et la haine contre De Gaulle (déjà !), mai 68 (j'ai toujours dans ma bibliothèque l'ouvrage d'Arthur Conte, père de Dominique Bona), l'ambiance délétère où l'on trouvait affrontés deux camps : ceux qui avaient choisi à temps la France Libre, et les fidèles du Maréchal … de tous ces hommes politiques, je me souviens très précisément.

Cette triple biographie se lit comme un roman policier. La création du Chant des Partisans en sert de prétexte – mais on cite aussi la Complainte du partisan, composée par Anna Marly et dont le texte est dû à Emmanuel d'Astier – des musiques qui ont marqué ma jeunesse.

C'est le parcours de trois êtres exceptionnels, où les femmes – en particulier le courage de Germaine Sablon comme conductrice d'ambulance et aide infirmière sur les champs de bataille tout comme ma belle-mère adoptive Jacqueline Briot (elle aussi infirmière Croix-Rouge) dans l'armée de Lattre. Des héros de guerre que l'on a oublié …

Une conclusion s'impose : je vais lire quelques romans de Joseph Kessel, et relire pour la troisième fois la série des 7 épisodes des Rois Maudits, réédités en version compacte et intégrale !

Une dernière réflexion, qui m'est toute personnelle : essayons d'imaginer quelle pauvreté de culture - littéraire, musicale, cinématographique, picturale, philosophique, médicale, entrepreneuriale - nous subirions si la France n'avait pas accueilli, reconnu et intégré ces fugitifs devant la barbarie totalitaire ... celle des années 40 et d'aujourd'hui.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Dominique Bona, connue pour son talent de biographe, a eu l'idée de saisir un instant de l'histoire, à savoir la composition du Chant des Partisans (et peut-être plus encore le départ en Angleterre de Germaine Sablon, Kessel et Druon), pour dénouer les fils des ces trois destins, qui se sont entrecroisés, si proches durant un temps et pourtant si différents.
La rencontre de ces trois là ne doit pas grand chose au hasard, rien en tous cas pour Kessel et Druon, oncle et neveu. Et pourtant leur profond attachement les uns aux autres, celui d'une vie entre les deux écrivains, et des liens plus éphémères en ce qui concerne Germaine Sablon, qui a souffert de cet éloignement, est plus étonnant qu'il n'y parait, tant leur personnalités sont différentes.
Kessel et Druon sont, chacun à leur manière deux monstres de la littérature du vingtième siècle. Je préfère Kessel, plus altruiste et plus entier, dont l'oeuvre me parait plus originale. C'est un avis très personnel. La vie de Germaine Sablon est moins intellectuelle. En comparaison avec les deux autres, elle semble presque rangée... Et pourtant, cette chanteuse un peu oubliée fut une femme profondément libre dont la vie vaut le détour.
J'ai beaucoup apprécié la distance prise par Dominique Bona vis à vis de son sujet. Un vrai recul, qui lui donne de la neutralité, tout en conservant tendresse et bienveillance pour des personnes complexes dont elle a bien rendu compte de l'humanité. Il ressort de son livre un grand sentiment d'authenticité, pour des personnages hauts en couleurs. On dirait presque du Kessel, au moins dans la posture.
Seul bémol, je regrette que Dominique Bona n'est pas été plus disserte sur la vie de Kessel entre les deux guerres. En définitive, elle dresse principalement une chronique de la France depuis les années 40 jusqu'à la fin des années 70, à travers ce portrait croisés de trois personnalités que la célébrité et le succès ont imposés à un monde intellectuel dans lequel ils font figure, chacun à leur manière, de marginaux incontournables.
Merci à Babelio et aux Editions Gallimard pour l'envoi de ce remarquable ouvrage.

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Dominique Bona est une écrivaine de grand talent, très douée pour les biographies. Celle qu'elle avait écrite sur Clara Malraux avait marqué de nombreux lecteurs. Dans ce dernier ouvrage, elle s'attaque à deux fortes personnalités de la littérature française du 20ème siècle, Joseph Kessel et son neveu, Maurice Druon mais aussi à un troisième personnage, fort intéressant, Germaine Sablon, chanteuse de variété, soeur du fameux Jean Sablon et maîtresse de Kessel dans les années 40.
Le point de départ du livre est la résistance de ces trois personnages à la défaite française de 1940, leur ralliement à De Gaulle et leur périple vers Londres. Dominique Bona nous présente, certes, la vie de ces trois personnages : le flamboyant et tourmenté Kessel, toujours entre plusieurs aventures et plusieurs maîtresse, le brillant mais plus épicurien Druon, la courageuse, libre et généreuse Germaine Sablon.
Mais Bona va plus loin. Elle se sert de ces trois figures comme de vecteurs pour nous faire vivre des périodes marquantes de l'histoire internationale, politique et culturelle du 20ème siècle. Surtout la période de la deuxième guerre mondiale : la résistance, Londres, l'épuration, les procès de Nuremberg mais aussi à travers Kessel, les affres de la création de l'Etat d'Israël ou l'insoumission de l'Afghanistan.
Nous voyons à l'oeuvre les deux écrivains, tous les deux doués, productifs, ne connaissant pas « la peur de page blanche ». Druon obtient le prix Goncourt à 30 ans pour « Les grandes familles ». Ensemble, l'oncle Kessel et le neveu Druon, créent dans la campagne anglaise en une après-midi le fameux « Chant des partisans ».
Avec Kessel le journaliste et l'aventurier, Dominique Bona, nous emmène aux quatre coins du monde, nous fait rencontrer les nombreuses personnalités avec lesquelles, doué d'empathie, il est lié. Elle nous montre aussi combien sa vie personnelle a été compliquée entre sa mère, ses épouses successives, ses multiples maîtresses, son grand appétit, ses soirées alcoolisées. Homme à facettes, colosse généreux d'un côté, mélancolique et pessimiste de l'autre. Un pessimisme qui se traduisit par son refus absolu d'avoir des enfants.
Avec Druon, sensible aux honneurs, Dominique Bona nous fait fréquenter les acteurs de la vie politique et culturelle française, les présidents de la République aimés (de Gaulle, Pompidou, Sarkozy) les méprisés (Giscard d'Estaing, Mitterrand, Chirac), le ministère de la Culture qu'il occupa un an en 1973-74, les artistes et responsables qu'il encouragea ou affronta (Jack Lang). Ses affrontements avec un Bernard Pivot inspiré sont croustillants. Sur le plan littéraire, l'on voit comment Druon mit en place des ateliers et recruta des plumes pour rédiger les sept tomes de son grand-oeuvre « Les rois maudits » dont il garda cependant la maîtrise rédactionnelle.
Autre point commun, l'Académie Française dont Kessel, Druon furent membres (comme Dominique Bona actuellement) et même secrétaire perpétuel pendant 14 ans pour Druon lequel s'opposa farouchement sans y parvenir à l'entrée des femmes dans cette assemblée.
La perspective Germaine Sablon nous permet de mieux comprendre comment une femme libre, une artiste, pouvait évoluer dans ces milieux et comment très liée à son frère Jean et à sa famille, elle a su résister au délaissement de Kessel et à un inéluctable déclin physique et artistique.
Les multiples angles d'approche de la vie de ces trois personnages utilisés par Dominique Bona rendent la lecture de ce livre de plus de 500 pages, alerte, dynamique, très intéressante. L'auteur dresse des portraits pleins de tendresse mais aussi de lucidité avec une écriture fluide et sensible. Ces « Partisans » sont une belle réussite !
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N'ayant lu de cet auteur que des critiques des livres, j'étais un peu hésitante mais le thème, les biographies combinées de Joseph Kessel et Maurice Druon, a fait pencher la balance.
Et que d'aventures dans cet ouvrage qui démarre par la fuite hors de France en décembre 1942 des deux personnages accompagnés par celle qui fut longtemps la compagne de Joseph Kessel, la chanteuse Germaine Sablon.
Des deux hommes, oncle et neveu, on peut retenir de nombreuses choses. Celles qu'ils ont en commun, l'amour de leur pays, l'amour des femmes, l'amour de l'alcool et leur don pour l'écriture qui les amènera les deux à siéger à l'Académie française.
Et celle qui les séparent, mode de vie, relations, mesure et démesure.
Dominique Bona nous entraine dans cette histoire en combinant l'aspect historique de la guerre de 39.45 et la période de la résistance, le retour à vie civile à l'issue de celle-ci et tous les aspects, sans langue de bois, de la personnalité de deux protagonistes principaux. Elle mêle leurs textes au sien dans une biographie qui se lit comme un roman.
Dommage que certaines longueurs et redites alourdissent un peu l'ouvrage. Les allers-retours entre les périodes, favorisées par la construction des chapitres par thèmes communs aux deux écrivains, sont également un peu perturbants.
Un ouvrage très intéressant, et qui m'a donné envie de découvrir l'oeuvre de Joseph Kessel, et de redécouvrir la saga des Rois Maudits de Maurice Druon.
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