Nouvelle découverte que celle d'
Artifices, de
Claire Berest.
Les dieux du polar savent qu'on a fréquenté pas mal de flics disjonctés, azimutés, hallucinés, mais son héros Abel Bac tient le pompon (ou la queue du Mickey pour paraphraser l'auteure).
Suspendu de ses fonctions depuis quelques semaines (lui-même ne semble pas trop savoir pourquoi, ou bien fait semblant de ne pas), il s'est réfugié dans son appartement, ne sort que la nuit pour errer dans les rues et acheter de la lotion anti-poux, et passe ses journées entouré de ses orchidées qu'il arrose de Doliprane et nettoie au coton-tige quand les angoisses deviennent trop pressantes.
Il faut quelques pages pour s'habituer à ces petites phrases courtes et sèches, à cette écriture hyper moderne, au risque de paraître datée dans quelques années mais tant pis. Quelque chose qu'on écoute comme des dialogues ou plus souvent des monologues intérieurs, mais certainement pas comme une belle histoire racontée par une auteure classique.
Pour autant,
Claire Berest affiche crânement son côté intello : on scande les épigraphes des chapitres avec une fable
De La Fontaine, on cite des mots latins, on emploie des mots chics à la mode comme coruscation, et parfois on s'égare jusqu'à expliquer au lecteur ignare ce qu'est un MacGuffin.
Un côté intello et parisien assumé, d'autant plus que le roman nous invite dans le monde de l'art contemporain : il est fait référence à l'artiste serbe
Marina Abramovic et ses troublantes performances des années 70.
Le pseudo-mystère policier débute avec un beau cheval blanc retrouvé une nuit dans une salle de Beaubourg : une performance artistique, un happening ? Peut-être mais alors de ceux qui ravivent de très mauvais souvenirs dans l'esprit torturé d'Abel.
Voilà un point de départ qui n'aurait pas déplu au commissaire Adamsberg de
Fred Vargas.
Autour de l'intrigue, gravitent quelques femmes.
Camille la collègue flic, qui cherche désespérément à renouer le contact avec Abel pour le sortir de son enfer.
Elsa la voisine du dessus, étudiante en arts, qui cherche désespérément à nouer le contact.
Mila, une artiste qui a le sens de la provocation et de la performance, une artiviste dont on ne comprend pas tout de suite le lien avec tout cela.
C'est elle, Mila, qui nous vaudra les plus belles pages, en fin de bouquin, lors de son séjour parisien chez Carole.
Non effectivement, on n'est pas dans un polar classique et les puristes du genre seront peut-être déçus.
Plutôt dans un roman parisien, une galerie d'art ou un café littéraire, une peinture moderne où se croisent quelques beaux personnages bien dessinés.
Dans ce titre
Artifices il y a donc de l'art, des masques et du 14 juillet.
Allez, on quitte
Claire Berest avec un dernier clin d'oeil de Camille, la fliquette :
Pour celles et ceux qui aiment les orchidées et l'art contemporain.
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