L’espoir de rencontrer là quelques femmes du beau monde et d’être vus par elles, l’espoir moins souvent trompé d’y voir de jeunes paysannes aussi rusées que des juges, fait accourir le dimanche, au bal de Sceaux, de nombreux essaims de clercs d’avoués, de disciples d’Esculape et de jeunes gens dont le teint blanc et la fraîcheur sont entretenus par l’air humide des arrière-boutiques parisiennes. Aussi bon nombre de mariages bourgeois se sont-ils ébauchés aux sons de l’orchestre qui occupe le centre de cette salle circulaire. Si le toit pouvait parler, que d’amours ne raconterait-il pas ! Cette intéressante mêlée rend le bal de Sceaux plus piquant que ne le sont deux ou trois autres bals des environs de Paris, sur lesquels sa rotonde, la beauté du site et les agréments de son jardin lui donnent d’incontestables avantages. Émilie, la première, manifesta le désir d’aller faire peuple à ce joyeux bal de l’arrondissement, en se promettant un énorme plaisir à se trouver au milieu de cette assemblée. On s’étonna de son désir d’errer au sein d’une telle cohue ; mais l’incognito n’est-il pas pour les grands une très-vive jouissance ! Mademoiselle de Fontaine se plaisait à se figurer toutes ces tournures citadines, elle se voyait laissant dans plus d’un cœur bourgeois le souvenir d’un regard et d’un sourire enchanteurs, riait déjà des danseuses à prétentions, et taillait ses crayons pour les scènes avec lesquelles elle comptait enrichir les pages de son album satirique. Le dimanche n’arriva jamais assez tôt au gré de son impatience. La société du pavillon Planat se mit en route à pied, afin de ne pas commettre d’indiscrétion sur le rang des personnages qui voulaient honorer le bal de leur présence.
Un début dans la vie
Les petites entreprises, menacées par les spéculateurs qui luttèrent en 1822 contre les Touchard père et fils, avaient ordinairement un point d’appui dans les sympathies des habitants du lieu qu’elles desservaient. Ainsi l’entrepreneur, à la fois conducteur et propriétaire de la voiture, était un aubergiste du pays dont les êtres, les choses et les intérêts lui étaient familiers. Il faisait les commissions avec intelligence, il ne demandait pas autant pour ses petits services et obtenait par cela même plus que les Messageries-Touchard. Il savait éluder la nécessité d’un passe-debout. Au besoin, il enfreignait les ordonnances sur les voyageurs à prendre. Enfin il possédait l’affection des gens du peuple. Aussi, quand une concurrence s’établissait, si le vieux messager du pays partageait avec elle les jours de la semaine, quelques personnes retardaient-elles leur voyage pour le faire en compagnie de l’ancien voiturier, quoique son matériel et ses chevaux fussent dans un état peu rassurant.
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