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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Il faut du courage pour affronter la vie dans l'Amérique des années 1960. le chanteur Arthur Montana est retrouvé mort dans les toilettes d'un pub londonien à l'âge de trente-neuf ans. Il était noir, homosexuel et chantait le gospel. Son frère, Hall, se souvient.
James Balwin a écrit ce roman comme une tragédie. Il nous convie à vivre au rythme de la communauté noire américaine où la famille, la congrégation, sont des refuges où l'on se sent au chaud, en sécurité. « le rire résonne, les bavardages abondent : ils oblitèrent pour l'instant la souffrance et le danger permanents. » Avec lui, on espère le meilleur pour les rêves de ces hommes et de ces femmes, et l'on pleure le destin brisé des plus vulnérables. Leur vie, c'est la musique, comme un cri.
(...)
" Les nègres peuvent chanter le gospel comme nul autre parce qu'ils ne chantent pas le gospel… (…) Quand un nègre cite L'Evangile, il ne cite pas : il vous raconte ce qui lui est arrivé le jour même et ce qui va certainement lui arriver demain… »
Leur univers, c'est celui de l'Amérique ségrégationniste et plus encore celle du Sud. « L'air était rempli d'une humiliation, d'une frustration, d'une haine, d'une peur à couper au couteau. » Malgré tout, reste l'espoir de pouvoir vivre un jour ensemble. « Notre histoire c'est l'autre, voilà notre seul guide. Une chose est absolument certaine : on ne peut renier ou mépriser l'histoire de quiconque sans renier ou mépriser la sienne propre. Peut-être est-ce cela que chante le chanteur de gospel. »
Il y a du sacré dans ce roman qui nous apostrophe, un peu à la manière des chants qui convoquent le Seigneur. Nous sommes invités à « mettre notre maison en ordre » pour y accueillir la vie."
Elisabeth Dong pour Double marge (Extrait) https://doublemarge.com/harlem-quartet-de-james-baldwin/
Lien : https://doublemarge.com/harl..
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“I say : brother help me please / But he winds up knocking me /Back down on my knees / There's been times that I thought/I wouldn't last for long/ But now I think I'm able to carry on/ It's been a long, long time coming /But I know a change is gonna come / Oh, yes it will”
( “A Change is Gonna Come”, Sam Cooke, “Mister Soul”, tué par balles en 1964)


Gospel charnel, libre et blasphématoire, cri de révolte qui, bien au-delà de «venger sa race», célèbre sa force vitale et sa capacité de résistance face à l'oppression, Harlem Quartet est un pur chef-d'oeuvre, et son auteur, James Baldwin, sans aucun doute l'un des plus grands écrivains nord-américains du XXe siècle, toutes couleurs confondues...

Testament littéraire de l'auteur, dernière des grandes fictions qu'il aura publiées (1979), ce roman d'inspiration autobiographique est rédigé dans une langue littéraire originale, magistralement incarnée, sensuelle et sensorielle, d'une très grande puissance émotionnelle, soutenue en même temps par une partition élégante, au phrasé quelquefois surprenant, travaillé moins de manière purement rationnelle qu'intuitive et spontanée, proche dans ce sens et dans la démarche même guidant son élaboration, du feeling à l'exécution et de l'improvisation omniprésents dans la tradition musicale noire américaine.

«Les nègres peuvent chanter le gospel comme nul autre parce qu'ils ne chantent pas le gospel, si vous voyez ce que je veux dire. Quand un nègre cite l'Évangile, il ne cite pas : il vous raconte ce qui lui est arrivé le jour même et ce qui va certainement lui arriver demain (...) Crunch ne chantait pas un voyage en Egypte il y a deux mille ans, mais sa mère, son père et lui-même, et ces rues juste là dehors, mon frère.»

Ces rues-là, en l'occurrence, sont celles de Harlem, arpentées par les quatre personnages au centre du roman qui y sont nés ou qui y ont vécu depuis leur enfance. Entre échappées plus ou moins longues qui les conduiront successivement, soit en tournées de chant à travers une Amérique contrastée et violente, toujours coupée symboliquement en deux, ou à l'étranger, en Corée pendant la guerre, sous un drapeau américain arborant pour le coup une seule et même couleur, ou bien en Afrique, en quête de sens et de racines, ou encore en Europe afin d'y respirer un air plus léger, ces derniers ne pourront cependant pas s'empêcher d'y revenir, de se rapprocher et de s'en séparer à nouveau, de s'y perdre et de s'y retrouver, comme dans un long et enivrant morceau de free jazz.

«Je peux voir ce que nous étions et ce que nous sommes devenus » - écrit Hal Montana en essayant de retracer l'essentiel de leurs vies. «Et tout s'est passé dans un clin d'oeil. Aucun de nous n'a vu son avenir arriver : nous avons vécu d'inimaginables états dans le présent jusqu'à ce que, brusquement, sans jamais avoir accompli un avenir, nous nous soyons retrouvés à déchiffrer notre passé.»

À travers les histoires croisés de ce quartet - Hal, le narrateur, ange gardien de son petit frère Arthur, chanteur de gospel devenu une star de la soul, retrouvé des années plus tard mort dans le sous-sol d'un pub londonien, Julia, enfant-prédicatrice puis égérie noire dans le milieu publicitaire new-yorkais, avant de tout plaquer pour aller vivre en Afrique, Jimmy, enfin, frère de cette dernière, précocement lucide et révolté -, James Baldwin dresse une galerie de portraits intimistes d'une époque et d'une génération secouée profondément par des mouvements d'émancipation.

Un témoignage poignant de la tension raciale régnant aux Etats-Unis dans les années 50 et 60, vu ici plutôt sous l'angle de personnages d'une grande densité humaine, et qui prendront corps pour le lecteur d'une manière très saisissante, tangible et réaliste. S'inspirant pour certains du parcours personnel de l'auteur (Arthur, comme Baldwin, est noir, artiste et homosexuel) ou de son entourage proche (certains aspects déterminants de la vie et de la personnalité de Julia font drôlement songer à Maya Angelou), le récit convoque aussi chez le lecteur, direct ou indirectement, de très nombreux souvenirs de cette époque charnière, ainsi que les ombres de certaines de ses figures les plus emblématiques : celles, bien sûr, de Martin Luther King, de Malcom X ou de Sam Cooke, mais aussi celles, tout aussi iconiques, d'un Miles Davis, d'une Billie Holiday, de Mahalia Jackson, Nina Simone ou Aretha Franklin.

Baldwin préfère ainsi raconter l'histoire de ces années-là, des violences et des combats qui les ont marquées d'un point de vue plus personnel, intimiste. Son récit est également dépourvu de revendications idéologiques ou de slogans identitaires, et ne cède jamais non plus à la tentation de l'auto-apitoiement ou de l'exaltation victimaire.

C'est surtout aux marques laissées individuellement dans la vie de ses protagonistes que l'auteur s'intéresse. S'il s'agit bien d'histoire américaine, celle-ci y est exposée à fleur de peau et à hauteur d'hommes et de femmes singuliers : il s'agirait avant tout de celle de la construction de leur subjectivité. L'auteur s'intéressera aussi à ce qu'ils pourront faire de ces marques douloureuses, y compris en les faisant approcher par moment ce qui, par devers le contexte de violence qu'ils ont connu et par-delà la haine que ce dernier a pu faire naître chez eux, leur permettrait éventuellement de les transcender et de se réconcilier malgré tout avec l'idée d'une fraternité possible entre les hommes. Il faut pouvoir malgré tout continuer à y croire, à rêver.

«Peut-être l'histoire ne se trouve-t-elle pas dans nos miroirs mais dans nos reniements: peut-être l'autre est-il nous-mêmes. L'histoire pourrait être bien plus que les sables mouvants qui engloutissent les autres et nous ont pas encore engloutis : l'histoire pourrait être en train d'essayer de nous vomir et de nous recracher.»

Harlem Quartet est également, et par-dessus tout dirais-je, un hymne sublime élevé à l'altérité. En tant que lecteur blanc, le temps de cette lecture, croyez-moi, on se teinte tout naturellement de noir, mieux encore, quelle que soit sa couleur de peau, elle incite chacun à s'affranchir de ses propres chaînes d'oppression, extérieures ou intérieures, nous le fait saisir tout en faisant souvent monter l'émotion aux yeux, excite en nous une salutaire rage de vivre malgré la souffrance que cela risque toujours d'entraîner, nous rappelle qu'en fin de compte c'est cette dernière qui, le plus souvent, nous rend plus forts, ou encore, pour reprendre les mots d'un de ses personnages qui résument magnifiquement cette démonstration, qu' «on ne peut renier ou mépriser l'histoire de quiconque sans renier et mépriser la sienne propre». C'est en somme ce que chante ce magnifique gospel scandé sous forme de roman.

Un pur régal!


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Lecture quelque peu essoufflée des 700 pages de ce roman ayant pour point d'ancrage Harlem mais qui étend son intrigue de la Californie, à la Corée en passant par Londres, Paris, Abidjan même et surtout le Deep South - foyer de tous les fantasmes et toute violence de l'Amérique profonde...
Essoufflant surtout cette course au-dessus des nombreuses fractures de la société américaine des années 50 et 60 : couleurs, races, sexe, statut social et religion.
C'est à travers plusieurs épisodes de la vie intime d'une poignée de protagonistes que James Baldwin construit une épopée à rebours, celles de ces jeunes en route pour leur destin qu'ils voient brisés ou qu'ils brisent selon les circonstances (guerre, drogue, violence sexuelle ou meurtres racistes).
La densité de l'intrigue vient de ce que l'intime peut autant se teindre d'érotisme sensuel que de conflits psychiques ou interpersonnels. On y trouve une réflexion en profondeur sur la différence non théorique mais vécue que ce soit à travers l'homosexualité ou le racisme pour aboutir à une vision plutôt noire - ceci sans mauvais jeu de mot - de la société américaine avec cette plongée en apnée dans l'effroi des communautés ségréguées de ces années-là.
La densité du récit s'abreuve encore de l'étrangeté du point de vue narratif à la fois interne mais souvent omniscient ainsi que de l'omniprésence de la musique et surtout du gospel dans lequel évoluent les personnages.
Je termine donc ce roman le souffle court, émerveillé de cette écriture rhapsodique et horrifié par les fractures profondes - irréparables ? - qui ont blessé et blessent sûrement encore la société américaine.
Merci à @Creisifiction de m'avoir donné l'envie de lire !
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Harlem quartet est un puissant et déchirant roman d'amour. Celui de deux femmes et deux hommes, noirs de leur état dans l'Amérique des années cinquante, que la musique unira et que la vie séparera. L'écriture poétique, libre, sensuelle et résiliente de James Baldwin éclaire ces parcours douloureux. Sublime...
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Me voici donc devant une feuille blanche, après avoir refermé une découverte aussi marquante que certains des plus grands classiques que j'ai pu lire. Sauf que cette fois-ci il ne s'agit pas d'un monument multi-centenaire, ou dont tout un chacun a au moins entendu parler.
Non, il s'agit du livre d'un auteur que j'ai découvert par hasard, devant Arte un soir. Happé par la force du propos dont je devais apprendre qu'il était celui de James Baldwin. Méconnu dans une librairie, en rupture de stock dans une autre, j'ai finalement commandé Harlem Quartet pour le découvrir. Découvrir une pensée choc dans le texte. Pensée choc, mais pensée humaine, pensée de la réalité.

Harlem Quartet est à la frontiètre entre le manifeste et l'autobiographie. Il nous fait pénétrer dans les drames les plus durs, de plein pied. Probablement parce qu'une partie est vécue, probablement parce que Baldwin était un penseur irremplaçable. Il nous fait pénétrer dans l'ordinaire du racisme vécu aux Etats Unis dans les années 50, et prouve de manière éclatante que tous les hommes sont égaux. Dans leurs pensées, dans leur grandeur et dans leurs bassesses.
Au passage Baldwin nous décrit aussi un amour homosexuel (deux ou trois en fait). Là encore d'une manière qui ressort si juste, naturelle, que le lecteur se retrouve libéré du poids de ce qu'un regard extérieur lui avait appris depuis toujours.

Baldwin. Penseur, philisophe noir américain des années 50 à 70, homosexuel, n'avait rien pour que d'ici, aujourd'hui, je le comprenne. Et pourtant il semble qu'il ait compris mieux que quiconque qu'il suffisait d'expliquer. Il se livre même à un exercice probablement autobiographique de son arrivée à Paris, en se transposant en Arthur l'espace d'un chapitre durant lequel le narrateur s'efface pour nous décrire comment il a découvert cette ville, et un amant réel ou imaginaire.
Coup de grâce. Cette folie qu'il voit alors, cette liberté, c'est celle qu'aujourd'hui encore nous avons tous voulu voir, qui sommes venus à Paris pour travailler, et avons commencé par découvrir cette ville en profitant un peu de sa nuit.

Bref, si vous ne lisez pas ce livre vous raterez quelque chose d'important. Voilà.
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Le roman s'ouvre sur une mort subite. Arthur Montana célèbre chanteur et pianiste noir américain s'éteint brusquement à Londres laissant place au râle de douleur de son frère ainé, Hall.
Ce dernier nous permettra de reconstituer la partition de toute une vie. Les premières notes dans une famille aimantes, les trilles des passions naissantes, les soupirs du sud raciste... C'est un requiem pour Arthur mis en mots par Hall avec en choeur les voix de ceux qu'il a aimé, de ceux qui ont fait de lui l'homme qu'il était. Un chant d'amour et de deuil qu'il serait impossible de résumer mais qu'il sera aussi impossible d'oublier car Baldwin, en talentueux chef d'orchestre, sait faire résonner les mots avec maestria.
Un roman organique, traversé par une sombre violence mais illuminé par l'amour, accueillant, régénérant, dénué de toute possessivité, qui habite ces personnages inoubliables.
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Et si Harlem m'était conté en noir et blanc, Je ...chanterais .. ou Je.... resterais gorge nouée à l'écouter ... voici James Baldwin et son âme, sa Soul....

Dans le Harlem des années cinquante se nouent les destins de quatre adolescents : Julia, jeune évangéliste qui enflamme les foules, Jimmy, son petit frère souffre-douleur, Arthur, talentueux chanteur de gospel, et Hall, son frère aîné, qui s'apprête à partir pour la guerre en Corée.
Trente ans plus tard, Hall essaie de faire le deuil de son frère Arthur et de revenir sur leur jeunesse. Pourquoi Julia a-t-elle subitement cessé de prêcher ? Pourquoi le quartet s'est-il dispersé ? Pourquoi Arthur, l'empereur de la soul, n'a-t-il jamais vraiment trouvé le bonheur ?

Ecriture âpre, elle gratte. Ecriture violente et sensuelle aussi. Ecriture dure et tendre où l'humour rejoint parfois la poésie. le chant, la musique sont omniprésents et marquent, martèlent la lecture.
L'auteur à sa manière bien particulière, proche de l'autobiographie, balade à la première personne, dans une Amérique profondément raciste, homophobe, haineuse mais pas que ...

Ps: voir et revoir 'I am not your negro'

- Lecture du 28/12/2020 -
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Chronique des USA des années cinquante, le livre ne fait pas de concessions. Racisme, ségrégation, intolérance. le tout sur fond de jazz, d'homosexualité et de guerre de Corée. A rapprocher de Truman Capote (De Sang-Froid).
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Une saga contée à la première personne : monumentale et intime. Un roman fondateur au plus près de l'âme et des blessures qui ne peuvent cicatriser totalement. Une plongée dans l'Amérique du XXe siècle où la vraie guerre a été celle des droits civiques.
Un livre "à vie".
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Le mot est galvaudé peut-être, mais je me permets tout de même : Harlem Quartet est un chef-d'oeuvre. Personne n'a su comme James Baldwin, et singulièrement dans ce gros roman rose publié chez Stock, mêler le style à la langue vulgaire, tels la mer avec le soleil. Les personnages sont noirs, ils vivent à Harlem entre deux pôles : les églises évangélistes et... la musique. Nous sommes dans les années cinquante. Hall, l'aîné, raconte la trop courte existence d'Arthur, son petit frère homosexuel, chanteur miraculeux de cantiques, avec ses trois merveilleux amis - le quartet. le succès les amène à voyager dans le sud des États-Unis, et c'est la rencontre avec les Blancs dans un pays encore ségrégationniste, ou Ella Fitzgerald chante Strange fruit. Julia est une gamine exploitée (par son père) pour ses talents de prêcheuse, elle devra se relever d'avoir cru elle-même au pouvoir des évangiles sur la vie réelle - James Baldwin raconte dans La conversion (Rivages poche) sa vie d'enfant prêcheur, le savoir, je crois, donne un accent plus cruel encore à ce récit.
Voilà, stop, je n'en raconte pas plus. le génie de conteur de l'auteur va vous emmener loin, les sentiments les plus doux vous viendront à l'égard de nombre de personnages, comme un stock de larmes que vous n'aurez (peut-être) pas à verser.
Qu'est-ce que j'adore Baldwin !
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