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Critique de Kirzy


Kirzy
09 décembre 2023
°°° Rentrée littéraire 2023 # 50°°°

« J'aime pas vivre, j'ai voulu casser ma tête. C'était là ma première émotion non scolaire. Je m'étais persuadé ; j'étais mauvais et inutile à tous puisqu'en temps de paix, on n'abandonne pas son enfant. On m'avait maudit à la naissance. »

Lorsqu'on fait la connaissance de Skander, il est à l'hôpital, blessé après s'être jeté dans le vide pour fuir un cauchemar. Il a été abandonné très jeune à de l'ASE ( Aide sociale à l'enfance ) par une mère dysfonctionnelle. Il a désormais huit ans et sa vie est à nouveau chamboulée par un changement brutal de famille d'accueil. Ce sera Mme Khadidja et une cité de banlieue parisienne.

Pour raconter ce parcours initiatique ( à fortes résonances autobiographiques ) dont on ne saura qu'à la fin si le destin de Skander basculera définitivement dans la délinquance ou s'il parviendra à s'en extraire, Mokhtar Amoudi aurait pu opter pour un ton cliniquement documentaire ressassant des clichés déjà lus et vus moultes fois, ou tomber dans l'écueil d'un misérabilisme teinté de pathos lacrymogène, ou encore proposer un énième texte autofictionnel se grattant le nombril. Ce n'est jamais le cas et cela rend le roman d'autant plus intéressant et fort.

L'auteur propose certes un récit réaliste mais avant tout extrêmement vivant et romanesque. le lecteur est immédiatement immergé dans le parcours chaotique de Skander que l'on suit de l'enfance à l'adolescence, puis à l'orée de l'âge adulte, immédiatement à sa hauteur, ce qui permet de voir des choses qu'on ne voit jamais quand on parle des enfants placés, de leur ressenti, de leur devenir, avec la tendresse et la crudité nécessaires.

Les personnages sont particulièrement soignés. D'abord Skander, enfant attachant, intelligent, curieux, forcé à s'adapter alors qu'il ne sait pas qui il est. Pensant d'abord s'en sortir par la voie de la réussite scolaire et de l'amour des dictionnaires, en s'ouvrant au monde extérieur, il devient ce qu'il n'était pas au contact des délinquants de son quartier. On comprend toutes ses erreurs, ses failles, sa lucidité désarmante autant que sa naïveté, même lorsqu'il abandonne l'obsession d'être aimé par l'obsession de l'argent. Bref on est avec lui.

Et puis il y a les personnages féminins de la mère, engluée dans les addictions et la prostitution, qu'il voit en pointillé, et de Mme Khadidja qui le garde, deux magnifiques portraits de femmes en marge, fracassées par la vie.

Le récit est porté par une écriture alerte et enlevée qui désamorce toute situation douloureuse grâce à un humour et une fraicheur qui font du bien à lire sur des sujets aussi sensibles qui questionnent le déterminisme social.





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