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Critique de viou1108_aka_voyagesaufildespages


Ni una menos. Pas une de moins.

En 1986, au moment où l'auteure, alors âgée de 13 ans, a commencé à prendre conscience des violences faites aux femmes, ce mouvement (cette revendication, ce cri de colère) n'avait pas encore vu le jour. Et pourtant, les assassinats de femmes parce qu'elles sont femmes, en Argentine et dans le reste de l'Amérique latine, ne datent pas de 2015, ni même de 1986.

Ceci n'est pas une fiction, c'est la réalité et c'est bien pire. Focus sur trois jeunes mortes, dans les années '80 : María Luisa, 15 ans, Andrea, 19 ans, et Sarita, 20 ans. Elles ont en commun d'être jolies et pauvres, et d'avoir été massacrées, sans mobile établi, par des coupables non identifiés à ce jour. Ce livre n'est pas une contre-enquête d'où surgirait enfin la vérité. Selva Almada a relu les dossiers d'instruction, s'est entretenue (tant bien que mal, 30 ans après) avec les proches des victimes, se déplaçant au fin fond de l'Argentine provinciale, a relié ces trois meurtres à une foule d'autres « faits divers » similaires, y a mêlé ses souvenirs personnels de fillette, d'adolescente et de femme. Elle a même consulté une voyante. Elle s'attarde peu à développer les portraits de ces trois jeunes femmes, ne s'appesantit pas en analyses psycho-sociologiques, passe d'un assassinat à l'autre au point qu'on en vient à confondre les mortes. C'est cela qui rend ce livre (et ce qu'il raconte) terrible : elles se fondent en une masse de victimes anonymes, comme si elles étaient indifférenciées, n'ayant pas d'autre caractéristique notable que leur genre, leur sexe. Avec la conclusion inexorable : dans cette société argentine machiste, les femmes ne sont que des objets consommables et jetables, qui feraient bien de se méfier davantage des hommes de leur entourage que des inconnus. Oui, la violence de genre est souvent domestique, même si, ici, il n'y a jamais eu de preuves.
Sans grands effets de plume, sans jeter de hauts cris de pasionaria féministe (et d'ailleurs, pourquoi diable faudrait-il être féministe pour se révolter contre les féminicides?), l'auteure dénonce avec un mélange de distance et d'empathie les violences faites aux femmes. Un texte désespérant et nécessaire, qui rend hommage à ces jeunes mortes et à toutes leurs compagnes en infortune, pour qu'elles reposent en paix. Et pour réveiller nos consciences, et peut-être, tourmenter celles de leurs assassins.
« Maintenant j'ai quarante ans et, contrairement à elle [morte en 1986] et aux milliers de femmes assassinées dans notre pays depuis lors, je suis toujours vivante. Ce n'est qu'une question de chance. »

http://niunamenos.com.ar/
Lien : https://voyagesaufildespages..
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