Merci à Babelio et à Premier Parallèle pour cet ouvrage reçu dans une masse critique.
Le sous-titre de l'ouvrage, "le monde, les corps, la peur", donne le programme du fil rouge du texte.
S'inspirant des travaux de Bakhtine sur l'oeuvre de
Rabelais et la culture populaire au Moyen-Âge et la Renaissance,
Michel Agier propose une mise à jour de son analyse sur la peur cosmique à la situation du début de la pandémie de 2020, présentée comme un "fait social total".
Le livre ayant été publié en octobre, l'analyse porte autant sur le premier confinement que sur les premiers temps du déconfinement.
L'anthropologue se livre à une sorte d'auto-enquête, avec toutes les limites que cela implique, mais en oubliant jamais de garder une vision "déseuropéanisée", fruit de ses décennies de travaux à l'étranger.
De nombreuses sources sont citées, ce qui est toujours une bonne nouvelle pour un ouvrage d'universitaire. À signaler que
Michel Agier fait souvent référence à d'autres ouvrages de Premier Parallèle. J'y vois une forte marque de la cohérence de leur catalogue.
De nombreuses idées sont présentes dans ce court texte et plutôt que de faire un relevé de celles-ci, je vais brièvement en mentionner quelques-unes, en ne pouvant que vous conseiller de lire l'ouvrage.
Biopolitique
L'auteur met en garde contre la biopolitique et suggère de maintenir une attention des plus alertes sur les mesures imposées et de ne pas les accepter sans même y réfléchir. Point d'appel à la désobéissance, mais une promotion de la réflexion.
Frontière
Le rapport entre le monde et le corps est notamment articulé autour de la notion de frontière.
Ainsi, pour l'auteur, le monde est la dernière frontière, vu l'interconnexion des êtres humains, quand le corps constitue la première.
Cet étrange dialogue entre l'intime et le global est au coeur de la pandémie.
Son propos sur les frontières pointe également l'inefficacité de la mesure de fermetures des frontières, réponse toute politicienne face à un virus n'en faisant pas grand cas.
Réponse à la peur
Face à la peur, il convient de naviguer entre "le déni et le désastre", de tracer une voie entre ces deux dynamiques. C'est ainsi que l'auteur, vantant une approche anthropologique, achève son propos sur la peur.
Du moi au monde
Comme une mise en abîme de la nature de la pandémie,
Michel Agier fait dialoguer la situation française avec des analyses d'autres régions du monde, puisant dans ses expériences.
De la même manière, et au-delà de la question des réponses à la pandémie, l'auteur se sert de ses connaissances sur diverses zones de la planète pour expliciter sa définition de la peur, sentiment consubstantiel aux humains.
Vivre avec des épouvantails ?
Il s'agit de vivre avec ce qui fait la peur, comme avec la peur elle-même.
Cosmopolitique
L'ouvrage se termine par un plaidoyer pour une "cosmopolitique", réponse à peine voilée à la biopolitique servie par les gouvernements.
Une lecture stimulante et hautement recommandable !