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EAN : 9782372581257
Taurnada Éditions (02/11/2023)
4.29/5   146 notes
Résumé :
256 pages

Prix Chien Jaune 2024 catégorie « Adulte »

Un soir de réveillon, Naomi Shehaan disparaît de la réserve indienne de Meshkanau.
Dans une région minée par la corruption, le racisme, la violence et la misère, un jeune flic, Logan Robertson, tente de briser l'omerta qui entoure cette affaire. Il est rejoint par Nathan et Alice qui, en renouant avec leur passé, plongent dans l'enfer de ce dernier jalon avant la toundra.
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Critiques, Analyses et Avis (90) Voir plus Ajouter une critique
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Un polar, oui, mais qui serve une vraie cause. Tel pourrait être l'adage d'Estelle Tharreau, qui, après l'enfance maltraitée (Mon ombre assassine), le féminicide (Les eaux noires), la peine de mort aux Etats-Unis (La peine du bourreau) et le syndrome post-traumatique dans l'armée (Il était une fois la guerre), s'attaque cette fois au sort des Autochtones au Canada pour un nouveau thriller bien noir sur fond bien réel de violence et d'injustice.


La réserve innue de Meshkanau et la ville voisine de Pointe-Cartier au Canada n'existent pas. Elles n'en empruntent pas moins les traits de la tragique réalité amérindienne, alors que, assimilés de force lors de la colonisation de leur territoire par les Européens, leurs religions et leurs cultures traditionnelles interdites et leurs enfants expédiés dans des pensionnats autochtones destinés à leur faire oublier leur identité première et à les orienter vers des emplois ouvriers, les Autochtones n'en finissent pas d'en payer encore aujourd'hui les conséquences traumatiques. Impunément maltraités, victimes de multiples sévices, ceux qui ne succombèrent pas à la surmortalité des terribles pensionnats en sortirent brisés, initiant une longue chaîne de transmission d'effets destructeurs : dépression, violence, alcool, drogue, suicide et, de génération en génération, perte d'estime de soi empêchant toute reconstruction.


« Au Canada, une autochtone a dix fois plus de risque de se faire assassiner qu'une autre femme. » Faute de respect de tout autre règle la concernant, c'est de cette terrible loi qu'est victime Naomi Sheehan, une Inue de seize ans dont les fugues à répétition ont fini par ne même plus émouvoir Michèle, sa mère, trop occupée à noyer dans l'alcool la douleur héritée de son enfance en pensionnat autochtone. Soucieux d'éviter scandale et autres désagréments « pour si peu », le chef de la police confie l'enquête, en lui déconseillant tout zèle excessif, au jeune et tout juste nommé policier Logan Robertson. Contre toute attente, ce dernier prend sa mission très au sérieux et entreprend pour de bon, au grand dam de quelques notables de la ville, de faire toute la lumière sur ce énième féminicide. L'on découvrira alors qu'il n'y a pas que les fantômes du passé pour miner le sort des Amérindiens : racisme et criminalité associée n'ont impunément rien perdu de leur vigueur. Rappelons d'ailleurs que le dernier pensionnat autochtone n'a fermé qu'en 1996...


Si l'on gagnera, pour approfondir la thématique de la souffrance amérindienne, à lire des livres tels que Shuni de Naomi Fontaine, Crazy Brave de Joy Harjo ou encore Ici n'est plus ici de Tommy Orange et LaRose de Louise Erdrich, si Nickel Boys de Colson Whitehead révèle avec plus de profondeur encore le cas tout à fait semblable des pensionnats aux Etats-Unis, ce dernier livre d'Estelle Tharreau a le mérite, au travers d'une histoire addictive et bien ficelée, aux personnages intelligemment croqués et au style efficace, de peindre en peu de traits un tableau d'ensemble clair et représentatif d'un sujet encore trop largement méconnu. Il ne semble pas exagéré de dire que le génocide – physique et culturel – amérindien continue plus ou moins directement de faire des victimes.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Un roman socialement et politiquement très dur sur cette toile de fond prégnante en Amérique du Nord, le traitement et le parcage dans des réserves type ghettos des peuplades natives, et tous les miasmes sociétaux en découlant, tels isolement, misère, chômage, exploitation sexuelle, racisme, violence et alcoolisme.
Corollaire abordé et pièce importante de l'enquête policière, la colonisation par l'évangélisation forcée au mépris de toute humanité des enfants indiens arrachés au prétexte d'éducation à leurs parents et traditions pour devenir de bons citoyens et de bons chrétiens à l'image des neo-citoyens colonisateurs. Cette technique d'assimilation forcée dès l'enfance ce est d'ailleurs récurrente dans les "colonies" anglo-saxonnes.

La trame policière particulièrement noire, sordide, ancrée dans cette peu glorieuse réalité, tient la route.

Petit bémol à mon goût, le roman n'échappe cependant pas a un certain manichéisme sous jacent qui grince un peu la mécanique, non pas que les natifs soient tous des victimes et les "colonisateurs" blanc des tyrans, mais les personnages manquent un peu d'épaisseur, et sont un peu trop taillés d'un bloc.
Le plus intéressant à mon avis reste le personnage de l'oncle indien Peter, personnage ambivalent, victime et bourreau tourmenté cherchant sa rédemption, symbole à lui seul des affres des peuples indigènes.

Ce polar noir au thème courageux abordant frontalement par le prisme de l'enquête policière l'histoire ancienne, récente et actuelle peu reluisante du sort sociétal réservé aux peuples natifs au Canada frappe fort, et l'on peut regretter qu'en France l'on a toujours des difficultés et des freins à explorer notre peu glorieuse histoire récente au travers de fictions policières, les auteurs ne s'engageant que rarement encore sur ces sujets délicats voire tabous.

A la fin personne ne sortira gagnant de cet épisode meurtrier et de l'enquête, et même si la vérité éclate et redonne un peu de dignité au peuple de la réserve, ce n'est qu'un soubresaut dans l'inéluctable décrépitude de cette micro-société.

Un roman intéressant à découvrir.
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Bonjour,
Voici “Le dernier festin des vaincus” de Estelle Tharreau . Attendez-vous à affronter un thriller très sombre et très dur. Tout d'abord, disparition d'une jeune mineure dans une réserve indienne au Canada. Ensuite, entrée en scène d'un jeune flic qui va tenter de résoudre cette affaire complexe. L'intrigue va au delà du scénario et dénonce sans fard la vie des indiens dans les réserves, la maltraitance dont ils sont victimes, la corruption, les discriminations ,les violences sexuelles, le fléau de la drogue et de l'alcool qui fait des ravages. J'ai été bouleversée par les atrocités supportées par les enfants indiens dans les pensionnats où leur identité disparaissait. Ces enfants martyrisés n'avaient comme horizon que des séquelles irréversibles. L'auteure nous séduit à nouveau avec ce roman féministe, engagé et digne d'une plume percutante et incisive. L'atmosphère sombre, oppressante et imprégnée de malheurs vous submergera. Vous ressentirez les douleurs des personnages, leurs souffrances , leur misère, leurs addictions, leur mal-être et leur résignation. Un récit poignant et émouvant à découvrir!
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Un roman qui m'a remué car ce thriller est fondé sur un état de fait réel : le mépris et l'indifférence de l'homme blanc envers les peuples autochtones du Canada ! Les femmes sont encore plus mal loties : « Au Canada, une autochtone a dix fois plus de risque de se faire assassiner qu'une autre femme. »

Il n'est pas assez loin le temps où les enfants étaient mis de force dans des pensionnats religieux afin de les briser, leur faire oublier leur racine et leurs coutumes, leur identité ! Privations, violences, exploitations sexuelles n'ont pu que mener à une vie misérable et alcoolisée, pour la plupart, parqués dans des réserves, voyant petit à petit leurs terres ancestrales détruites et profanées !

Le soir du Réveillon du 31 décembre une jeune fille de la réserve disparaît sans que sa mère, minée par l'alcool, s'en émeuve ! Seuls vont s'en préoccuper un jeune flic, Robertson, nouvellement nommé dans la ville voisine et une autochtone qui tente d'aider les plus jeunes à retrouver de la dignité ! Une enquête qui n'aura d'enquête que le nom mais qui aboutira à des réponses douloureuses qui ne régleront rien !

Dans leur ensemble les personnages sont “brut de décoffrage”, le trait parfois forcé pour bien montrer la frontière entre blancs et indiens, et la difficulté pour ceux qui le désireraient de s'intégrer à l'une ou l'autre des communautés.

Impossible de ne pas être révolté pendant la lecture, d'autant plus avec le souvenir des charniers d'enfants autochtones découverts près des anciens pensionnats !

Dans les textes la colonisation n'existe plus mais dans les faits, elle est plus forte que jamais, les innues sont maintenant les instruments de leur propre destruction et le chemin semble bien long avant qu'ils puissent retrouver ne serait-ce qu'un peu de dignité !

#LeDernierfestindesvaincus #NetGalleyFrance

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Pourquoi une tuerie ? Oui, je me rends compte que ma manière d'indiquer ne me convient plus, ne me ressemble plus, alors je vais faire à ma façon. Donc oui une tuerie dans tous les sens du terme, parce que c'est ce que j'ai ressenti en fermant le livre et j'ai même mis du temps avant de venir poser mes mots sur ces maux. Douleur, tristesse, perte, mort, enfances volées, soumission, déchets, racisme, corruption, misère, alcool, profiteurs... Je pourrais continuer ainsi longtemps avant de mettre à terme à tout ce qui se passe dans ma tête et ce n'était pas beau après le point final. le récit est douloureux, à ne pas mettre entre toutes les mains c'est certain. L'histoire est poignante, déchirante, ne pouvant pas laisser indemne une part de nous-même qui sommes libres. Libres de respirer, de sortir sans craindre un mauvais geste, libre de ne pas se prendre un mot de trop, libre d'être qui nous sommes. Ce n'est pas le cas de certains peuples qui sont encore de nos jours soumis à des pratiques que je qualifierais de barbare. Les Innus de Meshkanau existent, enfin les Innus d'Essipit. Pointe-Cartier au Canada n'existe pas, Port-Cartier, si, mais qu'importe les lieux fictifs et cela est très bien, nous comprenons que l'auteur s'est inspiré, non pas de faits réels, même si la manière d'aborder les sujets donnent l'impression contraire, mais de vécus déjà existants de part le monde. le fait d'intégrer dans un pays autre que la France est intéressant. Les phénomènes de société différent, les mentalités également, mais au final, nous sommes tous des êtres humains, pas vrai ?

Le réveillon est là, les gens sont plus alcoolisés qu'un jour normal. Naomi a peur, elle fuit et disparait dans la nuit. Sauf que nous, nous savons qu'elle est morte, que son corps est là, quelque part dans un lac, car nous voyons son regard s'éteindre dès le début. Quand est-il des habitants de cette réserve ? Une disparition comme une autre, une fille perdue probablement. Qui se soucierait d'une indienne qui de toute façon finira alcoolique comme sa mère, ou bien prostituée ? Ce n'est qu'une squaw, rien à faire d'une fugue, car la police décide qu'il ne s'agit que de cela, elle reviendra, ou disparaitra à jamais. Qu'importe, qui va s'en soucier si en plus sa mère ne la recherche pas ? Vous êtes encore là ? Bien, parce que ce n'est que le haut de l'iceberg, une histoire tragique à vomir sur la police qui n'en a rien à faire des gens qui ne sont pas blancs. Attention, les métis n'ont qu'à bien se tenir également, ils ne devraient pas être en vie, l'état leur refile de quoi subvenir à leurs besoins d'alcool. le reste ? Qu'à cela ne tienne, ils finiront tous et ainsi il se pourrait que cette fichue réserve disparaisse définitivement ! Excusez-moi du peu, je pense que je vais aller vomir, mais l'auteure appuie sur ce qui fait mal, sur ce qui existe déjà de part le monde, à savoir : "tu es différent ? Tu ne sert à rien ! Tu ne devrais pas exister ! Ta culture est celle d'un sauvage ! Et à quoi bon t'éduquer parce que de toute façon tu seras toujours un esclave ?" Ses mots sont tranchants, ôtant les oeillères, grattant une surface qui est tout sauf lisse pour montrer que le système est pourri jusqu'à la moelle ! Et vous savez quoi ? Tout le monde s'en fou, ou presque. Ce n'est pas que la disparition de Naomi Shehaan qui est placée entre ses lignes, il s'agit de tout un peuple opprimé depuis des années, des décennies même et que si personne ne bouge, leur culture disparaitra totalement. Lorsqu'un enfant du village d'à côté décide de les aider à sa façon, il est mal vu, se retrouvant au coeur de plusieurs conflits qui ne datent pas d'hier. de lourds secrets, beaucoup de violence appelant la violence, l'enquête semble bien se retrouver dans un foutu panier de crabes.

Logan Robertson est flic dans cette bourgade. Son chef lui refile le bébé de trouver qui a bien pu tuer Naomi, mais s'en en faire de trop. Il ne faudrait tout de même pas que l'argent des contribuables soit trop utilisé... Sauf que Logan a beau faire le naïf, il est intelligent. Il sait quand se taire et surtout il déteste la façon dont le système mis en place est intégré. Il tente de faire la lumière en sous-main, pas moyen de faire autrement lorsque tous décident que de toute manière l'affaire sera vite étouffée. Mais comment faire quand la corruption est totale et que vous vous retrouvez seul dans ce bain de boue ? Naomi, 16 ans est comme ces autres adolescentes de la réserve, rêveuse jusqu'à ce que quelque chose se produise. Les secrets sont lourds, affligeants, dérangeants. Il ne s'agit plus d'une personne, mais d'un groupe d'individus qui ne sait pas comment s'en sortir avec ce qui les entoure. Rien ne sera simple dans ce récit, il ne faut pas s'attendre à un happy end pour tout le monde. Les personnages sont brisés pour la plupart, difficilement gérables, un peu caricaturés peut-être, je ne saurais le dire vraiment. Peter, l'oncle de Naomi m'a paru le plus brisé émotionnellement, physiquement. La violence qu'il contient depuis si longtemps, depuis ces instants volés l'a rendu amer, solitaire et tente d'être meilleur, peut-être, malgré tout ce qu'il a subit, malgré tout ce qu'il a pu faire également. C'est un personnage complexe qui ne peut pas être détesté et ne peux pas être adoré. Il est sur la tangente, son côté sombre est si fort que même le peu de lumière semble s'éteindre en s'approchant. Nathan, le futur avocat dont le père veut absolument faire construire une scierie en plein coeur de la réserve (allez, main-d'oeuvre gratuite pour ainsi dire....) Nathan est contre. Il essaie de faire bouger les choses, de manière virulentes certes, mais au moins il a le mérite de ne rien lâcher. Même après des coups durs qu'il va vivre, même après avoir compris beaucoup d'éléments dans la vie d'Alice, cette jeune femme métis qui ne veut absolument pas revenir là-bas. Mettre les pieds dans le plat, il sait y faire et continue malgré tout, même si sa vie est en danger. Une véritable tête brûlée qui ne comprend pas toujours. Les mois passent, pour autant il n'a pas oublié, mais il ne sait plus comment faire. Faire un reset, une mise à zéro, oublier le tout. Mais est-ce seulement possible de tout oublier ? Comment faire quand cette jeune femme porte un nom de famille qui risque de chambouler les vieux esprits de la réserve et par-dessus tout la montrer du doigt alors que les erreurs ne sont pas de son fait ?

La violence est présente du début à la fin. La boucle est bouclée, nous savons au point final ce qui s'est réellement produit... L'affaire a servi à faire parler. L'auteure nous emmène dans le passé de ses hommes et femmes, lorsqu'ils ont été arrachés à leurs parents pour être envoyés en pensionnats religieux pour certains, dans des familles à d'autres. Lequel des deux était le mieux ? Je ferme les yeux et évite de répondre. Il faut lire pour comprendre que les douleurs différent, mais qu'elles ont creusé leur propre tombe. Les traces sont devenus indélébiles, pour autant les traces psychologiques sont bien là. Les viols physiques sont quotidiens, les viols psychiques sont insoutenables. Et les soi-disant bien pensants qui ne font que s'en mettre plein les poches pour rester polie devraient être pendus haut et court ! Oui, je suis radicale et au vu de ce qui se produit dans ce récit, il ne faut pas s'embêter à comprendre : le racisme est tellement ancré en eux que pour faire la part des choses... Non, c'est impossible. Les traumatismes sont toujours présents même après autant d'années, comment oublier ? Un enfant est une éponge, il absorbe ce qu'on lui donne et si cela se fait sous le biais d'horreurs, de litanie, de violence, comment imaginer qu'un enfant devienne un adulte sain d'esprit ? C'est inadmissible d'imaginer que cela arrive encore et pas uniquement dans ces lieux. Une partie est consacrée aux femmes dans le livre. Cette partie nous montre tous les aspects qu'elles ont pu subir en outrage, ce qu'elles ressentent encore et ce qu'elle pense de leur avenir. Il est sombre, incertain et parfois la mort est préférable à la vie qui aurait dû leur donner l'éclat. Ces femmes qui font des choix également pour aider les autres, pour se punir elles-mêmes de ce qu'elles ont déjà fait. Certaines s'en sortent, d'autres non. Avancer n'est pas donné à tout le monde, avancer avec la perte d'un enfant par abandon, par disparition, par fugue est devenu si général que chaque situation est extrême.

L'oubli. Oublier, ne plus penser, faire comme si, mettre de côté, ne pas voir, baisser le regard... Tant que l'opinion publique s'en fiche, tant que la scierie peut être construite, tant que la population se tait et que l'argent arrive toujours, tant qu'il y aura des Hommes qui se cachent derrière leur masque de générosité alors que ce sont des monstres... La disparition puis le cadavre de Naomi fait tache, il faut vite clôturer le tout. Tout le monde ou presque est mouillé, l'argent, les amitiés fausses, les mots, le service trois pièces qui ne tient pas en place, les pervers, les pensées plus que dérangeantes de ceux qui décident de vie ou de mort, de se servir entre les cuisses de jeunes femmes pour satisfaire un besoin qui est tout sauf naturel... Je passe les détails comme l'auteure a su bien le faire, en ne donnant que quelques éléments qui nous laissent facilement dans l'imaginaire d'une violence physique qui ne sait pas s'arrêter. Viols, vols, jeunesses perdues, mots insultants, mots déroutants, insalubrités... Comment continuer à vouloir vivre quand on a une pareille épée de Damoclès au-dessus de la tête ? Nous entrons dans un monde peu connu, mais le racisme n'a pas changé d'un iota et tout ce qui va avec. La différence fait peur, pourtant l'intelligence est crée de cette différence, par les échanges, par l'apprentissage, par l'entraide. Je suis trop idéaliste probablement et si cette histoire pouvait réveiller des consciences... Marie fait partie de ces personnes qui se flagellent tout en aidant les autres. le passé ne dit pas être oublié, il doit être travaillé afin de faire avancer les esprits dans le bon sens. Marie a fait des erreurs, donnée sa confiance trop vite, vécue ou plutôt survécu comme elle a pu et à offert à ses enfants ce qu'elle a pu : disparaitre de leur vie. Est-ce que c'était à faire ? Nulle ne réécrira l'histoire, le pardon est toujours difficile et s'il trouve le chemin, il sera forcément pavé d'embûches.

En conclusion, un récit difficile dans une communauté qui ne cherchait qu'un peu d'aide et non une "extermination". C'est ainsi que durant les guerres mondiales des peuples entiers ont été réduit... Ici c'est la vie de tous les jours pour des hommes, des femmes, des enfants qui ont eu la "malchance" de ne pas être nés du "bon côté" de la barrière. Un sujet délicat, des mots durs qui s'enrobe pas une vérité de papier glacé. Estelle tire à balle réelle dans le tas, usant de moyens pour choquer et faire évoluer. le quotidien de jeunes femmes, d'hommes de tout horizon qui doivent survivre dans un monde inadapté. Une jeune fille qui disparait sans que cela ne choque. Un flic qui n'est pas corrompu qui doit se cacher pour tenter d'assembler toutes les pièces d'un puzzle géant ressemblant bien trop à un crabe. Un étudiant en droit qui est contre le système va se retrouver dans une posture désagréable avec une jeune femme qui n'a aucune envie de retrouver ce qui reste de sa famille. (Et quelle famille au final...) Cette réserve qui n'est sur aucune carte est épouvantable. La recherche pour cette histoire n'a pas dû être simple au vu des éléments (pensionnats, confrontation, vécus...) Des faits qui ont du prendre vie autrement et qui font mal, très mal. Ce n'est plus un affolement du coeur, mais un arrêt complet à la lecture de certains passages. J'ai été remué par les événements qui sortent de l'ombre les uns après les autres. C'est noir, glauque, sordide et si proche d'une réalité qui fait peur. Merci à Joël pour cette lecture !

J'allais oublier, l'histoire de ce caribou apporte un plus à l'histoire et en cherchant un peu, nous pouvons trouver son symbole en plus de ce que l'auteure nous offre entre ces lignes.

http://chroniqueslivresques.eklablog.com/le-dernier-festin-des-vaincus-estelle-tharreau-a215817387
Lien : http://chroniqueslivresques...
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Citations et extraits (44) Voir plus Ajouter une citation
De mauvais souvenirs... Pour tout dire, un seul revenait à l'esprit de la jeune femme ; celui de son dernier jour dans sa famille au milieu du taudis qu'elle occupait dans cette réserve paumée. Son patrimoine familial et culturel se résumait à quelques images et bribes de phrases. Dans l'alternance stroboscopique de la noirceur des tunnels du métro et de la lumière aveuglante des stations, les arrêts défilaient sous ses yeux tandis que son esprit ne parvenait pas à s'évader vers son enfance et Meshkanau. Elle sortit de la rame. Elle s'engagea dans la rue sur laquelle la nuit tombait, rendant luisant le bitume détrempé. Elle monta des escaliers et ouvrit une porte, celle de son petit appartement sans âme, sans souvenirs. Banal, impersonnel, tout comme sa vie. À force de vouloir s'effacer, elle devenait transparente.
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« En sortant du pensionnat, on n’avait aucune qualification. On est rentrés chez nous sans rien. Avec encore moins qu’en y entrant. On y a laissé notre joie, notre insouciance, notre famille et notre culture pour repartir avec un traumatisme irréversible. »
Le journaliste respecta le silence de la femme avant de pousser plus avant l’interview :
« À l’origine, ces pensionnats devaient servir à assurer l’éducation des jeunes autochtones ? Pour vous comme pour beaucoup d’autres, ça n’a pas été le cas.
– Non, en effet. En sortant de cet enfer, on savait tout juste lire et écrire, mais on pouvait réciter des passages entiers de la Bible.
– Pas facile pour entamer sa vie d’adulte.
– C’était quasiment impossible. On n’avait de place nulle part : chez nous, on se taisait. On avait honte de nous-mêmes, mais aussi de nos parents qu’on nous avait dépeints comme des sauvages pendant toute notre enfance.
– Trouver un emploi devait être compliqué.
– Comme je l’ai dit, on n’avait aucune qualification. Dans l’esprit de l’époque, les Indiens ne pouvaient accéder qu’à des métiers manuels. Mais même dans ce domaine, l’enseignement que nous avions reçu était dérisoire.
– Le manque de qualification n’était pas le seul obstacle, je présume.
– Non, bien entendu. Personne ne voulait former ou embaucher un Indien sauf pour des sous-emplois. La mauvaise image, le dégoût que nous éprouvions de nous-mêmes, le monde extérieur nous les renvoyait constamment. Alors, au fil du temps, à force de vous répéter que vous êtes un sauvage, à force de vous traiter comme un sauvage… À force de vous voir vous-même comme un sauvage, vous finissez par vous comporter comme un sauvage.
– C’est à ce moment-là que vous avez sombré dans l’alcool.
– Oui et la drogue.
– Comment avez-vous fait pour vivre ?
– Avec les allocations que l’État nous verse. Il préfère payer pour que nous restions invisibles, cloîtrés dans notre misère intellectuelle, sociale et économique. On se tue lentement. Il n’y a jamais eu de volonté de progrès ou de civilisation dans ces pensionnats.
– Alors à quoi servaient-ils selon vous ?
– À tuer l’indien ; à éradiquer un peuple et à le chasser de ses terres. Chasser les nomades qui ont besoin d’un vaste territoire pour vivre au gré des saisons et des migrations des animaux pour faire place aux grands projets de “civilisation” ; les mines, les barrages hydroélectriques, les essais militaires…
– Les pensionnats sont fermés désormais et, pourtant, beaucoup de jeunes autochtones sont toujours à la dérive. Comment l’expliquez-vous ? » La femme se tut et Nathan posa une main sur l’épaule d’Alice, qui n’esquissa aucune réaction. « La question des enfants revient à celle des parents. Mes trois enfants m’ont été retirés. Deux sont décédés aujourd’hui. Un seul a réussi à guérir du mal que je lui ai transmis.
– Du mal résultant des pensionnats ?
– Comment devenir mère après ça ? Comment faire quand on n’a plus aucun repère et rien à transmettre, même pas l’estime de soi.
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Des façades beiges ou rouges, ternies par la saleté, jamais ravalées. Des ruelles où s’entassaient les débris matériels et humains dont la population voulait se débarrasser. Le royaume de la crasse et des rats s’animait la nuit pendant laquelle des silhouettes fantomatiques surgissaient de l’ombre des porches ou se découpaient sous la lumière des lampadaires. Des sans domicile fixe, des drogués, des prostituées, des travailleurs pauvres que le coût des logements et les bas salaires avaient rejetés loin des quartiers vivables. Parmi les spectres des quartiers miséreux, un nombre incalculable de visages aux yeux en amande et aux cheveux de jais se levait vers les deux jeunes gens. «
La rupture des liens avec leur culture et leur communauté accentue leur isolement et leur marginalisation. Pour les femmes, le problème est accru par la discrimination et le sexisme », fit Nathan en se lançant dans un argumentaire universitaire pour contenir la gêne des regards qui se posaient sur eux tandis qu’Alice s’en empreignait pour n’en oublier aucun détail.
« L’image de “l’Indien sale” et de “l’Indienne facile”, d’un peuple violent d’alcooliques, de drogués et de fainéants ne cesse de leur coller à la peau et…
– Et quoi ? le coupa Alice. Tu veux des chiffres ? Contrairement à ce que tu penses, je ne suis pas ignorante de ce qui les touche. Mais, moi, je n’oublie pas que la majorité des agresseurs sont d’anciennes victimes, que la plupart des femmes agressées sont elles-mêmes droguées ou alcooliques et que beaucoup souffrent de troubles mentaux suite à des années d’alcoolisme ou de toxicomanie. Comment veux-tu donner une image positive avec ça ? »
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Au Canada, une autochtone a dix fois plus de risque de se faire assassiner qu’une autre femme.
Selon le rapport de la Gendarmerie royale du Canada datant de 2014, 1181 femmes autochtones ont disparu ou ont été assassinées entre 1980 et 2012. Rapporté au pourcentage de la population, ce chiffre équivaut à 55 000 Françaises. 365 cas restent non résolus. En 2019, l’enquête nationale réalisée sur ce sujet publiait son rapport final. La commissaire en chef, Marion Buller, déclarait : « Malgré leurs circonstances et leurs milieux différents, toutes les femmes et les filles disparues et assassinées ont en commun un contexte de marginalisation économique, sociale et politique, de racisme et de misogynie qui, malheureusement, est bien ancré dans la société canadienne. »
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Agenouillé pour courber les tiges et les imbriquer, Peter avait vu une ombre s'abattre au-dessus de lui et se répandre sur le sol. Son visage s'était retourné vivement et s'était heurté aux yeux révulsés du Père supérieur qui découvrait ce que l'enfant faisait. Il l'avait saisi par le col, avait fait tomber son pantalon, avait ramassé une tige soupe et l'avait fouetté jusqu'à scarifier sa peau tendre de longues striures à vif. À chaque coup qui s'abattait, Peter avait ravalé ses pleurs et ses cris de souffrance qui lui avaient donné l'impression d'obstruer sa gorge, de l'étouffer tandis que son estomac se révulsait en entendant les grondements gutturaux du Père.
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Vidéo de Estelle Tharreau
« Contre l'espèce », le booktrailer. Un roman de Estelle Tharreau.
Le miracle écologique a eu lieu. Partout sur la planète, des recycleurs démontent l'ancien monde et la nature reprend ses droits. Seuls subsistent les hypercentres où chaque acte de la vie est piloté par huit plateformes numériques. Mais que se passe-t-il lorsqu'il ne reste plus rien à démonter et que les dirigeants de ces plateformes fomentent des projets génocidaires ? Quel destin attend John, le recycleur désabusé, Futhi, la jeune aveugle presciente, Olsen, le policier subversif, Ousmane, l'homme qui en sait trop, et Rosa, la ravisseuse du petit Willy ? Tous seront entraînés dans le tourbillon d'un monde s'écroulant dans un grand fracas d'octets.
Roman disponible le 6 juin 2024 (disponible exclusivement au format e-book).
Plus d'infos ici https://www.taurnada.fr/cleet/
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