Citations de Xavier Hanotte (48)
" Nous mettons du temps à croire
Ce qui fait mal à croire. "
Ovide
(page 7)
Le parfum d'amande écrasée , je le retrouvais avec une émotion incrédule , comme si trente ans plus tard le pot de colle s'était trouvé ouvert dans l'habitacle de la voiture .
Au milieu du front, entre le sourcil gris de boue séchée, le trou rond percé par le schrapnell dessinait un troisième œil, le seul qui fut ouvert. En se couchant sur moi, William m’avait sauvé.
La maison, ce n’est ni un tas de briques, ni les murs accueillants d'une chambre. Mais un lieu ou quelqu’un vous attend, espère votre retour.
Je n’ai plus de maison. Page 43
On ne connaît jamais les morts, Nickie. Jamais. Ils s'en vont avec les clefs des coffres qu'on n'a pas pris la peine d'ouvrir. C'est peut-être pour ça qu'on les regrette le plus ? Pour ça aussi qu'on se sent un peu coupable, un peu floué quand ils nous laissent tomber ?
Accrochée à l’angle d’une ruelle, une lanterne s’alliait aux étoiles pour soulever la nuit.
"Non, on ne perd pas vraiment qui nous a déjà quitté. On perd juste le bonheur. Et à la longue, jusqu'à l'idée qu'on s'en était faite. On perd son avenir, aussi. Et la foi qu'on avait en lui. Restent le vide et le silence."
Je pense aux parcs, aux maisons que je ne construirai jamais. A commencer par la nôtre. [...] Je prie aussi, peut-être... Sans espérer aucune réponse, car si Dieu est un grand silence, l'homme ne Lui laisse aucune chance de se faire entendre.
Je repense à certains soirs de Coupe, près de Queen's Park. les guerres alors duraient quatre-vingt-dix minutes et se déroulaient sur une pelouse rectangulaire. Les civières n'emmenaient que des gars en short, cheville foulée ou muscle froissé. Pour être différents, les drapeaux, les écharpes et les fanions ressemblaient fort à ceux-ci. Mais cette fois, tout le monde peut monter sur le terrain, les entraîneurs engagent. Ca rapporte un shilling par jour avec, en prime, l'aventure, le voyage. Pour ces jeunes ouvriers, la première et la dernière fois qu'ils traverseront le Channel - dans un sens en tout cas. Ils marchent dans la nuit tombante vers un but qu'ils croient connaître, pour des raisons qu'ils croient comprendre. Ils ont signé, ils ont choisi. Mais en fin de compte le but leur importe peu. Même allongée d'alcool, ils ont la foi. Et surtout, l'élan. Cela seul compte. Et puis, de toute façon, ils n'auront peut-être pas le temps de la connaître, cette guerre.
"A Noël, cette guerre devrait être terminée."
" L'art est puissant pour quiconque s'y adonne avec respect, inspecteur. Plus puissant que la violence et la malignité. Il n'est jamais trop tard pour en faire l'expérience. Et pareille expérience peut enrichir une vie médiocre. Sous ce rapport, la douleur constitue une voie non dénuée d'intérêt, grosse d'enseignements...
- Que voulez-vous dire ?
- Je me comprends. Disons qu'une occasion m'a été donnée, et que je l'ai saisie. En un sens, l'art permet de franchir certains paliers. Dans ce cas de figure, il devient même grand art..."
Il suffit souvent de se taire pour que les imaginations parlent à votre place.
Je vais te dire : si tout le monde faisait comme toi, au nom d'une prétendue intégrité artistique, l'écriture s'apparenterait à du cabotage, voire à du pédalo dans une piscine. L'audace, mon vieux, ça consiste à placer l'écriture au-dessus de ta précieuse petite personne. Quant à la gloriole,pour peu qu'elle t'échoie, il faut la consommer sur place, sans modération, avec appétit.
Nous courons déjà. Mais les obus ont vite fait de nous rattraper. Ils crient dans notre dos, nous engueulent, nous crachent dessus. Page 109
"Nous croyons connaître le ciel, nous donnons des noms savants ou poétiques à des centaines, à des milliers d'étoiles que nous n'atteindrons jamais, qui sont d'ailleurs peut être déjà morte...Quelle arrogance"
Il m'a fallu du temps pour le comprendre, mais tu fais partie de ces gens qui veulent "vivre beaucoup" parce qu'ils ne savent pas enchanter le quotidien. L'ennui est leur pire ennemi. Souvent, ce sont donc ceux-là qui veulent "aimer beaucoup" parce qu'ils ont moins de coeur qu'ils ne le voudraient. mais à force d'effleurer le monde et les gens, ils changent en toc tout ce qu'ils touchent. La profondeur les effraie, ils ont peur de s'y perdre. Ce sont les rois Midas de la légèreté. Ils confondent amour et désir de plaire. Toute fidélité leur paraît une cage; la passion de l'autre, une volonté de possession. Quand ils aiment, c'est sur convocation.
On les plaindrait volontiers s'ils pouvaient souffrir seuls de leur malédiction. Tel n'est pas le cas. Bien au contraire, ils ne gagnent ou ne perdent leurs combats contre eux-mêmes qu'aux dépens de ceux qui, imprudemment, les ont aimés - les seuls sans doute qui ne peuvent leur en vouloir, quand ce les sauverait.
"Tu le connaissais bien, Street?"
Il me considéra d'un regard à la fois las et étonné.
"Si je le connaissais?"
Un peu de terre lui collait au front. Il l'essuya.
"Drôle, que tu me poses cette question... A vrai dire, je ne sais pas trop. Difficile de répondre. Les vivants, on croit les connaître, bien ou mal. Les morts? On ne connaît jamais les morts, Nickie. Jamais. Ils s'en vont avec les clefs des coffres qu'on n'a pas pris la peine d'ouvrir. C'est peut-être pour ça qu'on les regrette le plus? Pour ça aussi qu'on se sent un peu coupable, un peu floué quand ils nous laissent tomber? Mais oui, en un sens je le connaissais... Plutôt bien même. "
L'église s'emmitoufle
Dans un courant d'air d'âmes
Dix tommies dorment
Sous l'ombre verte
Les pierres polaires
Et le vent noir.
(HOUTEM)
Plus haut des clochers trapus dressaient les rares amers d'une côte ennuagée, où aucune falaise ne barrait la vue.
Dans ce pays, c'était connu, on trouvait plus d'arbres sur les plaques de rues que le long des trottoirs.
Chacun ses bavures, nous avions les nôtres.