Lequel de nous deux a un cancer ?
Pour les gens du coin, la religion c’est comme une drogue : ils sont si accros qu’il sont capables de se plier à tous les diktats de ces petites Églises de campagne. Au nom de leur foi, ils sont prêts à tout : à s’entretuer, à foutre leurs mômes à la porte, à tromper leurs maris ou leurs femmes et détruire leurs familles par la même occasion.
Depuis, j’ai appris à prendre la vie comme elle vient sans me préoccuper de ce qui est juste et de ce qui ne l’est pas. Il n’y a que comme ça que les choses peuvent prendre un peu de sens.
Quand on regarde de près, on trouve pratiquement tout ce qu’il faut dans les bois de la montagne, et quand on est pauvre on regarde vraiment de très près. Le gingembre sauvage calme la coqueluche, la balsamine fauve les irritations causées par le sumac vénéneux et, si on a envie de conter fleurette, mieux vaut utiliser de la bergamote qui vous fera l’haleine fraîche et de belles dents bien solides.
Laver, c’est drôlement dur pour les mains. Quand elles restent mouillées trop longtemps, elles pèlent pareil qu’un oignon. Ça fait les mains douces, mais après qu’on a passé du temps à frotter et à savonner, bon Dieu ! on souffre l’enfer. Je détestais cette besogne, mais j’avais pas trop le choix.
Est-ce que c’était ça qu’on éprouvait quand on voyait un mirage dans le désert après qu’on s’était perdu, qu’on avait rien bu du tout et qu’on était à deux doigts de mourir ? J’imagine que, quand on est aussi mal, notre esprit peut nous faire voir pratiquement tout ce qu’il veut qu’on voie.
Les mirages et les miracles c’était peut-être bien pareil. Un peu comme si maman était perdue dans le désert et qu’elle avait tellement soif qu’elle était prête à voir le premier truc qui l’aiderait à imaginer qu’en fait elle était pas perdue.
Dans nos montagnes, les chrétiennes, elles savent toutes quelle plante il faut cueillir et où la cueillir. Celui qu’est pas fichu de se soigner, il est pas fichu de survivre quand les temps sont durs.
Je peux comprendre pourquoi ces serpents vous plaisent. Ils changent de peau, les hommes aussi. La peau repousse, parfois on la greffe.
C’est le mauvais qui joue des sales tours aux gens, mais, dans notre famille, il y a pas de place pour un mauvais.