Vidéo de Vladimir Vertlib
Une cure, ce n'est pas des vacances, m'avait toujours dit mon généraliste, qui est maintenant à la retraite. Pour guérir, il faut souffrir, seule une thérapie douloureuse peut donner quelque chose. Il y avait dans ce pays toute une génération de médecins qui faisaient vraiment peur.
Quand tu vois un moribond, crache trois fois par-dessus ton épaule droite, comme lorsque tu vois des animaux morts, lui avait dit un jour une de ses tantes. Si elle avait suivi ce conseil, il y a longtemps qu’elle n’aurait plus de salive.
Parfois, melamed Weiss nous lisait des passages de ses livres. Il les portait toujours sur lui. Il lui suffisait d’ouvrir son caftan pour dévoiler ces trésors, car il avait de nombreuses poches intérieures réparties sur plusieurs rangées, de la poitrine jusqu’à l’ourlet. Chaque poche contenait un livre. Peut-être sa démarche pesante tenait-elle au fait qu’il trimballait toujours cette bibliothèque sur lui. La plupart du temps, toutefois, il nous récitait les textes de mémoire. Son répertoire semblait inépuisable.
Sur la table du séjour, il y a les six pommes conditionnées sous film transparent que Karla est venue m'apporter avant de partir pour Badgastein, mais je n'y touche pas, car au bout d'une semaine ces fruits arborent le même vert criard qu'au premier jour. Je n'ai pas envie d'infliger ce genre de produit miracle à mon fragile estomac.
–Je connais beaucoup de contes, grâce à mon père, répond Rosa. Mais cela n’a rien à voir avec le hassidisme. Je leur ai toutefois raconté l’histoire de l’homme et ses trois chèvres : Foi, Amour et Espérance. Foi se faufile un jour à travers la clôture qui entoure la maison, s’égare dans la forêt et se fait manger par un loup. Il ne reste plus que ses sabots. Amour renverse une lampe à pétrole que l’homme négligent avait laissée dans la bergerie et prend feu. D’elle ne subsiste qu’un morceau de charbon. Désormais, l’homme est aux petits soins avec Espérance, la dernière chèvre qui lui reste. Il la gâte et la bichonne, bien qu’il soit devenu pauvre et ait lui-même à peine de quoi vivre. Il se montre généreux envers elle, dépense l’argent qui lui reste en nourriture, jusqu’à mourir de faim à ses côtés. On le retrouve mort dans la bergerie. Ses mains sont agrippées aux cornes de l’animal.
.....elle se rappelait comment on traitait les Noirs en Russie, déjà rien que la façon dont on parlait d’eux. Les étudiants nègres séduisent ou violent les femmes russes, disait-on. C’étaient des chauds lapins, montés comme des étalons. Il y avait beaucoup de femmes qui aimaient cela, bien mal leur en avait pris ! Les Noirs, disait-on, dégageaient une odeur nauséabonde, étaient bruyants et se distinguaient à peine des prosimiens. Rosa se souvint d’une blague qu’elle avait entendue un jour : dans la résidence étudiante de l’université Lumumba, un étudiant s’est fait manger. L’administration du foyer et la milice sont indignées. Pourquoi avez-vous fait cela ? demande un milicien aux auteurs du crime. Vous êtes quand même nourris… Mais la nourriture de notre pays nous manquait, expliquent les étudiants africains.
Il était convaincu que des vêtements onéreux et du maquillage cachent la beauté d'une femme au lieu de la faire ressortir. Ce qui n'a ni fêlure ni aspérité ne peut être beau, se disait-il. Une femme au physique impeccable, vêtue et maquillée à la perfection, était faite pour servir de modèle à un peintre mais avait le sex-appeal d'une poupée Barbie. Lui, ce qu'il aimait, c'étaient les combinaisons du genre minijupe et baskets, peignoir et talons aiguilles, bigoudis et bikini.
Dieu n'existe pas ! Répliquai-je.
Si ! Tout notre malheur de peut provenir que d'une volonté perverse.
Ce genre de choses ne se crée pas tout seul.
Quand je prie Dieu, c'est juste pour l'énerver.
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Derrière la porte, l’atmosphère viciée des années 60 avait cédé la place au nouveau millénaire avec ses ordinateurs bourdonnants et ses meubles design. Au bureau était assise une jeune femme qui donna à Rosa l’impression qu’on l’avait elle aussi choisie parce qu’elle était assortie à la décoration intérieure des locaux administratifs, et qu’on l’avait installée là, dans la pièce, tel un beau meuble.
–Ce n’est pas avec la raison qu’on résout les questions cruciales de notre existence, dit-elle. Kostik ne réagit pas, seuls les sifflements de sa respiration s’intensifièrent. –Il y a longtemps que j’ai perdu la foi en la raison. À l’école, on nous faisait des tas de sermons sur tout ce qui était de l’ordre du faisable mais on ne nous a pas appris grand-chose sur les lois de la probabilité.