Ce n'est pas moi qui suis cynique, c'est le monde. Mais il n'y en a pas d'autres, c'est dans celui là que nous vivons. Et partout, c'est deux poids, deux mesures. John Lennon, par exemple, était de notoriété publique misogyne et matcho, mais il est entré dans l'histoire comme un hippie grand combattant de la paix....
Il est utile à n'importe quel régime de présenter les gens qui luttent pour leurs idées comme des criminels. Mais l'histoire offre de nombreux exemples où les gens ont atteint leurs objectifs politiques grâce au terrorisme, et où on a cessé de les considérer comme des terroristes par la suite.
Le mec d'hier me tape encore une fois dessus, à l'estomac mais toujours pas très fort. Après, c'est moi qui lui en allonge une, je le repousse et je dégage.
On boit. Ça me tape sur la tête comme il faut. Je ferme les yeux et je comate aussi sec, je sais pas pendant combien de temps. Quand je me réveille, Orang-outang est en train de sauter Anokhina sur le divan et elle sourit la figure barbouillée de rouge à lèvres. Je repars dans le potage.
La deuxième fois, je suis réveillé par des cris. Tsigane tabasse Anokhina en gueulant :
– Tu m’as mordu la queue, salope.
Publié début 2010 en Russie, ce livre ( "retour à la case départ") m'est particulièrement cher car il décrit la vie d'une personne de ma génération avec laquelle je peux m'identifier. Un livre avec de forts éléments de thriller, ce qui est nouveau pour moi. Ce livre est sombre, assez triste et décrit la réalité russe sans fard. Il est important parce qu'il décrit les relations que quelqu'un de ma génération peut avoir avec sa patrie. A un moment, il est confronté à un choix : rester à l'étranger ou rentrer à la maison. Et il choisit de rentrer. Le héros travaille dans un combinat métallurgique, il est le témoin d'une captation de ce combinat par des éléments étrangers de façon assez dure. Une réalité assez exotique pour le public français...
Le soir, Il y a personne de chez nous à la station de bus, alors je vais voir Viek. Il m'ouvre la porte lui-même.
-Entre.
Je retire mes pompes et je rentre dans sa chambre.
-On m'a dit qu'ils avaient lourdé Byr du bahut ? Il demande.
-Pourquoi ?
-Parce que c'est un con. Il a déconné plus que tout le monde, il voulait montrer qu'il était genre affranchi. Chez lui dans son quartier c'était un zéro, mais là-bas, il croyait pouvait faire le malin. Et il a roulé sa caisse. Il mettait pas les pieds au bahut, il en foutait pas une rame, genre il avait autre chose à foutre, qu'il en avait rien v secouer. Eh bien, ils l'ont foutu dehors. Maintenant, à l'horizon, c'est l'armée.
-Comment ça, l'armée ?
-Il a déjà 18 ans, ça va pas tarder. Cet imbécile est resté trois ans en cinquième. Tu savais pas ?
-Non.
-Trois ans. С'est un total demeuré, pire que Byk. Alors il a déconné plus que tout le monde.
-Et qu'est-ce qu'il va faire, maintenant ?
-Rien. Sa mère lui a fait un tintouin d'enfer. Elle s'est pointée direct à l'école et elle lui a écorché les oreilles devant tout le monde. Elle lui a dit qu'elle le lourdait de chez eux.
-Comment tu le sais ?
-C'est un mec que je connais qui me l'a raconté. Il allait à l'école avec lui.
-Et lui alors, qu'est-ce qu'il a fait ?
-Rien. Il a disjoncté, il est parti. Jamais de la vie sa mère le foutra dehors, mais elle va lui prendre la tête. C'est ce qui lui faut, à cet imbécile. Je l'ai croisé aujourd'hui, il était bourré. Il m'a raconté des conneries - genre, c'est lui qui voulait se faire lourder, genre l'armée c'est super, presque comme la taule.
Il ahoché la tête en direction du balcon.
-…Il est prêt, le texte du discours ?
Sergueï me regardait, j'ai hoché la tête.
-…Anton aussi a préparé un certain type de matériel.
Anton a donné ses photos couleur sorties de l'imprimante ? Pinski. Il en avait bricolé une sur photoshop où il avait collé la tête de Filatov sur un type au lit avec deux filles à l'air de putains. Pinski a regardé, souri, et nous a fait un clin d'oeil.
-Pas mal, pas mal. Et la vidéo ? Elle est prête ?
-Non, on a un problème avec ça, a dit Anton. Il faut mettre beaucoup trop de gens dans la confidence, les probabilités de fuites sont élevées. Ce qui serait une sentence de mort, pour nous autres. Sinon, quelques bobines de documentaire sont déjà passées sur les grosses chaînes du pays… Les spectateurs ne les accueillent déjà plus comme quelque chose de nouveau, d'intéressant. Et quant à se tourner vers le journal local, ça va nous demander du boulot…
-Ouais, pointez-vous chez " Oméga " un de ces jours et embarquez les justificatifs en petites coupures de votre action. Pinski remplit toujours sa part du marché. Mais vous aussi, avez des obligations. Travaillez, continuez…
-Bonjour, ai-je dit. Vous pouvez m'expliquer ce qui se passe ?
-Et on peut savoir à qui on a affaire ?
L'homme au walkie-talkie m'a agrippé aux revers du blouson.
-…Fous le camp d'ici en vitesse…
-Je suis rédacteur…
-Et alors ?… T'es rédacteur, mais quoi…
-Attends, a dit son comparse en me jetant un regard. Si tu es rédacteur, je peux tout t'expliquer. Il se passe que l'entreprise change de propriétaire. Le complexe a été vendu. Mais pour une raison ou pour une autre, les vigiles n'étaient pas au courant, et ils ont fait une tentative de résistance… Ne t'inquiète pas, rédacteur, rien ne change au complexe industriel. De toute façon, quoi qu'il arrive, ça sera pas pire. Tu piges ?
Je suis retourné sur mes pas, vers les locaux de la direction. Tout était aussi tranquille qu'avant. Je suis allé à mon bureau, j'ai décroché le téléphone, trouvé le numéro de téléphone fixe du directeur sur les fiches et je l'ai composé. ça ne répondait pas. J'ai appelé son portable. " L'abonné se trouve en dehors de la zone d'émission de nos antennes ". Le directeur adjoint ne répondait pas non plus.
J'ai composé le 02.
-Allo, la police ? Je vous appelle du complexe industriel. Nous sommes victimes d'un assaut en règle… Des gens encagoulés ont fait irruption et tabassé les vigiles…
La porte du bureau s'est entrouverte. Deux tarés en tenue camouflage se sont aussitét engouffrés au pas de course, tous les deux cagoulés. L'un d'eux a arraché du mur la prise du téléphone, l'autre s'est précipité sur moi.
-Tu vas foutre le camp d'ici ?
-Qu'est-ce que vous faites au juste, les gars ?
Il m'a frappé ? la mâchoire. Je suis tombé. Entre le bureau et l'armoire. J'ai ébranlé l'armoire. Un tas de vieilles paperasses s'est envolé d'une étagère. Il m'a frappé une deuxième fois, un coup de botte. Que j'ai encaissé pleine poitrine. Je me suis recroquevillé, protégeant ma tête avec mes bras. C'est là que le coup suivant a percuté, sur les bras. Le deuxième taré a pris la console d'ordinateur, l'a soulevée et balancée par terre. L'écran a tinté en se brisant. Malgré tout, la musique passait encore sur les hauts parleurs.
Sergueï a pointé son nez au balcon, lancé un regard vers Sanchez, avant d'agiter le bras pour lui faire un signe.
-Conclues, abrège, on a une réunion. Et toi, Alex, tu es convoqué aussi.
Je l'ai suivi dans le salon au décor " byzantin " : chaises dorées, lustre doré, cheminée vieil or, allées recouvertes du tapis rouge, une énorme garde-robe hideuse en bois rouge.
Anton était déjà assis à la table, des photos sorties de l'imprimante à la main.Pinski est monté du rez-de-chaussée. Il était suivi de son garde du corps, suivi lui-même de Sanchez. Pinski s'est installé sur le grand fauteuil, on s'est tous entassés sur le canapé près de la table basse.
-En bref, expliquez-moi où nous en sommes, a dit Pinski.
-Tout marche comme sur des roulettes. Tout est normal au quinquennal.
Sergueï s'est interrompu. Pinski a hoché la tête. Peu probable qu'il ait compris que c'était une citation.
-… La préparation du meeting continue. On a choisi tout le monde, on en est aux répétitions.