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Citations de Tsering Yangzom Lama (53)


« Détruisez toutes les statues à l'intérieur », cria le chef des soldats.
Notre monastère renfermait des centaines d'effigies, certaines si petites qu'elles auraient tenu au creux de ma paume tandis que la plus grande était une statue en or haute de deux étages représentant Guru Rinpoché, qui contenait des pierres précieuses.
« Ils vont changer les statues en munitions, me chuchota Lhaksam.
_ Ne dis pas de bêtises, rétorquai-je. Comment ?
_ Ils fondent des statues et se servent du métal pour fabriquer des balles, Lhamo. Et puis ils nous tuent avec nos propres dieux. »
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Ma bouche se tient prête à débiter toutes les répliques de mon enfance, toutes les réponses à la question : « Qui êtes-vous ? » Nous sommes réfugiés. Nous avons obtenu l'asile. L'État chinois s'est emparé de notre pays et a massacré notre peuple - 1,2 million de personnes. Nos preuves d'identité sont dérisoires - de simples bouts de papiers plastifiés, pas des passeports en cuir gaufré comme les vôtres -, et la plupart des nations ne les acceptent pas. Nous vous prions de ne pas vous arrêter à notre déchéance actuelle. Vous auriez dû nous voir avant l'invasion, quand notre pays avait des rois, des dieux, et une histoire ininterrompue depuis des temps immémoriaux.
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Dans tout le royaume du Tibet,
j'ai pratiqué à d'innombrables lieux.
Il n'existe pas une poignée ou parcelle de terre
que je n'ai bénie.

Tour à tour, à l'avenir, les signes de la vérité
seront révélés, exhumés un à un sous forme de trésors.
Dans un nombre incalculable de minuscules endroits,
couverts de mes empreintes de mains et de pieds sur la roche,
se trouvent des mantras, des syllabes semences et des statues,
déposés là pour servir de futur socle à la foi
dans l'espoir qu'ils profiteront à ceux qui me sont liés.

Prophétie de la yogini (femme yogi) YESHE TSOGYAL,
VIIIème siècle
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Puis au printemps, notre village eut vent d'une ruse terrifiante : un plan pour conduire le Trés Précieux dans la taverne du dragon. Après avoir découvert ce piège,, les nôtres se rassemblèrent par milliers devant le palais d'été à Lhassa, formant un rempart de leur corps.
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Ashang retire le ruban noir et les deux perles de corail qui ornaient ses tresses, puis me prend le peigne, et le passe soigneusement dans ses cheveux. Il les a toujours coiffés d'une main aussi légère que possible, pour ne pas en perdre davantage. Même à présent qu'il s'apprête à les raser entièrement, il les peigne avec lenteur, formant une boule avec les cheveux qui se détachent pour les jeter plus tard, et éviter que des oiseaux ou des insectes ne s'étouffent en les ingérant par erreur. Il mouille ensuite ses mèches avec de l'eau et y applique un peu de shampoing, qu'il fait mousser sur son crâne.
« Tu es sûr de toi ? » demandé-je.
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J'ai un mouvement de recul. Cet homme ne comprend que ce qui cadre à sa vision des choses. Pouvoir, survie, domination - voilà les briques de son esprit. Je me demande ce qu'il penserait s'il tombait sur une des cérémonies de prières aquatiques de notre camp, lorsque nous nous alignons deux par deux sur la berge de la rivièrez, et bénissons des poignées d'eau pour le bien de tous les êtres doué de sens. Nous jugerait-il pleins de bonnes intentions, mais stupides ? Peu importe. Il m'a apporté une lueur d'espoir. Il existe un précédent sur lequel nous pouvons nous baser pour récupérer la statue du saint.
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Ma mère n'était pas la seule à avoir changé. Des meutes de loups et de rats déferlèrent dans notre vallée. Ensuite, un tremblement de terre laissa une fissure accidentée au coeur du monastère de notre village. Puis, alors que j'apprenais à parler, la nouvelle arriva que des envahisseurs avaient franchi la frontière, pénétrant sur nos terres comme deux énormes serpents. Dans la ville lointaine de Garzê, des gens les regardèrent traverser la rivière en longues colonnes et s'enfoncer au milieu des montagnes. Ils voulaient qu'on les appelle l'Armée populaire de libération, mais pour nous ils étaient le peuple gyami, des basses terres de l'Est.
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Le monde nous a oubliés. Pour la plupart des gens, nous ne comptons pas.Comment sinon, pourraient ils s'échanger nos dieux à la manière de possessions dans l'enceinte stérile de musées et de collections privées, comme si nous avions disparu depuis longtemps ?

( p.189)
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_ Nous ne pouvons pas tuer nos ennemis. Nous devrions imiter nos ancêtres : mettre nos bien l'abri en les enterrant, et nous éloigner jusqu'à ce que cette folie soit terminée. Cette guerre, comme toute les guerres, aura une fin. »
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Dans l'intimité de notre foyer, quand les domestiques étaient absents, Ama déchirait les feuilles volantes et les jetait dans le four. Je n'avais jamais vu personne traiter des textes comme cela. Nous n'aurions jamais osé enjamber une page écrite tombée terre encore moins la réduire en charpie. Jusqu'alors, tous les écrits étaient sacrés.
« Ils sont venus submerger nos sens, déclara Ama.
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Ce que je sais, c'est que la survie est un jeu répugnant, et que nos objets sont la seule chose que le monde estime réellement chez notre peuple.Nos objets, nos idées. Mais pas nous, et pas nos vies. Que l'on reste ici encore deux cents ans ou qu'on disparaisse de la surface de la Terre, personne ne s'en soucie vraiment.
- Les gens apprécient la beauté de notre culture, dis-je.Mais pas notre souffrance. Personne ne veut la mettre dans une vitrine. Personne ne veut se l'approprier.

( p.498)
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LHAMO

1- Entre le Tibet oriental et le Népal
Printemps 1960

(...) Il devint bientôt trop dangereux de continuer les divinations, même en secret.Les soldats se montraient de plus en plus téméraires. Ils s'étaient autoproclamés dirigeants du village, et avaient réquisitionné un garçon de chaque famille pour venir grossir leurs rangs ou servir d'ouvrier à leur armée. Notre mode de vie était tout simplement barbare, affirmaient-ils.
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« Quand je repense à ma jeunesse, mes souvenirs les plus heureux sont ceux avec Lhamo. Et on a passé, quoi,... un mois ensemble en tout ?
_ Seulement ? demandé - je.
_ C'est étrange, non, comme quelques fractions du passé semblent se dilater dans notre esprit, alors que tant d'autres s'évaporent.
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Je me recule contre la vitre de l'Abribus.Je ne sais plus à combien d'immolations nous en sommes. (...)
Il y a eu tant d'auto- immolations que nous savons à quoi nous attendre, maintenant. Si les nonnes parviennent à résister, la jeune femme aura peut-être droit à des funérailles dignes de ce nom; mais si les soldats s'emparent de sa dépouille, tout espoir est perdu.Même dans le cas où elles parviendraient à organiser la cérémonie, les nonnes seront punies ensuite.La famille de la victime aussi.Le village subira davantage de restrictions, de présence militaire,d'arrestations qui rendent la vie intenable. Une protestation par le feu de plus.Le cycle continue.

( p.339)
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Cela fait dix ans que ces envahisseurs impies dévorent notre pays. Ils l’ont grignoté à si petites bouchées que nous ne l’avons pas remarqué avant que la moitié de notre corps ait disparu. 
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Nous sommes à la frontière. L'embouchure de notre pays.Le reconnais-tu? Ces dimensions mythiques, cette beauté tourmentée ? Un grillage découpe la terre, mais un grillage ne peut pas arrêter les morts.On en trouve la preuve tout autour de nous, dans ces cendres libérées en silence, ces derniers gestes de dévotion.
Et les vivants, alors ? Pendant des années, j'ai entretenu le rêve d'un retour au pays.À présent que je suis là, je prends conscience de mon statut d'étrangère; car que suis-je de cet endroit, de ce qui s'étend au-delà du grillage ? Même ma question est erronée. Le savoir.Une divinité si dérisoire, que j'ai vénérée pendant des années. Tous les livres du monde mis bout à bout ne signifieraient rien, dans cette immensité.
Pourtant, debout là sur la brèche entre deux mondes, j'éprouve une certaine stabilité. C'est un seuil familier, qui débouche sur des directions opposées : devant un pays où je ne peux pas pénétrer. Derrière , un monde qui ne peut pas être le mien.Que j'avance ou que je recule, aucun mouvement n'a de sens.Je dois donc rester entre deux sphères.
Anna, je comprends enfin d'où viennent mes difficultés. Je suis née à cette frontière, et j'ai vécu à cette frontière. Dans notre camp, dans mon école à Katmandou, en Occident : je me suis toujours tenue là.Au bord du devenir.

( p.564)
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Dans le Mustang j'avais cru que nous avions atteint les basses terres ; mais ici, l'air est épais au point d'en devenir irrespirable. Cela m'efffraie de penser que la terre pourrait continuer à dégringoler encore et encore. En même temps, le soleil devient de plus en plus chaud comme s'il voulait nous brûler
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Tenkyi a toujours eu des difficultés, mais elle les cache bien.Parfois, j'ai l'impression que les gens veulent seulement voir ses dons.Ils veulent qu'elle prouve ce dont nous sommes capables.C'est un lourd fardeau à porter, tu ne crois pas ?

( p.396)
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LHAMO

Pokhara, Népal
Camp de réfugiés tibétains de Tsemo Seymakar
1973

Depuis la colline au sommet plat qui surplombe notre camp, je vois les hommes installer de nouveaux toits en tôle ondulée, créant de petits lacs de métal qui brillent à la lumière. (...)
Quand arrive la mousson, la pluie a changé aussi.Elle ne tombe plus du ciel en tapis mouillé, dégoulinant à tout moment sur notre peau.Elle est désormais faite de clous- violents, menaçants, mais qui ne nous atteignent jamais. Les gens affirment avec fierté : notre camp fait du bruit sous la pluie.Nous n'avons pas de pays, mais nous avons un son.

( p.230)
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Dans notre prochaine vie, nous serons libres, en sécurité et heureuses. Nous grandirons sous le regard de nos parents tels des arbrisseaux, jusqu'à devenir des femmes fortes, capables de décider de notre propre sort.
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