Le métier de libraire est l'un des plus vieux du monde puisqu'on signale son existence en Grèce, dès le IVe siècle avant J.-C. Le libraire grec est avant tout un copiste sur papyrus, puis sur parchemin. Auteurs et amateurs se réunissent chez lui, pour lire et discuter. Il lui arrive de vendre ses copies sur place, mais le plus souvent, — nul n'est prophète en son pays —, les expédie à Alexandrie, à Rome, en Gaule. De même qu'à Athènes, le commerce s'établit à Rome, de là, il gagne Byzance ; et quelle ne fut pas la surprise des Romains de le trouver à Lyon !
Au XIIIe siècle, à la fondation des Universités, le métier de la Librairie leur est rattaché. Un premier règlement, et Dieu sait si la profession est règlementée dès cette époque, entre en vigueur en 1259, bientôt complété en 1275 ; il a pour but de limiter la corporation aux auteurs, libraires, enlumineurs, relieurs et parchemineurs.
En 1342, un nouveau règlement expose les obligations des libraires qui doivent recevoir, garder, exposer et vendre fidèlement les livres qu'ils ont achetés ou qu'on leur a confiés.
Les libraires, dont le nombre est limité, prêtent serment et fournissent un cautionnement ; ils ne sont pas seulement copistes, mais le plus souvent écrivains.
Puis en 1440, Gutenberg invente l'imprimerie, ce qui va donner au commerce du livre une grande impulsion et de nouveaux règlements !
En 1513, Louis XII confirme à la corporation que les libraires sont les vrais suppôts et officiers élus par le corps de l'Université et jouissent des mêmes privilèges, franchises et exemptions que les docteurs, régents, maîtres et étudiants.
En 1553, François Ier restreint ces libertés : les libraires ne devront vendre que des livres approuvés par l'Église. La vente et la distribution devront être autorisés par le roi, et les sanctions prévues pourront aller jusqu'à la peine de mort. Étienne Dolet en fait la triste expérience, avant même que François Ier n'ait promulgué ce nouveau règlement ! Cet ami de Rabelais, de Guillaume Budé et de Clément Marot, né à Orléans en 1509, fait preuve d'une rare liberté d'esprit et proclame sa haine des persécutions. Écrivain, libraire, éditeur, imprimeur, il écrit des commentaires sur les discours de Cicéron et sur " l'Adrienne " de Térence, et édite ses amis plus haut cités. Dans son imprimerie de Lyon, Étienne Dolet publie des brochures de combat, des almanachs et des satires. Un opuscule publié en 1542 le fait accuser d'hérésie et d'athéisme, et jeter une première fois en prison. Il y retourne en 1544, pour avoir introduit en France des livres genevois et traduit un passage d'un dialogue de Platon, dans lequel on trouve une négation de l'immortalité de l'âme. Condamné à mort en 1546, il est pendu et brûlé à Paris, place Maubert, au milieu de ses livres. Vous voyez que la Librairie a eu, elle aussi, ses martyrs.
Les arrêts royaux de 1595 et de 1610 confirment les privilèges des libraires. En 1618, un règlement crée une Chambre Syndicale des libraires et imprimeurs.
Une décision de 1649 complète les règlements en vigueur, en exigeant que les libraires soient français, catholiques, de bonnes vie et mœurs, et fournissent de l'Université, un certificat constatant qu'ils connaissent de façon satisfaisante le latin et qu'ils lisent le grec.
En 1686, un nouveau règlement fixe pour Paris le nombre des libraires à vingt-quatre.
Puis subitement, le 26 août 1789, tous les privilèges sont abolis ; le 17 mars 1791, les brevets et lettres de maîtrise supprimés ; et le 14 septembre 1791, la Constitution garantit aux Français la liberté d'écrire, d'imprimer et de publier leurs pensées, sans toutefois en abuser.
En juin 1806, l'imprimeur-libraire Jacob l'aîné d'Orléans, décrit dans un opuscule, ce que cette liberté provoqua : « C'est alors que l'anarchie s'empara de cette profession, la confusion devint générale et chacun voulut se mêler de ce commerce, quoiqu'il ne ressemblât en rien aux autres, tant par sa nature, que par les qualités essentielles qui doivent constituer le libraire. C'est ainsi qu'on vit s'élever une multitude de boutiques et d'échoppes, dont les propriétaires, pour la plupart, n'avaient pas la première notion du nouvel état qu'ils embrassaient, et, ce qui paraîtra bien singulier, ne savaient pas même signer leurs noms ! »
En cette même fin du XVIIIe siècle, on pouvait lire dans les Archives de la Seine-Maritime : « La plupart des libraires de Rouen sont gens sans éducation qui à peine savent lire. »
Ce vent de liberté prend fin par un décret du 5 février 1810 qui rétablit la censure et crée une Direction générale de la Librairie au ministère de l'Intérieur. Les libraires doivent être à nouveau brevetés et assermentés. Faire et défaire , c'est toujours travailler ! La Restauration maintient ces dispositions, de même que les gouvernements suivants. Le 10 décembre 1870, la liberté d'exercice de la profession est rétablie, les brevets et serments supprimés. Ce régime se voit confirmé par la loi du 29 juillet 1881, qui maintient toutefois l'interdiction des ouvrages contraires aux bonnes mœurs. Régime d'ailleurs toujours en vigueur.
LILIANE EST AU LYCÉE (L'ILIADE ET L'ODYSSÉE), Un peu d'histoire en guise d'avant-sottises.