Citations de Tom Noti (94)
On croit toujours que nos mères emportent notre enfance quand elles s’en vont, mais on oublie l’adulte qu’elles nous laissent devenir.
On ne vit que dans l’instant, le futur reste une illusion.
Mais la vie aime les bosses. La vie caresse les reliefs, les creux des secrets et les boursouflures des plaies. La vie est une boxeuse qui frappe tous azimuts, hors du ring, hors des règles, hors catégories.
L’absence est une présence envahissante contre laquelle rien ne peut lutter.
Les bleus de l’enfance sont d’inarrêtables marées noires où l’on se débat, on patauge et on s’englue. Que reste-t-il de cette boue à nos semelles une fois devenus adultes ? Quelle trace sème-t-on sur les moquettes de nos présents ?
Parler aux morts, c’est se parler à soi-même avec la larme à l’œil. Un petit apitoiement différé vers un miroir de pierre, toujours la même complainte ancestrale et qui résonne uniquement dans nos propres cœurs. N’avoir peur que de ses peurs, ne douter que de ses doutes, ne pleurer que ses propres larmes.
Les blessures des autres donnent le goût du sang et nous rendent oublieux des nôtres.
Vous êtes "les gens". Tout le monde est "les gens". "Les gens", c'est nous tous. Et les réactions que je peux induire sont celles des "gens". Ca s'appelle la pensée commune. Nous sommes tous pareils, formatés à réagir "en fonction de...". Nous sommes tous les ingrédients d'un schéma de pensée vertueux, d'une recette de sorcière. Nous sommes tous à l'intérieur d'un chaudron, brassés, mélangés. Mais aussi tous saupoudrés de condiments : la peur, l'inquiétude, le chômage, l'insécurité, l'égoïsme, la consommation nécessaire, l'élitisme forcené, l'apparence...
On gêne quand le sourire de celle qui nous donne tout pâlit devant nos ombres. On gêne quand les plus beaux moments de la vie deviennent douloureux. On gêne lorsqu’on n’est pas assez heureux et qu’une petite fille devrait rire aux éclats. On gêne quand on se bat contre soi-même, contre les autres, lorsque se tenir debout est une lutte.
Fuyez la vieillesse ! Fuyez la mollesse ! Fuyez l’apathie confortable et faussement généreuse d’une mer molle aux seins trop plats. Larguez tout, rognez les bouts, dérivez, prenez des embruns et des vagues dans la tronche, de toute façon, vu la vôtre...
Je n’étais pas grand-chose de bien. Alors plutôt que toutes ces convenances, au moins qu’on me laisse aimer ma fille de tout mon cœur. Est-ce qu’on pouvait me le reprocher, ça aussi ? Tout le reste, oui, d’accord. Mais aimer ma toute petite fille… L’aimer déraisonnablement. Je ne savais rien faire que l’aimer comme ça : aimer grand, aimer fort, aimer mal, aimer exagérément. Un amour qui emporte tout et surtout qui m’emportait, moi. Loin de tout ce que j’avais été mais aussi loin de tout ce que j’aurais voulu être et que je ne serai jamais.
J’étais un orphelin des sentiments, un méfiant de l’attachement, un vagabond des liens humains. Elle seule m’avait attrapé au lasso de son sourire.
Tout est faux, sauf les douleurs.
Manger une glace en cornet sur un banc,
face à la mer, lorsque le jour décline
reste le summum de la mélancolie
et du bonheur mêlés.
Comme le ciel qui rejoint la mer,
je n’arriverai jamais à déterminer qui,
du bonheur ou de la mélancolie
irise l’autre pour s’y fondre.
[...] je regardais la ville bruisser.
Toutes ces vies qui circulaient pour donner corps au monde. Toutes ces vies irréfléchies, misées sur l’éternité et peut-être, par conséquent, heureuses. Légères tout au moins. Ces vies sans mes peurs, sans ce sentiment de fugacité, d’incertitude, de doute.
Certains, dans l’urgence de l’éphémère, développent toute une agitation afin d’oublier.
Moi, ce couperet me glaçait. Dans « tout va bien, pour le moment » je ne retenais que « pour le moment » et j’ajoutais « mais jusqu’à quand ? » Et j’aurais voulu être de ceux qui terminaient par « oui, mais tout va bien ». Les imbéciles heureux.
Moi, tout l’intérieur de moi, de ma tête, de mon être, se refusait à cette mascarade.
Non, tout n’allait pas « bien » et surtout pas « bien du tout ».
Ce sentiment extracteur de me tenir à côté de ces courants de pensées, sur la berge des flots raisonnables de l’humanité. Immobile avec mes voyages engourdis, lourds des fardeaux à porter.
On passe la moitié de sa vie à attendre ceux qu’on aimera et l’autre moitié à quitter ceux qu’on aime.
Une main posée, c’est parfois plus doux qu’un baiser. On donne de nous. Il n’y a pas l’artifice de la séduction, de la passion, de la frivolité...
Et malgré les soleils, mes plus infimes cellules étaient polaires. Jusqu’à ce qu’Elle pose ses yeux sur moi, que mon réchauffement climatique s’amorce. Rien à faire de l’écologie ! Laissez fondre ma banquise sous le charbon ardent de ses yeux trop noirs.
L'eau ruisselante a dévasté ma chemise, le robinet a aspergé mon pantalon. Je me retrouvais dans le noir, comme un con, à tenter d'essorer mes vêtements humides avec mes mains mouillées. Et cette saloperie de robinet qui continuait de crachoter.
Michel Blanc et ses algues dans Les Bronzés.
Et par-dessus nos mains calleuses, on a posé nos petits cœurs cabossés parce que, crois-moi, après les grands ébats, se tourner vers quelqu’un qui a le coeur sur la main, et quand ce coeur, c’est le tien, ça vaut tous les trésors du monde.