Sylvain Philippon

« [...] j'entends les commentaires qui me sont adressés, mais je m'en fous. S'ils savaient que je suis vraiment folle et que je viens de sortir d'un asile, ils comprendraient et auraient peut-être de la compassion pour moi. Oui, chaque histoire personnelle est personnelle et chacun peut avoir ses circonstances atténuantes. L'important maintenant est que je m'amuse. Je me sens vivre. Je me sens libre lorsque je suis dans cet état. J'arrive un peu à oublier ce qui m'opppresse, et ressentir de bonnes ondes. Les troubles s'effacent quelques heures et laissent place aux joyeux battements de mon cœur.»
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Je me lève pour éviter de voir revenir Martine qui essaiera de trouver les mots justes pour me motiver ! Je n'ose pas lui avouer que ce qu'elle me dit me fait l'effet inverse. Je vois bien qu'elle récite ce qu'on lui a appris, qu'elle amorce le contact avec une phrase d'accroche destinée à orienter mon esprit vers quelque chose de positif, mais je n'entends qu'une triste récitation. Cela me fait penser à ces opérateurs téléphoniques qui tentent de vendre des abonnements à tout prix. Et bien Martine tente de me vendre du bonheur. Mais cette émotion fabriquée ne me touche pas. J'ai besoin de réconfort profond, d'un regard sincère posé sur moi.
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Certains diraient que nous méritons sans doute bien notre place parmi les fous. Mais comment un fou peut-il reconnaître un autre fou ? Cette idée me terrorise parfois et je finis par me demander si je sortirai un jour d'ici ...
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Ici c'est cent fois pire. Je m'étonne de la conscience que j'ai de la laideur de cette pièce alors même que je suis perdue pour tout ce qui concerne ma vie, mes émotions, mes goûts.

J'ai d'ailleurs envie de faire une longue pause avec ma psychothérapie. Elle me fatigue. J'en ai marre de passer en revue chaque séance, de revivre les expériences, de trouver les déclics dans mon enfance, de m'introspecter, de creuser. J'ai comme un trou en moi maintenant, qu'il me faut combler de quelque chose. Une fringale d'affection se fait pressante, et mon psy ne sait plus m'apporter ce dont j'ai besoin en ce moment.
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Je n'arrive plus à savoir qui je suis et surtout où je vais. Alors, comme bien souvent, je pleure. Je me vide en espérant que mes larmes me désinfectent, qu'elles emportent avec elles toute la noirceur qui s'est fixée dans mon corps, partout, qu'elles effacent tous les doutes qui me hantent, qu'elles anesthésient mes envies de mourir, qu'elles me ressuscitent parmi les fous.
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Seuls les livres ont la capacité de me faire oublier. Pour quelques instants en tout cas. Les psys veulent me faire accepter, changer mon regard pour me montrer une autre réalité, rééduquer mon cerveau pour avancer, mais je n'ai qu'une seule et même envie. Oublier. Tout effacer, répartir de zéro comme si rien ne s'était jamais produit dans ma vie.
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Si ma conscience prend régulièrement le dessus sur mes angoisses, une tristesse profonde s'est épanouie dans mon corps. Je ne sais pas si revoir les gens qui me sont chers serait une solution pour avancer. Je pense au contraire ne pas être prête alors même qu'un manque existe.
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En venant ici, j'avais un crédo : désactiver le mode gai luron le temps du séjour, ne plus en faire des tonnes, faire un break, mettre en off ma soif inépuisable de désirabilité sociale, de séduction.
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Je sonde mes sensations, mes envies. «Envies». Ce mot qui avait disparu de mon vocabulaire. Cette chose du domaine de l'impossible dont la flamme est en train de se rallumer doucement.
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