STEFANO MANCUSO - SENSIBILIDAD E INTELIGENCIA EN EL MUNDO VEGETAL
Nous savons pourtant bien peu de choses – presque rien, à vrai dire – de ces êtres qui constituent la quasi-totalité du vivant, qui ont littéralement donné forme à notre planète et dont dépendent tous les animaux, y compris, bien entendu, les hommes. Cette relative ignorance a de graves conséquences, dans la mesure où elle nous empêche de comprendre à quel point les plantes jouent un rôle crucial pour le maintien de la vie sur Terre et la survie immédiate de notre espèce. Si nous les croyons bien plus proches du désert de l’inorganique que de la plénitude de la vie, nous commettons une erreur fondamentale de perception susceptible de nous coûter très cher.
Et puisque les hommes ne comprennent que les catégories humaines, ce livre s’efforcera de remédier à notre manque de reconnaissance et d’estime envers les végétaux en les traitant à l’égal d’une nation, c’est-à-dire d’un ensemble d’individus ayant en commun leurs origines, leurs mœurs, leur histoire, leurs organisations et leurs objectifs. Observer la Nation des plantes aboutit alors à des résultats surprenants : regroupée sous son drapeau vert, blanc et bleu (les trois couleurs évoquées plus haut), elle constitue la nation la plus nombreuse, la plus importante et la plus répandue de la Terre, où les arbres sont à eux seuls plus de 3 000 milliards ; forte de tous les végétaux du globe, elle tient sous sa dépendance tous les autres organismes vivants.
L’homme a beau se comporter comme le maître du monde, il n’est en fait qu’un de ses copropriétaires les plus déplaisants et les plus importuns. Depuis son apparition, il y a environ 300 000 ans – soit très peu de chose par rapport à celle de la vie, qui remonte quant à elle à 3,8 milliards d’années –, il a réussi l’exploit de provoquer un changement drastique de son environnement, au point de le rendre dangereux pour sa propre survie.
Les causes de ce comportement inconsidéré tiennent en partie à sa nature d’animal prédateur ; mais elles tiennent aussi pour une autre part, selon moi, à son incompréhension totale des règles qui régissent le fonctionnement d’une communauté d’êtres vivants. Dernier arrivé sur la planète, il s’y comporte à la façon d’un enfant qui multiplie les catastrophes, inconscient de la valeur et de la signification de tout ce qui lui sert de jouet.
Maintenant, imaginons un instant que les plantes agissent vis-à-vis de nous en parents attentionnés : après avoir rendu notre existence possible et pris acte de notre incapacité à assurer notre développement autonome, elles décideraient de venir une fois de plus à notre aide et de nous faire cadeau d’une série de règles – les huit articles de leur Constitution – destinées à devenir une sorte de vade-mecum pour la survie de notre espèce. Le présent ouvrage n’a pas d’autre sujet que ces huit piliers fondamentaux de la vie végétale. […]
Concevoir une Constitution rédigée par les plantes et leur tenir lieu d’intermédiaire avec notre monde : telle a été l’idée divertissante à l’origine des pages qui suivent.
Le calme qui nous envahit en leur compagnie (végétaux) est peut-être l'écho d'une conscience ancestrale que la verdure renferme tout ce dont nous avons besoin et toutes nos possibilités de survie. Aujourd'hui comme hier.
(A propos de Jean-Jacques Rousseau)
fuyant ses détracteurs, surtout Voltaire qui repose aujourd'hui à quelques mètres de lui, il s'était réfugié, pendant les dernières années de sa vie, dans l'étude et la contemplation de la nature. L'observation des plantes était devenue une occupation qui le consolait de sa condition d'ermite. Au milieu des plantes, plongé dans ses pensées et ses sentiments, il réussissait à trouver quelque sérénité. Sa description de leur pouvoir apaisant semble anticiper sur les conceptions moderne de la jardinothérapie.
Il a pour les plantes une véritable affection, comme on peut en avoir pour des amis. Il réprouve ceux qui s'intéressent aux plantes pour en tirer profit en rdehors de l'alimentation. Il critique aussi bien les pharmaciens qui regardent les plantes comme des réservoirs de principes pharmacologiques, que les professeurs de botanique qui étudient les plantes afin de se rendre illustres mais sans être capables, après une vie passée à les étudier, de les apprécier pour leurs extraordinaires pouvoirs. Autant d'hommes, selon lui, qui n'aiment pas les plantes.
Le règne végétal tout entier est ainsi sous-évalué, alors que notre survie et notre avenir en dépendent.
Observer avec respect, J'oserais dire avec amour, chercher et comprendre, c'est ce que tout bon naturaliste devrait apprendre à faire, avec ténacité et détermination.
Lorsque Dieu a créé l’arachide, il ne nous a pas présenté la facture. Pourquoi devrais-je gagner de l’argent avec ses dérivés ?
Vavilov conserve les graines de toutes les plantes recueillies. Il sait qu'une graine est une sorte de robuste capsule de survie contenant non seulement l'embryon de la plante mais aussi sa nourriture. Une graine est l'instrument le plus raffiné qui se puisse imaginer pour conserver un patrimoine génétique.
En 2050, il y aura sur Terre dix milliards d'êtres humains et demi de plus qu'aujourd'hui. Beaucoup de gens s'inquiètent de cette croissance vertigineuse de la population, car ils estiment que nous ne disposerons alors plus de ressources suffisantes. Je ne partage pas leur pessimisme. Si on n'entrave en aucune façon leur liberté de créer, trois milliards et demi de têtes pensantes ne sont pas un coût mais une formidable ressource. Si on leur laisse toute latitude pour réfléchir et innover, elles seront en mesure de résoudre n'importe quel problème. Et même si cela peut sembler paradoxal, dans un avenir proche nous serons contraints de nous inspirer des plantes pour recommencer à bouger.