Sophie Winter

Nouk comprit immédiatement que la vieille femme avait commis une terrible erreur en répondant avec sincérité à la question de Daegn, dévoilant une vérité qui ébranlait encore un peu plus le peu de confiance que le roi accordait au sage. Toutefois la Lûni ne chercha pas à analyser plus longtemps cette nouvelle donnée, une seule information avait de l'importance à ses yeux. Si Lord Bellegord avait menti à Daegan, cela signifiait qu'ils avaient été en contact peu de temps auparavant. Et, si cela avait été le cas, alors Ehron était bel et bien dans les parages, comme Nouk l'avait tout d'abord imaginé. Rassurée, elle poussa un léger soupir de satisfaction, puis porta ses paumes tatouées à ses tempes afin de libérer la tension qui avait saisi son visage. Ce geste simple la soulagea immédiatement et elle ferma les yeux pour profiter de cet instant de bien-être. Quand elle les rouvrit, quelques secondes plus tard, sa respiration se bloqua dans ses poumons.

Revenant à ce qu'il devait faire, Ehron dégaina sa vieille épée de son fourreau et entreprit d'abattre les branches à l'aide de son bras gauche, qui avait été épargné par les flammes. Chaque mouvement lui arrachait un gémissement de douleur, qu'il essayait de cacher tant bien que mal à ses amis. Il n'avait pas osé leur confier que sa blessure l'inquiétait depuis qu'il avait repris connaissance. Certes, une telle brûlure risquait de le faire souffrir encore un bon moment, mais il sentait qu'il y avait un autre problème sous-jacent. Il n'arrivait pas à mettre le doigt sur l'origine de son inquiétude, mais pourtant...

Lui qui croyait plutôt bien se connaitre venait de se rendre compte en quelques instants qu'un pan entier de ce qui le constituait avait été occulté pensant toutes ses premières années d'existence.

« Laisse-toi envahir par l'âme de la forêt. Si tu ne fais qu'un avec la nature, tu arriveras sans encombre jusqu'à Alt'Vaasa. Il est temps que tu acceptes vraiment ce qui se passe en toi. »

— Une mère qui aime suffisamment son fils pour faire passer sa sécurité en premier.

Cette phrase tomba comme un couperet dans le cœur d'Ehron et le monde devient trouble autour de lui. Qui étaient-ils pour oser proférer des idioties pareilles ? Que croyaient-ils connaitre de son histoire ? Une bouffée de colère l'envahit, certainement la plus forte qu'il n'ait jamais ressentie de toute sa vie.

— Qu'attendez-vous de moi, exactement ? s'écria-t-il violemment, des larmes menaçantes au bord des yeux.

- Notre Imaya est l'équilibre même de la vie... C'est tout simplement inenvisageable que la folie des hommes l'ait à ce point mis en péril.