Sophie Nahum: "Après la guerre, personne n'a voulu entendre les rescapés des camps de concentration"
Les enfants cachés sont des miraculés, les plus jeunes témoins de cette période de l’Histoire et parmi les derniers.
Comment a-t-on pu laisser faire ça? Aujourd’hui encore, je n’arrive pas à comprendre.
Arlette
Je suis dévastée car aujourd'hui, j'entends les mêmes propos qu'en 1940. Alors c'est vrai que l'histoire ne se répète peut-être pas exactement de la même manière, mais ça y ressemble étrangement.
En rentrant, je n'ai pas pu parler. On nous en a empêchés, même en famille. Mes tantes et mes oncles me disaient : "Il faut oublier." Comme si ça pouvait s'oublier.
Pour eux comme pour nous, qui sommes leurs héritiers, il ne s'agit pas de répéter "plus jamais ça" comme une incantation, ou de considérer le "devoir de mémoire" comme une obligation morale seulement, mais de tenter de comprendre les mécanismes à l'œuvre pour les identifier avant qu'il ne soit trop tard.
La Shoah est l'apogée de ce que l'humanité peut produire de pire, véritable paradigme, mais aussi paradoxalement, révélateur des ressources que l'être humain possède pour faire face à l'horreur. Les survivants sont la preuve vivante que, confronté au pire, l'homme est aussi capable du meilleur.
Selon lui, le danger majeur réside dans le fait que l'histoire se répète, mais d'une manière un peu différente chaque fois, si bien qu'il est facile de ne pas voir venir le danger et de se laisser piéger. Tout l'enjeu consiste à être vigilant pour identifier la menace sous ses nouveaux habits.
J'ai grandi à une époque où l'on croyait faire partie d'une humanité [...] qui avait tiré des leçons de l'Histoire, c'était faux. La bataille n'est jamais gagnée: si en famille ou à l'école, on laisse son enfant haïr l'autre parce qu'il est différent, alors nous sommes perdus.
Nous ne voulions pas devenir des assassins comme eux. Nous pensions : vous avez voulu nous exterminer, vous n'avez pas réussi, nous, on va vivre, ce sera ça notre vengeance.
Tout le monde à une famille, moi, je ne peux pas dire "ma famille": je n'ai plus personne.