La toile des femmes - Soleyne JOUBERT: FLASH
En se couchant dans le lit métallique, elle reconnut immédiatement la texture des draps. Épais et raides, avec des coutures aux ourlets qui grattent quand elles vous frôlent. Son bébé était de retour dans le lit boîte de sa naissance. Elle roula sur le côté pour le regarder, pour imprégner et saturer ses rétines de lui. Elle ferma et rouvrit plusieurs fois les paupières. Photos mentales.
Quand elle se réveillerait demain, il serait peut-être parti pour de bon et le lit boîte serait vide. Pour toujours. Les choses auraient-elles été différentes si elle avait su ?
Quand elle n'eut plus rien à pleurer, il faisait nuit. Grand-Mère se leva et vint l'entourer de ses bras. La chaleur de son corps la réchauffa et elle s'apaisa enfin. Elle parla d'une voix grave et solennelle.
- La vie d'une femme est semée de chagrins insupportables, de souffrances qui nous poussent à commettre des actes impardonnables et fous. C'est notre fragilité de tellement aimer. Mais c'est aussi ce qui fait notre puissance. L'amour d'une femme, d'une mère, d'une sœur, relève du sacré.
- Bois ça ! conseilla-t-il.
Elle s'exécuta et s'essuya le visage sur les manches de sa chemise. Ses cheveux attachés en une longue natte étaient durcis de poussière orange.
- Est-ce que c'est toujours aussi dur ? demanda-t-elle.
Il réfléchit un instant en se grattant le crâne.
- Je ne suis pas sûr de ce que je veux te répondre. Tu veux le discours rassurant ou réaliste ?
Aude sortit de son sac des accessoires qu'elle avait utilisés pour ses propres accouchements. Un coussin d'allaitement, un sifflet dans lequel souffler pour mieux pousser, un baume à lèvres, des chaussettes, une enceinte de musique, des flacons d'huile essentielle, un spray pour le visage.