Ce n'est pas vraiment le début de l'histoire. Ni d'ailleurs sa fin. Mais c'est l'instant où se heurte sans cesse ma mémoire.
Je commence toujours de la même manière :
Je suis le prosecutor.
J'exerce les poursuites au nom de notre Etat. Je suis ici pour vous présenter les éléments d'un crime.
il n’y a que deux groupes de personnes qui font de bons témoins. Les sincères, et les bons menteurs. Tu es quelqu’un de sincère et tu ferais normalement un excellent témoin en ta faveur. Et de plus tu sais par expérience comment t’adresser à un jury. Je n’ai aucun doute que si tu avais à témoigner sur tout ce que tu sais, tu le ferais de manière si convaincante que le jury t’acquitterait.
Son nez proéminent constituait une revendication de l'acceptation de soi.
Le silence envahit la salle comme si un doigt menaçant s'était levé, et chacun d'entre nous sembla rentrer en lui-même, dans l'abîme de peur et de solitude où nous plonge inévitablement le visage du mal.
Il y a entre ces hommes que je connais peu une sorte de contrat ou de pacte, ce genre de sentiment que les croyants doivent éprouver entre eux lorsqu’ils quittent l’église ensemble. Les papas avec leurs gosses, loin des soucis quotidiens de leurs activités professionnelles, ou même des plaisirs et des responsabilités du mariage. Des papas légèrement euphoriques les vendredis soirs, ravis d’avoir à remplir ces extraordinaires obligations.
Peu de choses valent la première journée d'un procès pour meurtre. Le lever du soleil au matin de la bataille; des chrétiens jetés aux lions à Rome.
Je me demandais souvent au début ce qu’on devait ressentir en se sachant au centre de l’attention générale ; lorsqu’on s’entend aussi brutalement accuser devant tout le monde en comprenant que les petits attraits d’une vie ordinaire – la confiance des siens, le respect pour sa personne, la liberté même – ont été abandonnés au vestiaire, sans doute à jamais. Je sentais la peur, cet anéantissement soudain, l’abîme qui s’ouvrait.
Je n’ai curieusement aucune peur particulière de la prison. Je redoute l’exil et la séparation. L’enfermement me crée parfois un certain malaise. Mais les souffrances physiques que je suis sûr d’avoir à endurer m’occupent rarement l’esprit, même quand j’essaie d’imaginer le pire.
Il a beau manquer de mérite, de compétence, être sans foi ni loi, quelque force obscure peut très bien le conduire à la victoire. ici, dans ce royaume des morts, je ne peux manquer de noter la dimension charnelle de sa vitalité et son pouvoir d'envoutement.