Citations de Rabih Alameddine (330)
... la poésie, peu nombreux sont ceux qui s’y intéressent ... peu nombreux sont ceux qui souhaitent écouter les révélations d’une âme.
Il pleut sans interruption. Mon âme est humide rien que d'entendre la pluie.
[...] je n'ai nul besoin d'un phone,et encore moins qu'il soit smart ; personne ne m'appelle.
Il n’y a pas plus conformiste que celui qui affiche son individualisme.
J'étais une lectrice vorace, mais après la mort de Hannah, je devins insatiable. Les livres devinrent mon lait et mon miel. Pour me réconforter, je me récitais des formules naïves du genre "Les livres sont l'air que je respire", ou pire, "La vie n'a pas de sens sans la littérature", tout cela en une faible tentative d'éviter le fait que je trouvais le monde inexplicable et impénétrable. Comparée à la complexité de la compréhension du chagrin, Foucault ou Blanchot sont dans la catégorie des livres pour enfants
Tous les enfers ont une devise à leur porte.
Les rêves des garçons sont les cauchemars des mères.
[...] Marguerite Yourcenar [...] lorsqu'elle traduisit les poèmes de Cavafy en français. [...] Elle modifia complètement les poèmes, les francisa, se les appropria. Brodsky aurait dit qu'on ne lisait pas Cavafy, qu'on lisait Yourcenar, et il aurait eu tout à fait raison. Si ce n'est que les traductions de Yourcenar sont intéressantes en tant que telles. Elle desservit Cavafy, mais je peux lui pardonner. Ses poèmes devinrent autre chose, quelque chose de nouveau, comme du champagne.
Tout juste en état de marche, comme moi : membres enflés, arthrite, insomnie, à la fois constipation et incontinence, les hautes et basses marées des enfers du vieillissement. Dans mes veines du matin, le sang s'écoule avec une lenteur de mélasse. Mon corps me fait défaut, mon esprit aussi. Lorsque mon corps fonctionne, on dirait que c'est indépendamment de mes désirs, et mon esprit oublie régulièrement ce que sont ces désirs, sans parler de savoir où j'ai posé mes clefs ou mes lunettes de lecture. On pourrait dire que chaque jour est une aventure.
[...] Comme la plupart des humains, nous considérons que l’histoire est une leçon sur un tableau noir, qui peut être effacée d’un coup d’éponge. Nous préférons faire l’autruche face aux difficultés de la vie.
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De tous les plaisirs délicieux que mon corps a commencé à me refuser, le sommeil est le plus précieux, le don sacré qui me manque le plus. Le sommeil sans repos m’a laissé sa suie. Je dors par fragments, quand j’arrive à dormir. Lorsque j’envisageais la fin de ma vie, je ne m’attendais pas à passer chaque nuit dans l’obscurité de ma chambre, les paupières à demi ouverts, calée sur des coussins ratatinés, à tenir salon avec mes souvenirs.
Le sommeil seigneur de tous les dieux et de tous les hommes. Ah, être le flux et le reflux de la vaste mer. Quand j’étais plus jeune, je pouvais dormir n’importe où. Je pouvais m’étaler sur un canapé, m’y enfoncer, l’obligeant à m’accueillir en son sein, et disparaître dans les enfers somnolents. Dans un océan luxurieux je plongeais, dans ses profondeurs je m’abîmais.
Virgile appelait le sommeil frère de la mort, et Isocrate avant lui. Hypnos et Thanatos, fils de Nyx. Cette façon de minimiser la mort est peu imaginative.
« Il est tout aussi indigne, de la part d’un homme pendant, de croire que la mort est un sommeil », a écrit Pessoa. La règle de base du sommeil est que l’on s’en éveille. Le réveil est-il alors une résurrection ?
Sur un canapé, sur un lit, sur une chaise, je dormais. Les rides s’évanouissaient de mon visage. Chaque silencieux tic-tac de l’horloge me rajeunissait. Pourquoi donc est-ce à l’âge où l’on a le plus besoin des vertus curatives d’un sommeil profond qu’on y accède avec le plus de mal ? Hypnos dépérit tandis que Thanatos approche.
Quand je songeais à la fin de ma vie, je n’envisageais pas que je passerais des nuits sans sommeil à revivre mes années antérieures. Je n’avais pas imaginé que je regretterais autant la librairie.
Je me demande parfois à quel point ma vie aurait été différente si je n’avais pas été embauchée ce jour-là.
Il est difficile d'aborder le chagrin frontalement, il faut le courtiser de manière oblique. (p. 231)
Je ne suis pas certaine que la découverte de l'amour soit nécessairement plus exquise que la découverte de la poésie, ni plus sensuelle, d'ailleurs.
Je pensais lire un nouveau livre aujourd’hui, mais cela ne me semble pas judicieux, ou je n’en ai pas envie. Certains jours ne sont pas des jours à nouveau livre.
La plupart d’entre nous pensons que nous sommes ce que nous sommes en raison des décisions que nous avons prises, en raison des évènements qui nous ont façonnés, des choix de ceux de notre entourage. Nous considérons rarement que nous sommes aussi façonnés par les décisions que nous n’avons pas prises, par les évènements qui auraient pu avoir lieu mais n’ont pas eu lieu, ou par les choix que nous n’avons pas faits, d’ailleurs.
Quelle est la définition des droites parallèles dans les livres de géométrie d'Arabie Saoudite ? Deux lignes droites qui ne se croisent jamais, sauf si Dieu dans toute Sa gloire le veut.
On amène les enfants au musée parce que c'est ce qui se fait. Peu importe ce qu'ils font une fois sur place; ce qui compte, c'est qu'on les y emmène.
Quiconque prétend que le stylo est plus fort que l'épée ne s'est jamais retrouvé nez à nez avec un pistolet.
Ma mère est à l'article de la mort depuis maintenant un certain temps, cependant elle s'obstine à ce que cet article reste en l'occurrence tout à fait indéfini.
Beyrouth est l'Elizabeth Taylor des villes:
démente,
magnifique,
vulgaire,
croulante,
vieillissante,
et toujours en plein drame.
Elle épousera n'importe quel prétendant enamouré lui promettant une vie plus confortable, aussi mal choisi soit-il.