Le soir où j'ai réalisé cela, dans mon lit, il m'a semblé soudain que notre famille tout entière se détachait du village, de la vallée... Comme un morceau de bois de la coque d'un navire, arraché par la tempête, qui partirait à la dérive... Vers où allions-nous ?
Je me rappelais certaines histoires qui se passaient pendant la guerre, où les héros ne pouvaient pas, non plus, tout révéler à leurs amis ou à leurs familles. Se taire c'était les protéger... Mais je ne trouvais pas les mots et Robinson m'en voulait, je le sentais.
Une fois au lit, je n'aurais plus entendu que les éclats de rires et de voix. Mais leurs discours, je les connaissais par coeur. Ma mère n'était pas là pour protéger mes oreilles, l'été, quand je montais retrouver Fanfan dans sa cabane de berger. La seule chose qui variait, année après année, était le nombre des bêtes tuées par l'ours. Tuées, ou tout juste effrayées. Et tant pis si le troupeau se jetait d'un même élan du haut de la falaise. Ou si les brebis, traumatisées, perdaient leurs agneaux avant de mettre bas. Voilà ce qui mettait les hommes d'ici en rage quand l'expert examinait LE cadavre pour les indemnités.
- Je ne veux pas apprendre à lire, c'est décidé.
Surpris, ses parents bafouillent :
- Mais plus tard, si tu ne sais pas lire... tu ne trouveras pas ton chemin en voiture !
- Tu ne comprendras pas nos lettres !
- Ni la moindre recette !
- Et comment découvriras-tu d'autres histoires ?
Pauvre Augustin ! Il ne se sent vraiment pas bien. Rosalie lui dit :
- Je sais ce que tu as, tu t'ennuies.
Augustin répond :
- Pas du tout. Je suis très occupé : je compte mes billets.
Rosalie insiste :
- Tes cochons te manquent, tu aimerais t'en occuper comme avant...
(p. 16)
La diversité, ça ne se gère pas, ça s'accueille.
Chez Lili, tous les soirs, chaque enfant a droit à une histoire.
Léo, son petit frère, préfère les desserts. Alors, souvent, il échange son histoire contre un flan au caramel ou une mousse au chocolat.
Comme ce soir.
Lili en profite pour demander deux fois Le Petit Poucet, son conte préféré.
- Tes poireaux sont dans ma soupe. Tiens! avale ça et rentre chez toi!
- POUAH! Certainement pas! répliqua le Petit Poucet. Je préfère encore me faire abandonner de nuit dans la forêt plutôt que d'en manger.
- Sacreli-Greluche! pesta Kroquela.
Quelle étourdie je suis! Que fait une sorcière affamée qui n'a plus rien à manger?
Elle file d'un coup de balai dans les potagers d'à-côté!
La lumière , comme un incendie , me dévorait les yeux.
Nous marchions en silence , mon père et moi.