Le phénomène de disparition n'est pas une histoire de massacre de “victimes innocentes“ mais l’histoire de l'assassinat et de la volonté de faire disparaître et de désintégrer totalement une forme de résistance et d’opposition.
Les logiques totalitaires sont des logiques binaires qui envisagent le monde comme deux grands camps antagonistes : le leur et celui des autres. La pensée autoritaire et totalisante estime que tout ce qui ne lui ressemble pas relève d’un autre – forcément menaçant –, et que tout ce qui est différent constitue un danger imminent ou latent qu’il est urgent d’éliminer. En réduisant la réalité à deux sphères, il s’agit en dernière instance d’effacer les différences et d’imposer une réalité unique et totale, représentée par le noyau dur du pouvoir : l’État.
L’analyse du camp de concentration en tant qu’instrument répressif peut nous fournir une clé pour comprendre les particularités d’un pouvoir qui a imprégné tout le tissu social et qui ne peut pas avoir disparu. Si le pouvoir s’est leurré en pensant pouvoir faire disparaître les éléments perturbateurs, il est tout aussi illusoire pour la société civile de vouloir croire que ce pouvoir de disparition puisse disparaître, par quelque coup de baguette magique.
institution totale, comme un mécanisme de déshumanisation des victimes et des bourreaux, comme un dispositif bureaucratisé dans lequel, sans que leur responsabilité soit remise en cause, les répresseurs sont aussi des hommes ordinaires
Parler de victime innocente, comme si elle était plus victime que la victime militante, par exemple, n’est qu’une façon de renforcer l’idée que, effectivement, on ne doit pas résister au pouvoir
Le simple fait de se savoir un simple rouage d’un immense engrenage créait chez eux un sentiment d'impuissance qui décourageait les très rares résistances, et renforçait le sens de non-responsabilité. Les mécanismes visant à dépouiller les victimes de leurs attributs humains facilitaient l'exécution mécanique et routinière des ordres.
Le pouvoir s'est servi de son droit arbitraire de mort pour disséminer la terreur sociale, discipliner, contrôler et réguler une société trop diverse et divisée pour lui permettre de régner sans partage.
Parler de victime innocente, comme si elle était plus innocente que la victime militante, par exemple, n’est qu’une façon de renforcer l’idée que, effectivement, on ne doit pas résister au pouvoir.
Tout le dispositif des camps était conçu pour subdiviser et segmenter les procédures d'ensemble, pour faire en sorte qu'au bout du compte, personne n’ait l'impression d'être responsable.
Il n'y a pas de pouvoir sans répression, mais au-delà de ce constat, on pourrait dire que la répression est l'âme même du pouvoir.