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4.05/5 (sur 42 notes)

Né(e) : 1979
Biographie :

Né en 1979. Dramaturge et metteur en scène, Pierre Terzian signe avec Crevasse son premier roman, il vit entre la France et le Québec.

Source : www.lekti-ecriture.com
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Bibliographie de Pierre Terzian   (6)Voir plus

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Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
-Zoé, est-ce qu’on a le droit de crier à la garderie?
-C’est pas moi qui a crié. C’est ma tête.

(Zoé, consigne)
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– Nous avons été coupés par la Ministère. Nous n’avons plus de accounting pour le moment.
– Comptable.
– Oui… Dézoulé, it’s absolute chaos right now. –
C’est pas grave.
– Mais tu seras payé, don’t worry. Est-ce que tu es prévenu pour le bilingual daycare, Pierre ?
– Ah ? C’est bilingue ?
– Yes, of course. Do you… speak english ?
– A litteul…
– A little ?
– Bit. A litteul bit.
Un silence. Rebecca hausse les sourcils, découragée.
– Tu peux parler le français si tu incommodes, les enfants peuvent switcher. Ça fait longue temps que tu travailles comme un remplaçant, Pierre ?
– Non. Pas du tout. C’est mon premier jour.
Nouveau silence. Rebecca écarquille les yeux, et se fige.
– Ta première jour ? Ever ? And they send you here ?
– Oui, pourquoi ?
– Because… it’s fucking hell !
Elle rit à gorge déployée. Un rire de Nord-Américaine. Une explosion dans le couloir. La chevelure rousse qui frissonne et tout et tout.
– My gosh, j’ai la pression qu’ils envoient ici toutes leurs nouveaux pour voir s’ils sont queupables. You know… « If you can make it here, you can make it anywhere… »
Des années de rires frénétiques et d’emmerdements. Rebecca a la quarantaine, une voix nasillarde de chanteuse country, petite, avec une grosse tête à tignasse, une taille de guêpe et des fesses très larges. On dirait qu’elle a été assemblée au hasard, par un enfant de la garderie, comme une Madame Patate.
Elle ramasse une botte rouge qui traîne et la met dans le casier de « JULIETTE ». Ça sent le pâté chinois, le hachis parmentier québecois, avec du maïs dedans. Le détergent, aussi. Le café filtre. Moi je me sens grand et mou, à la suivre dans le couloir comme Averell. Intrus. Naïf. Nouveau. C’est ça, la réalité du remplaçant : tu seras toujours nouveau, tout le temps, partout. Ce sera toujours ta première journée, à ta nouvelle job, comme ils disent.
Soudain, Rebecca s’arrête devant une grande vitre. Un tableau animé. Ultra coloré. Lumineux. Le voici : le local. Mon bocal. Des plantes, du sable, de l’eau, des livres, des maracas, des matelas bleus, de la pâte à modeler, des costumes brillants, des blocs de bois, des petites chaises, des petites maisons, des petits ustensiles et, propulsés par une force surnaturelle, des petits corps, aléatoires, exponentiels, une houle de cheveux, de doigts, de morve, DES ENFANTS PARTOUT.
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C'est pas si pire, finalement. C'est même le fun, parfois. J'aime les enfants. L'enfer, c'est les adultes. Les enfants, d'où qu'ils viennent, sont des enfants. Les adultes, d'où qu'ils viennent, sont comme moi. Consommateurs moroses, citoyens désespérés.
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J’aime quand tu m’appelles Pierre, Gaëtan. Et j’aime quand tu me dis « bon matin ». On n’a pas ça chez nous, « bon matin ». C’est pour ça qu’on a des matins de merde. La bonne humeur québecoise, c’est quelque chose. C’est bien plus qu’une curiosité touristique. C’est un impératif moral, quasi religieux, un truc de pionnier. « Le cœur vaillant et débonnaire de notre peuple » m’a dit le daron de ma blonde, la première fois que je l’ai rencontré. Ça fout la pression. Tu te sens tout petit tout laid avec ta grosse massue plaintive. Souvent je me paie le soupir-massue, celui qui me caresse le plexus, qui m’aide à me sentir en vie. Quand y a plus de beurre, quand le recyclage déborde. Raaaa. Je jette mon grand vent froid sur la cuisine et ses habitants. Ma femme, ça la révolte. Elle me demande si je viens d’apprendre que j’ai le cancer. Elle veut me faire mal, la bitch. Elle trouve ça laid. Elle a pas tort. Faut tenir debout, question de culture. Avec leur « Bon matin », c’est radical, t’as l’impression de mettre le pied dans une comédie musicale. Tout devient rose et vert pastel et les décors se mettent à bouger.
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Ce matin, à Pointe-Saint-Charles, nous faisons une chaîne humaine. Les Québecois sont très chaîne humaine en ce moment, parce que Couillard, leur premier ministre, qui a pourtant un nom plutôt sympa, a décidé de couper dans le gras. Austérité mon amour, c’est les éducatrices qui trinquent.
ICI L’AUSTERITÉ NE PASSERA PAS
Elles ont fait une grosse banderole. Quelques parents et leurs enfants sont avec nous. À peu près trente sur le trottoir. À se donner la main. Exhalant de la brume scintillante. Des petits sauts réguliers pour garder les orteils en vie. Il fait moins dix-huit. Chaque bouffée d’air me perce la truffe noire qui me sert de poumon. Le ciel est un œil d’husky.
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Nos espaces sont neutralisés.
Se neutralisent eux-mêmes par la profusion des dires.
Nous rêvons un rêve concret.
Hors pixel.
Mais pas d’espace pour l’animer.
Nous sommes comme vous.
Orphelins du sens de la vie.
Mus par des énergies fossiles.
Nous ne voulons pas être vous.
Mais nous ne voulons pas être nous.
Nous nous contestons.
Nous détestons.
Le saviez-vous ?
Vous détestez-vous également ?
Parfois ?
Vous arrive-t-il de vous détester ?
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Lauren est forte. Elle s’en bat les couilles. Comme on dit. Elle me fascine. J’essaie de ne pas trop le montrer, mais je bois ses paroles comme un petit chevreuil au ruisseau. Elle parle sans chuchoter. Sans craindre que les enfants se réveillent. Elle m’explique que leur programme mise sur la fierté et la créativité engendrées par la connaissance des croyances collectives traditionnelles autochtones. La personnalité de l’enfant est conçue comme partie d’un tout (conception holistique), et non une fin en soi. (…) Les enfants ronflent. Ils sont en sécurité. Lauren les protège. Lauren a confiance en l’avenir. Moi aussi. D’un coup. J’ai confiance en Lauren.
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Messieurs,
Ce Vendredi 13, vous m’avez touché en plein coeur.
Je ne m’attendais pas à souffrir autant.
Je ne me savais pas capable de souffrir autant.
Je suis un homme.
J’ai 36 ans.
je suis né aux Lilas, en France, près de Paris.
J’ai grandi à Issy-les-Moulineaux.
Une banlieue paisible, où la classe moyenne prolifère.
Quand j’étais mon meilleur ami s’appelait Karim.
Je vis aujourd’hui à Montréal.
Je suis marié à une femme de 44 ans.
Elle a un fils de 7 ans.
Je suis écrivain.
Et prof de théâtre.
J’aime le rock.
J’aime rouler en voiture.
J’aime la forêt québecoise, où j’ai construit une cabane.
J’aime manger.
J’aime regarder des films avec ma femme.
Je suis un gars simple.
Un Occidental.
Un homme impur.
Capable de souffrir.
Je souffrais beaucoup, en temps normal,
avant tout ça, mais pour des choses bénignes.
La souffrance était diluée.
Je ne me confrontais pas directement à elle.
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Depuis ce Vendredi 13, c’en est devenu terrifiant.
Tout le monde professe.
Nous entendez-vous ?
Vous contemplez-vous sur nos écrans ?
Nos forums ?
Nos moteurs de recherche ?
Je crains que oui.
Il paraît que vous mangez des hamburgers.
Que vous tweetez compulsivement.
Que vous êtes les rois de l’image.
Les Fils de la Mondialisation.
Si vous passez autant de temps qu’on le dit à surveiller
où nous en sommes à propos de vous,
vous devez l’avoir remarqué :
ici, les porcs ont repris la parole.
Ils se servent des morts.
De la fréquences des catastrophes.
Ils brassent du vent mauvais.
Remplissent les urnes de crottin chaud.
Chaque matin, les porcs donnent leur avis sur le voile.
Les ceintures d’explosifs.
Les bateaux de migrants.
C’est ce que vous vouliez ?
C’est ce qui était prévu ?
Nous plonger dans l’ignorance obscène ?
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Je m’acclimate. Par exemple, je m’habitue petit à petit aux prénoms à la con. Olivia-Juliette ? Brandon Junior ? Jean-Léon ? Logan ? Je croyais que c’était un nom de bagnole ? Ici les gens décident tout à coup de réinventer l’orthographe d’un prénom : Aimyle. Ah ? Ok. Enchanté. Moi c’est Pillaire.
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