"Ma bouche était sèche et pâteuse. J’aurais donné n’importe quoi pour boire un peu d’eau. Dire que ma cachette se trouvait juste au-dessous d’un robinet ! J’étais certain d’avoir de la fièvre. Mon front brûlait, mes tempes bourdonnaient, mon cœur tambourinait, mes jambes tremblaient et mes genoux s’entrechoquaient.
Comment pouvais-je être aussi peureux ! Je m’en voulais de ne pas mieux résister à cette épreuve. Et puis l’obscurité commençait à me jouer des tours. Si seulement j’avais fui dès le départ !
J’ai entrouvert un des battants, pour laisser passer un peu d’oxygène et de lumière. J’ai senti qu’il butait contre quelque chose. Mon cœur s’est de nouveau affolé.
Et le battant s’est ouvert tout grand !"
Émile Bardin était sous la douche lorsque le téléphone sonna. Il s’était levé de bonne humeur, réveillé comme chaque matin par l’odeur du café préparé par sa femme, alors que le soleil perçait déjà à travers les volets de la chambre.
- Émile, c’est pour toi. C’est le commissaire Morin.
On était début Juin. Depuis deux semaines la canicule sévissait à travers toute la France, avec un bon mois d’avance par rapport aux autres années. La chaleur se faisait particulièrement intense ces derniers jours, accaparant la une de tous les journaux locaux et nationaux.
Bardin avait pris l’habitude de se lever plus tôt, afin de profiter au maximum de la fraîcheur matinale, et éviter les longues après-midi dans la fournaise du commissariat de La Roche-sur-Yon.
Il enfila un peignoir et vint répondre au téléphone.
- C’est vous commissaire ?
Bien que la différence d’âge entre les deux hommes fut assez faible - Morin allait vers ses quarante cinq ans, Bardin vers ses trente-huit -, ils ne s’étaient jamais tutoyés.
- Je vous réveille ?
- Pas du tout, j’étais sous la douche. Que se passe-t-il ?
- Une affaire assez sordide, j’en ai bien peur. Le corps d’un étudiant du lycée Saint-Vincent, près de Montournais, à été retrouvé ce matin par un paysan, dans un fossé, tout près du lycée. D’après les premiers renseignements, le pauvre a reçu plusieurs coups de couteau dans la poitrine. Je leur ai demandé de ne pas toucher au corps avant votre arrivée. J’ai contacté le parquet, ainsi que l’identité judiciaire. Ils devraient être sur les lieux assez rapidement. J’aimerais que vous vous chargiez personnellement de cette affaire, car je suis trop occupé en ce moment. Prenez le nécessaire pour y rester quelques jours, enfin le temps qu’il faudra.
Ambroise plonge ses yeux dans les miens. Il sait qu’il n’a pas le droit de me mentir (je suis son ami !).
— Depuis, il ne se passe plus rien, je te le jure, Woof. Je pensais bien que ce trafic de biftecks était terminé. Mais avec ce que tu viens de me dire, je vois qu’il n’en est rien !
Le molosse s’affale sur la pelouse, l’air piteux. Il n’ose même plus me regarder ! Mais je n’en ai pas fini avec mes questions.
— Et les dobermans, tu sais où je peux les trouver ?
— Non, je l’ignore, Woof. Je suis sincère. Mais si je peux t’aider dans ton enquête, n’hésite pas à revenir me voir…
Mon voisin s’est fixé comme objectif de surveiller tout le quartier. Je dois dire qu’il y parvient à merveille ! Rien n’échappe à son attention.
Je colle MA TRUFFE sur le sol et balance mes longues oreilles de droite à gauche pour tenter de flairer une odeur.
NOM D’UNE SAUCISSE ! ADÈLE ! Je reconnais son parfum délicat.
Adèle est un caniche royal, c’est elle qui me transmet les ordres de mission des Services secrets canins de Pitville. Car je suis réellement agent secret !
J’ai bien cru que j’allais mourir, sans même avoir eu le temps de fêter mes dix ans. Je ne mens pas !
En revenant de l’école, un lundi soir, j’ai commencé à ressentir des douleurs atroces, dans le bas du ventre. Tellement que je me suis roulé sur la moquette, dans ma chambre, à la grande consternation de ma mère.
- Qu’est-ce qui se passe, Max !!! Où est-ce que tu as mal ?
Comme si je le savais ! J’ai toujours été nul en biologie, alors comment le deviner !
- Làààààà…
J’esquissai un vague mouvement circulaire, à droite de mon nombril. Ma mère s’est approchée et a remonté mon tee-shirt, trempé de sueur. Doucement, elle a appliqué une légère pression. Aussitôt, je me suis mis à crier de plus belle !
- Qu’est-ce qui m’arrive, maman !!! Je vais mourir, je te jure ! Ça fait trop mal !
Vous pensez que ça me fait plaisir ? Détrompez-vous! Chaque fois, c’est pareil. On m’attache à un poteau devant le restaurant afin de pouvoir me surveiller, et je patiente une éternité sans pouvoir bouger d’un poil !
Ce samedi matin, donc, n’échappe pas à la routine. Je me retrouve cloué sur place, à côté d’une poubelle et d’une boîte aux lettres.
Une vraie vie de chien !
Le pire dans ce genre de situation est de devoir subir les commentaires des gens qui s’arrêtent à ma hauteur et me caressent la caboche.
– Qu’il est beau ce chien ! Qu’est-ce que ça peut bien être comme race ? Un caniche ?
(...)
Je ne suis pas un caniche, nom d’une saucisse ! Je suis un basset hound !