Pourtant, la mort n’emporte pas si facilement un philosophe. Spinoza a soutenu que l’on meurt seulement au sens où l’on s’imagine vivre – au sens où nous croyons que vivre consiste à se mouvoir, à respirer, à avoir conscience de soi, à opérer certaines fonctions organiques, etc. Mais ce n’est pas seulement cela, vivre. C’est aussi, c’est même, essentiellement, participer d’un enchaînement éternel de causes et d’effets qui font varier à l’infini une seule et même substance. Vivre, c’est précisément s’inscrire comme une variation singulière dans cette réalité mobile et immuable, dont les articulations dépendent de règles si complexes qu’on peut les dire à la fois ordonnées et désordonnées, constantes et chaotiques.
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