La chronique de Gérard Collard - Coffret littérature française
quand il y a le feu à la maison, on ne s'occupe pas des mauvaises herbes du jardin !
L'orgueil du propriétaire n'a pas forcément besoin d'un public pour devenir un plaisir capiteux.
Le goût de la liberté rapprochait un peu les seigneurs et les nomades malgré les écarts de naissance, d'éducation et de fortune. Cette relation était différente des liens contraignants qui prévalaient entre seigneurs et serfs et qui les attachaient, chacun à leur manière, à la même terre.
Ses rêves de buveur, de duelliste et d'amoureux furent agités mais, pour lui, un rêve était comme le bruit des domestiques dans une maison, comme la rumeur des rues ou d'une caserne : une nuisance sans signification, dont on s'accommodait d'autant mieux qu'on y prêtait peu attention.
En avançant, Alexander se souvint d'une phrase que son père aimait citer : Quand le peuple est paisible, on ne voit pas par où le calme peut en sortir, et, quand il est en mouvement, on ne comprend pas par où le calme peut y rentrer.
Un malentendu complet l’opposait à ses parents à propos du pouvoir guérisseur du temps : ils pesaient en semaines ou en mois de purgatoire quand elle subissait chaque heure de veille, d’insomnie ou de sommeil cauchemardesque comme un siècle en enfer.
Seul l'immatériel peut être immortel.
la noblesse était un attribut du nom, du renom et de la lignée, ce n'était pas une caractéristique individuelle garantie. C'était plus que d'hériter d'un nez droit ou d'une fortune matérielle, la noblesse était dans l'âme avant d'être dans le sang et dans la terre.
Car la noblesse était un attribut de nom, de renom et de la lignée, ce n'était pas une caractéristique individuelle garantie. C'était plus que d'hériter d'un nez droit ou d'une fortune matérielle, la noblesse était dans l'âme avant d'être dans le sang et dans la terre. Son père répétait souvent : « La lignée est un lien ! C'est pour cela que nous sommes tenus de faire plus que mener notre petite vie comme les autres ... La faiblesse et la complaisance des individus ont coupé plus de ces liens, détruit plus de lignées, que toutes les guillotines des Français ! » Il fallait défendre le renom qui était comme l'âme vivante d'une lignée : « Comme un prêtre catholique recrée la Cène à chaque messe, nous devons, à chaque génération, porter notre nom un peu plus loin, le sauver de la médiocrité. Pour la noblesse, la défense de l'honneur du nom est – ou devrait être en tout cas – ce que le témoignage de la foi est – ou devrait être – pour le clergé. »
[...] ... En retrouvant Cara, Alexander n'avait pas totalement épuisé sa volonté de vengeance contre tous ceux qui avaient porté atteinte à son autorité. Il reprocha au lieutenant Borz de n'avoir pas au moins ramené quelques cadavres de bandits qu'il aurait pu pendre aux quatre coins de la Korvanya en guise d'avertissement. Il hésitait à propos des Valaques emprisonnés. Gestenyi n'avait pas d'illusions sur les extrémités dont le comte était capable. Il craignit un massacre criminel, et menaça ouvertement Alexander de le faire arrêter et juger pour meurtre s'il tuait un seul des prisonniers que les Grenzers avaient capturés pour lui. Alexander répondit, assez sincèrement : "Vous m'avez mal compris, commandant. Il est pourtant indubitable que je ne pourrai plus jamais faire confiance à mes serfs valaques. Et j'en tirerai encore moins de travail qu'autrefois." Les témoins de la scène restèrent persuadés que le comte Korvanyi avait été sauvé malgré lui de commettre un grand crime.
En fait, le comte Korvanyi n'avait plus besoin de faire des exemples ou de donner des avertissements : il inspirait déjà une terreur totale - et une haine profonde - chez ses serfs et bien au-delà des limites de ses propres domaines, là où la rumeur amplifiait encore sa réputation. Les serfs valaques furent libérés, emmenés aux portes du château et sommés de rentrer chez eux et de se tenir tranquilles. Seul le cas du pope restait en suspens : les services décisifs qu'il avait rendus constituaient certes une circonstance atténuante, mais le comte ne lui avait rien promis. Alexander refusait absolument un retour au statu quo ante. D'ailleurs, le pope lui-même suppliait qui voulait l'entendre qu'on lui accorde la grâce d'être emmené avec sa famille loin de la Korvanya. Le comte confia finalement le pope prisonnier à Gestenyi. ... [...]