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« C’est un homme que cette femme-là, entends-je dire sans cesse à mon oreille. Comme si mon sexe était éternellement condamné à la médiocrité, et ses ouvrages à porter toujours le cachet de sa débilité et de son antique ignorance. »
L’avis important d’une femme sur le salon de 1785 est emblématique du foisonnement d’écrits sur ce thème des années 1780 jusqu’aux années 1820. Que son auteur soit une femme et qu’elle énonce clairement, et dénonce, la négativité du meilleur compliment adressé alors à une artiste, prouve que des mutations essentielles s’opèrent à cette époque. Même si leurs effets ont tardé à faire battre en retraite des idées vieilles de plusieurs siècles, toujours vicace…
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On doit finalement se rendre à ce constat : à ne considérer les oeuvres des artistes femmes qu'à la lumière de leur statut de femme, qu'il s'agisse de démontrer comment elles en pâtirent, comment elles le transgressèrent ou comment elles le revendiquèrent, on ne fait que corroborer et maintenir les présupposés et les valeurs qui ont conduit le modèle historiographique dominant à oublier leur rôle, leur apport et leur place dans l'espace des beaux-arts entre 1780 et 1830, comment dans les importants mutations que celui-ci enregistre alors - mutations déterminantes pour la seconde moitié du XIXe siècle. Et on se prive du plaisir de contempler les oeuvres d'Henriette Lorimier, Pauline Ozou, Constance Charpentier, Marie-Éléonore Godefroid, Césarine Davin-Mirvault, Alexandrine Delaval, Isabelle Pinson, Hortense Hadebourt-Lescot, Rosalie Ducreux, Élisabeth Chaudet, Adèle Romanée, Rosalie Caron, Julie Duvidal de Montferrier, Louise-Joséphine Sarazin de Belmont et tant d'autres encore que leur siècle admira.