La vie est trop courte pour renoncer à ses rêves et se soumettre sans broncher à toute obligation.
Je l'aime d'un amour inconditionnel, étouffant parfois. À chaque fête des mères, je lui offre une robe. Une façon de la remercier d'être mon premier plus beau cadeau de la vie.
Cette année, la robe est verte.
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Un jeu pour ne pas pleurer trop tôt, pour ne pas nous rappeler notre enfance, pour ne pas penser a demain.
Un jeu pour être encore les trois petites filles de notre père.
Ne pas grandir pour ne pas voir mourir ceux qui nous ont élevés.
Comme un bébé studieux, je devais naître le jour de la rentrée des classes. Mais c'est en juin que Mathilde et Bébo eurent une petite sœur. Deux mois d'avance cette fois ci. Un kilo huit. "Et avec ceci madame?" Heureusement que Suzanne n'eut pas d'autres enfants car elle aurait fini par mettre au monde un lilliputien.
Depuis ce douze août 1979, des larmes jouaient régulièrement à l'acrobate sur le bord de ses yeux.
Parfois, elles se cassaient la gueule.
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Existe-t-il un moment opportun pour dire à ses parents que l'on est atteint d'une maladie potentiellement mortelle ? J'ai imaginé les yeux bleus de mon père embués de larmes puis ses silences. J'ai entendu les sanglots de ma mère et ses mots de réconfort maladroits. Ils ne supporteraient pas d'être amputés de nouveau, perdre un enfant comme on perd un membre. Se relever, boiter un peu, vers qui, vers quoi ? Alors, j'ai renoncé.
Je ne supporte pas le manque. L'idée même du manque m'arrache le cœur.
Après le père des jumelles, ma vie amoureuse avait été un désastre. Autant au niveau qualitatif que quantitatif. Un amant par an, soit cinq au total. La misère. Une succession de rendez-vous ratés. Des hommes trop jeunes ou trop vieux, qui ne voulaient pas s'engager ou trop vite, des mauvais coups souvent, aussi chauds et rapides que des lapins.
Je ne lui transmis rien. Je lui donnais tout.
Les secrets sont moins lourds quand on les ignore. Pourtant, ils pèsent leur poids quand on les soupçonne.
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