Maman. Encore ce mot. Chaque fois que je l'entends, le vide en moi s'agrandit. Je ne sais pas ce qu'il en est de la magie, mais les mots, en tout cas, c'est puissant.
Je n'oublierai jamais la première fois que j'ai respiré. Au bord de l'asphyxie. Le cœur dans la gorge. C'était délicieux.
Quand j'ai ouvert les yeux, j'ai été assaillie par les couleurs du monde, qui couvraient tout l'espace de teintes et d'objets dont je ne connaissais pas le nom. Trois secondes plus tard, étourdie par toutes ces perceptions sensorielles, je me suis évanouie. C'est du moins ce que m'a dit papa. Il m'a réparée, et quand je me suis réveillée la deuxième fois, le monde est devenu un endroit plus compréhensible. La chose penchée au dessus de moi était un visage, les ronds qui s'y ouvraient étaient des yeux, les gouttes de liquide tiède qui s'en échappaient étaient des larmes. Et le pli qui s'était étiré dans le bas de ce visage pendant que je le regardais, c'était un sourire.
- Tu es vivante, a dit papa.
Des heures plus tard, il le marmonne encore...
Ma nausée a cédé la place à un furieux désir de tailler en pièces le sorcier qui a enlevé, empoisonné et torturé ces filles. Je vais les sauver. Même si je dois y consacrer le reste de ma vie ...