Lire et écrire avec Marc Alexandre Oho Bambe
"Retour à Dien Bien Phù .
A la recherche d'un amour jeune et vieux " fou" .
De vingt ans.
Retour ici, en pèlerinage.
Cette fìlle est ma faille, mon alcool, ma parabole.
Et son pays, mon gouffre néant: j'y suis mort et m'y suis enterré , avec mes dernières illusions sur l'humanité , sur moi- même et sur ma propre patrie , " terre des droits de l'homme" .
C'est ainsi, ainsi qu'elle aime,
Qu'elle aime qu'on la nomme.
Je suis mort ici, en Indochine.
Avant de renaître , puis mourir encore.
Dans le regard de Maï.
Il y a vingt ans .
C'était la guerre......"
Prendre le temps, non pas de choisir, mais se laisser choisir par les mots justes. C'est seulement lorsqu'on éprouve chaque phrase, dans son corps et son coeur, qu'on sait qu'on y est. Au mitan de nous-mêmes et de nulle part, là où naît, peut-être, la littérature. Et au bout du petit matin, le monde. (p. 67)
Me réveiller
Au Mitan
De la nuit
Et te chercher
Dans le lit
Sourire
A mon envie
De sentir
Ton corps
Contre mon corps
Tout contre
La tendresse
Qui nous lie
Pour la vie
Tu me manques chérie
Je n'ai jamais su dire ces mots à Maisha.
Ni les autres, d'ailleurs.
Alors j'en ai fait des musiques, un album portant son prénom.
Et mon empreinte, ma trompette, mes solos, inachevés.
La vie et la musique se confondent parfois.
Ma vie et ma musique, toujours.
Pour le meilleur.
Ou le pire.
A la recherche de moi-même, j'avais trouvé Maï Lan. Frêle et mystérieuse jeune femme, qui allait s'éprendre d'un soldat en guerre contre son pays.
et contre lui-même.
Il y a des êtres qu'on rencontre trop tard pour ne pas les aimer.
Maï Lan. (p. 10)
Nous partagions le même sens poussé de notre devoir de journalistes, notre devoir d'informer, notre devoir de décrypter la complexité du monde et d'en rendre compte.
Ce furent de belles années
De combat et d'amitié.
De rêves et d'espoirs de changement
j'écrivais, j'écrivais, j'écrivais. (...)
Des mots de résistance et d'espérance.
En hommage à un ami.
Bel ami auquel je pense toujours, frère auquel je pense tout le temps, à chaque fois que je relis Char, dont il ne s'est pas relevé. Char, dont on ne se relève pas.
Résistance n'est qu'espérance. (p. 198)
Ma musique devint enveloppement, ruban de soie.
Mon jazz n'était plus mon jazz, il était à toutes et à tous accueillis à l'endroit de l'être et de l'étant.
Dès lors mon jazz toucha les étoiles, coula fleuve, devint ciel.
Effluve d'automne et de printemps, d'hiver et d'été, enlacement d'ombres et clartés, chavirement de l'espace et du temps, mon jazz n'était plus mon jazz.
Il n'y avait plus de 'je entre le jeu et l'enjeu' comme disait Al, il n'y avait plus d'enjeu, il n'y avait même plus de jeu.
Je ne jouais pas, je ne jouais plus.
J'étais musique.
Et mon jazz était.
Energie de vie, en partage.
Eloge et élégante élégie.
De l'amour et du silence.
Conversation avec Léa
- Qu'ont-ils fait, Papa ? m'a demandé Léa.
- Rien mon cœur, rien, ils n'ont rien fait, à part entrer en France sans visa.
- C'est quoi un visa ?
Comment répondre à ma fille ?
Comment lui dire que la vie est ainsi faite. Mal, parfois.
Comment lui dire que survivre est l'oeuvre de l'Homme.
Sans papiers.
Survivre à la persécution, à l'Odyssée, survivre, aux dures lois de la nature, la colère des mers et la cupidité des hommes.
Survivre est l'oeuvre de l'Homme. Sans papiers.
Survivre aux contrôles au faciès, aux camps de rétention, à la xénophobie, au racisme, à la haine et, pis que tout, à l'indifférence.
Survivre est est l'oeuvre de l'Homme.
Sans papiers.
Survivre est l'oeuvre de l'Homme.
Migrant.
Nomade.
Et des autres hommes, aussi. Parfois.
On survit barricadé derrière notre confort, nos habitudes,
et de temps en temps on ose embrasser ce qui nous dépasse, on s'engage.
Un peu, beaucoup, passionnément.
On s'engage car certaines révoltes sont vitales,
elles préservent le cœur de l'indifférence et aident à répondre
à une fille de six ans et demi.
Tout avait si bien commencé, mais.
L'acte d'aimer nous sépare de la solitude, nous répare du vide absolu. (p. 94)
Nous ne faisons, toute la vie, que naître et renaître.
C'est à dire recommencer à être, nous et d'autres, jusqu'à n'être plus que nous-mêmes.
Cela dit, certaines, certains naissent le jour même de leur naissance. Ma fille, en fait partie.
D'autres, comme moi, naissent plus tard, à eux-mêmes et aux autres aussi.
C'est ainsi.
La vie.