Le temps consacré aux échanges et à l'amitié n'est jamais perdu
il n'existe pas de mots pour exprimer sa compassion, seulement des formules toutes faites, auxquelles Violette ne s'est pas résolue.
Il en est ainsi des souvenirs d'amour, ils sont tellement puissants qu'ils peuvent éclairer toute une vie.
- La musique est le sourire de Dieu, c'est le lien qui réunit le ciel à la terre, murmure enfin Natacha.
Marie, qui rangeait du linge dans la pièce à côté, apparaît dans l'encadrement de la porte, le coeur partagé entre la joie et l'inquiétude. Romane ne s'emballe-t-elle pas trop vite ? Un si beau parti ! Pour une demoiselle belle sans doute, mais sans le sou et dont la famille porte l'héritage d'un assassin. Pourtant, elle n'ose formuler ses craintes. Elle n'a pas le courage de voir changer la couleur des yeux de sa fille. Cherchant en vain des mots pour lui exprimer son bonheur de la voir heureuse, elle finit par sortir une banalité.
- Il m'a fait bonne impression, ce jeune homme.
Le malheur réunit parfois plus que le bonheur.
La semaine est passée comme un éclair. Le temps s'écoule trop vite. Le temps qui ne s'arrête jamais. Le temps qui sépare ceux qui s'aiment.Le temps qui marque les visages, fait blanchir les cheveux, et rappelle que tout, en ce monde , meurt. Le temps, l'obsession de Sacha Aubanel. Et là, précisément, il aurait aimé qu'il s'arrête un peu, ce temps. Juste le temps de partager des moments rares avec Raffaele. Des après-midi lumineux comme le ciel de Menton.
À soixante-treize ans, elle pense encore à l’homme qu’elle a follement aimé. Un homme qui n’était pas André. Un homme qui lui avait donné sa parole, et puis l’avait reprise. C’est ce jour-là que tous les sentiments d’Hélène s’étaient chargés de méchanceté. Et si ce constat la navre parfois, la plupart du temps elle éprouve une certaine jouissance à faire souffrir ses proches. Car si matériellement elle a réussi, en revanche, le désert de son cœur a desséché tout son être et, depuis, elle se venge.
Bertin n’est pas si délicat. Il n’est pas mauvais homme mais elle est bien obligée de reconnaître qu’à part au lit il n’a pas d’attentions pour elle. D’ailleurs, chez eux, ça n’existe pas. On ne montre pas ses sentiments. Ils restent cachés et s’effritent un peu vite, gâchés par les labeurs et une pudeur venue de très loin. Cependant, elle garde ses pensées pour elle. Il serait indécent de les livrer à Zacharie. Celui-ci lui attrape le menton, l’obligeant ainsi à le regarder dans les yeux. Ce qu’il y voit le transporte. C’est de l’amour pur ou il ne s’y connaît pas. De l’amour teinté de tristesse. Elle ne sera jamais à lui. Elle est bien trop droite et fidèle. Pourtant, elle doit savoir. — Violette, je vous aime. Ce n’est pas une amourette, je vous assure. Mais je vous respecte car vous n’êtes pas libre. Alors parlons d’amitié ou d’amour courtois. Je saurai m’en contenter. Je suis un romantique. — Amour courtois ? Il sourit, découvrant ses dents du bonheur, et Violette se sent fondre. Comme il serait bon de se caler dans ses bras ! — C’est un terme du Moyen Age. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un amour pratiqué avec courtoisie et respect. — Bref, un amour impossible, tranche la jeune femme.
Quand on éprouve des sentiments pur une personne, on a envie de passer du temps avec elle envers et contre tout. C'est logique et dans l'ordre des choses.