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Citations de Léo Ferré (163)


Léo Ferré
C’est à trop voir les êtres sous leur vraie lumière qu’un jour ou l’autre nous prend l’envie de les larguer. La lucidité est un exil construit, une porte de secours, le vestiaire de l’intelligence. C’en est aussi une maladie qui nous mène à la solitude."
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Léo Ferré
Le bonheur ça n'est pas grand-chose...
C'est du chagrin qui se repose
Alors
Il ne faut pas le réveiller

https://www.paroles-musique.com/paroles-Leo_Ferre-Le_Bonheur-lyrics,p11215
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Léo Ferré
T' es toute nue sous ton pull, y'a la rue qu' est maboule, jolie môme
T' as ton cœur à ton cou et l' bonheur par en d'ssous, jolie môme
T' as l' rimmel qui fout l' camp, c'est l' dégel des amants, jolie môme
Ta prairie, ça sent bon, fais-en don aux amis, jolie môme

T' es qu'un' fleur du printemps qui s' fout d' l'heure et du temps
T' es qu'un' rose éclatée que l'on pose à côté, jolie môme
T' es qu'un brin de soleil dans l' chagrin du réveil
T' es qu'un' vamp qu'on éteint comme une lampe au matin, jolie môme

Tes baisers sont pointus comme un accent aigu, jolie môme
Tes p'tits seins sont du jour, à la coque, à l'amour, jolie môme
Ta barrière de frou-frous, faut s' la faire mais c'est doux, jolie môme
Ta violette est l' violon qu'on violente et c'est bon, jolie môme

T' es qu'une fleur de passe- temps qui s' fout d' l'heure et du temps
T' es qu'une étoile d'amour qu'on entoile aux beaux jours, jolie môme
T' es qu'un point sur les " i " du chagrin, de la vie
Et qu'une chose de la vie qu'on arrose, qu'on oublie, jolie môme

T' as qu'une paire de mirettes au poker des conquêtes, jolie môme
T' as qu'une rime au bonheur, faut qu' ça rime ou qu' ça pleure, jolie môme
T' as qu'une source au milieu qu' éclabousse du Bon Dieu, jolie môme
T' as qu'une porte en voile blanc que l'on pousse en chantant, jolie môme

T' es qu'une pauvre petite fleur qu'on guimauve et qui meurt
T' es qu'une femme à r'passer quand son âme est froissée, jolie môme
T' es qu'un' feuille de l'automne qu'on effeuille, monotone
T' es qu'une joie en allée, viens chez moi la r'trouver, jolie môme

T' es toute nue sous ton pull, y'a la rue qu' est maboule, JOLIE MôME
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Léo Ferré
Je suis gentil avec tout le monde, celui qui dit le contraire je lui foutrai mon poing dans la gueule…
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Léo Ferré
C'est un désespoir qui n'a pas les moyens, la mélancolie.
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Léo Ferré
Ce n'est pas le mot qui fait la poésie mais la poésie qui illustre le mot.
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Léo Ferré
La mélancolie, c'est sous la blessure, voir passer le temps.
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Léo Ferré
Lettre à la mer.

En Bretagne, le 20 août 1957

J'ai vite fait cette nuit, avec la route qui m'arrivait dans les yeux comme un ciné d'asphalte, j'ai vite fait pour te revoir. L'Aube n'en finissait pas de baîller dans son plumard d'ouate fusain et cette radio allemande qui essorait sur mister Hertz la musique du plan Marschall ! C'était Francfort, je crois, où tu n'es jamais allée, ni moi non plus. Entre deux cris de saxophone j'imaginais Paul Valéry et ses oeillades à ton museau d'éternité, je pensais aussi à la philosophie perverse du homard réclamant son visa pour l'Amérique et se délestant subito de sa carcasse pour finir tout mou et minable dans une gueule à la française. Vrai, la mue de ce pauvre homard dans ce casier, l'année dernière, entre deux gammes, ça n'est pas une des moindres de mes découvertes, sous tes jupons de varech, quand tu foutais le camp là-bas reprendre un peu de sang à la lune... Tu es une galvaudeuse, la mer, et je t'adore.

Moi, je suis né sur ta cousine, la Méditerranée, tranquille, souriante, avec l'accent aussi, bleue certes, plus souvent que toi puisqu'on la teint, à ce qu'on m'a dit, pour les touristes, chaque été...sans doute des combines à syndicats d'initiative ! Bref, ta cousine fait le tapin pour le baccara, on l'a muselée, ce sont les galets qui la retiennent, le sable il y a belle lurette qu'il s'en fout, il traîne à Juan-les-Pins sous le cul des demoiselles. Minable, je te dis, la Méditerranée. Ils ne sont même pas arrivés à en faire une opérette potable. Toi, tu as fait la croche à Debussy...Il est vrai qu'il avait un sacré talent !

Quand j'ai débarqué ce matin tu n'étais pas là, sans doute ton rancard lunaire. Il y avait bien tes cheveux qui traînaient, encore tout mouillés de la nuit, mais ton admirable tête d'écume loin de mes mains toutes sèches des villes farfouillait l'horizon de je ne sais quelle hâte à recoudre des draps de coutil bleu lavasse. Que tu es mystérieuse, la mer ! Où pars-tu loin de moi quand j'arrive tout gris d'essence. Vas-tu regonfler de ton sel quelque baleine danaïde ou te perds-tu en conjectures langoustines ? ... Joues-tu avec ces bateaux riches jusqu'à les démâter ou peut-être cajoles-tu le mousse en lui remplissant la mémoire de sardines hors commerce ! Les rocs jaloux te crachent à la figure et toi tu les lapes d'un coup en les laissant debout dans leur connerie de granit pendant que tu ravales ta vague travailleuse. Tu les pompes, les rocs, tu les écorches pour te broder la dentelle où tu dors le soir avec tes chevaux de marée haute ! Tes chevaux ! parlons-en, ils hennissent à m'en faire perdre toute la musique. Sur tes tringles de rocailles il fait beau les voir dans leurs galops d'équinoxe éructant tes baves d'outre-tombe et broutant les esquifs guignols. " Les chevaux de la mer ne traînent qu'une idée". Tu peux rajouter cette couronne au cimetière marin... ça ne me fera pas faute. La métaphysique, tu le sais, ne fait pas le poids

Tous ces noyés en puissance et qu'on appelle les estivants que font-ils donc avec leur oeillères-chaises-longues ? C'est toi le spectacle et ils sont sur la scène, nègres saisonniers à tirer la couverture, pendant que "tu leur sers la soupe" et des souvenirs de café du commerce. Que tu es bonne, la mer, d'exister pour ceux qui ne te voient jamais! Les jouets en caoutchouc, les petits seaux et les petites pelles, les bouées dites de "sauvetage" aussi peut-être, tout cet attirail impersonnel, te rendent bien plus hommage dans leur candeur inhumaine que le vieux monsieur ventre à l'air, le goujat, qui t'arrime dans ses jumelles ou que la pin-up qui te brasse vers les midis quand tu es repue, calme et désolée. L'idée que je me fais de toi, vois-tu, est d'une autre planète pour ne pas dire d'une autre qualité...

Lorsqu'il m'arrive de parler aux hommes avec un parti pris de sincérité, tiens-toi bien, je dis que je ne t'aime pas, que tu me fais peur, que je t'ai entrevue par hasard au cinéma où à Deauville, quand tu es de service, bref ça fait toujours son petit effet et l'on me demande pourquoi ? avec l'à-propos de gentillesse qui caractérise les "bonnes" relations. Tiens, il n'aime pas la mer, ce petit ! eh bien on va lui demander de s'expliquer... Alors, du tac au tac je leur réponds : " parce que j'ai le même mal qu'elle". Et ils rient à cordes cassées, ah ! ah ! "le mal de mer, le mal de mer..." Ils ne savent pas ce que c'est le mal de vivre, ces imbéciles, pas vrai, la mer ? Ils ne savent pas ce que nous savons tous les deux depuis que l'on sait quelque chose dans cet univers glacé : la certitude que nous ne savons rien, et tu le sais tellement bien toi, que l'idée même d'être la mer te fait continuer à être la mer...
un peu comme moi : l'idée que je suis un homme me fait continuer à être un homme. Moi qui te pense, me dirais-tu, moi qui t'invente et qui te nomme, je pourrai peut-être me bousculer et aller voir ce qu'il y a derrière !
Tu ne peux pas t'acheter un browning pour en finir une fois pour toutes avec tes ressacs et tout le tremblement, moi oui... je peux m'acheter un browning, mais je ne le fais pas parce que j'ai peur, et surtout parce que je suis heureux dans ce que je fais, parce que je ne m'ennuie que lorsque je t'écris, ce n'est pas de l'ennui, non, c'est de la tristesse, parce qu'il faut que je t'écrive une lettre qui composera mon livre qui n'est pas encore composé, parce qu'il ne faut pas que je meure avant d'avoir fini ce que j'entreprends aujourd'hui avec toi et avant même d'avoir écrit beaucoup d'autres choses, avant d'avoir encore fumé des Celtiques à m'en arracher les éponges, pas les mêmes que toi, moi je respire avec, toi tu commerces..., avant d'avoir mangé des kilos et des kilos de spaghettis à l'italienne, expressément cuisinés par mon Amour, chez moi dans ma maison, parce que j'aime la vie et que le mal de vivre, dont je t'ai touché une bribe tout à l'heure, n'est qu'une manie littéraire et que la littérature y'en a marre comme on dit à l'Académie Française.

Vois-tu la Mer, tout ce qu'on a entrepris sur ton dos, depuis que les "artistes" t'ont fait CONCEPT, me donne la nausée car il y traîne toujours quelque malversation poético-commerciale qui rend ta beauté monocorde et inutile. Au fond, tu n'es qu'un ciel mouillé, comme mes yeux, quand je pense à toi sans te mettre sur une carte postale ou dans une symphonie, mais en t'aimant, ce matin, de retour des villes où ça sent l'homme, tout seul dans un coin de la plage, et lisant avidement le calendrier des marées, seule philosophie que je te concède.

A demain la Mer, dans tes bras.
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Léo Ferré
Vous n'avez réclamé la gloire, ni les larmes
Ni l'orgue, ni la prière aux agonisants
11 ans déjà, que cela passe vite 11 ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos "morts pour la France"
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
"Bonheur à tous, bonheur à ceux qui vont survivre"
"Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand"
Adieu la peine et le plaisir, adieu les roses
Adieu la vie, adieu la lumière et le vent
Marie-toi, sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée, ô mon amour, mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant
Ils étaient 20 et 3 quand les fusils fleurirent
20 et 3 qui donnaient leurs cœurs avant le temps
20 et 3 étrangers et nos frères pourtant
20 et 3 amoureux de vivre à en mourir
20 et 3 qui criaient la France en s'abattant
Ah-ah
Ah-ah
Ah-ah

L'Affiche Rouge (Paroles & Musique: Aragon/Ferré)
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Léo Ferré
C'est à trop voir les êtres sous leur vraie lumière qu'un jour ou l'autre nous prend l'envie de les larguer. La lucidité est un exil construit, une porte de secours, le vestiaire de l'intelligence. C'en est aussi une maladie qui nous mène à la solitude.
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Léo Ferré
L'Art est une prison sans barreaux dont on ne s'évade point : le spleen est un geôlier, la douleur un brouet de larmes, la technique des fers de dentelle.
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Léo Ferré
Une rob’ de cuir comme un fuseau
Qu’aurait du chien sans l’ fair’ exprès
Et dedans comme un matelot
Une fill’ qui tangue un air anglais
C’est extra
Les moody blues qui chante(nt) la nuit
Comm’ un satin de blanc marié
Et dans le port de cette nuit
Un’ fill’ qui tangue et vient mouiller

C’est extra, C’est extra, C’est extra, C’est extra

Des cheveux qui tomb’nt comm’ le soir
Et d’ la musique en bas des reins
Ce jazz qui d’jazze dans le soir
Et ce mal qui nous fait du bien
C’est extra
Ces mains qui jouent de l’arc-en-ciel
Sur la guitare de la vie
Et puis ces cris qui mont’nt au ciel
Comme une cigarett’ qui prie

C’est extra, C’est extra, C’est extra, C’est extra

Ces bas qui tiennent haut perchés
Comme les cordes d’un violon
Et cette chair que vient troubler
L’archet qui coule ma chanson
C’est extra
Et sous le voile à peine clos
Cette touffe de noir Jésus
Qui ruisselle dans son berceau
Comme un nageur qu’on n’attend plus

C’est extra, C’est extra, C’est extra, C’est extra

Un’ rob’ de cuir comme un oubli
Qu’aurait du chien sans l’ faire exprès
Et dedans comme un matin gris
Un’ fille qui tangue et qui se tait
C’est extra
Les moody blues qui s’en balancent
Cet ampli qui n’ veut plus rien dire
Et dans la musique du silence
Une fill’ qui tangue et vient mourir

C’est extra, C’est extra, C’est extra, C’est extra
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Léo Ferré
L'oppression

Ces mains bonnes à tout même à tenir des armes
Dans ces rues que les hommes ont tracées pour ton bien
Ces rivages perdus vers lesquels tu t'acharnes
Où tu veux aborder
Et pour t'en empêcher
Les mains de l'oppression

Regarde-la gémir sur la gueule des gens
Avec les yeux fardés d'horaires et de rêves
Regarde-là se taire aux gorges du printemps
Avec les mains trahies par la faim qui se lève

Ces yeux qui te regardent et la nuit et le jour
Et que l'on dit braqués sur les chiffres et la haine
Ces choses défendues vers lesquelles tu te traînes
Et qui seront à toi
Lorsque tu fermeras
Les yeux de l'oppression

Regarde-la pointer son sourire indécent
Sur la censure apprise et qui va à la messe
Regarde-la jouir dans ce jouet d'enfant
Et qui tue des fantômes en perdant ta jeunesse

Ces lois qui t'embarrassent au point de les nier
Dans les couloirs glacés de la nuit conseillère
Et l'Amour qui se lève à l'Université
Et qui t'envahira
Lorsque tu casseras
Les lois de l'oppression

Regarde-la flâner dans l'œil de tes copains
Sous le couvert joyeux de soleils fraternels
Regarde-la glisser peu à peu dans leurs mains
Qui formeront des poings
Dès qu'ils auront atteint
L'âge de l'oppression

Ces yeux qui te regardent et la nuit et le jour
Et que l'on dit braqués sur les chiffres et la haine
Ces choses défendues vers lesquelles tu te traînes
Et qui seront à toi
Lorsque tu fermeras
Les yeux de l'oppression
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Léo Ferré
Madame la misère.

Madame la misère écoutez le vacarme
Que font vos gens le dos voûté la langue au pas
Quand ils sont assoiffés ils se soûlent de larmes
Quand ils ne pleurent plus ils crèvent sous le charme
De la nature et des gravats

Ce sont des suppliciés au ventre translucide
Qui vont sans foi ni loi comme on le dit parfois
Régler son compte à Monseigneur Éphéméride
Qui a pris leur jeunesse et l'a mise en ses rides
Quand il ne leur restait que ça

Madame la misère écoutez le tumulte
Qui monte des bas-fonds comme un dernier convoi
Traînant des mots d'amour avalant les insultes
Et prenant par la main leurs colères adultes
Afin de ne les perdre pas

Ce sont des enragés qui dérangent l'histoire
Et qui mettent du sang sur les chiffres parfois
Comme si l'on devait toucher du doigt pour croire
Qu'un peuple heureux rotant tout seul dans sa mangeoire
Vaut bien une tête de roi

Madame la misère écoutez le silence
Qui entoure le lit défait des magistrats
Le code de la peur se rime avec potence
Il suffit de trouver quelques pendus d'avance
Et mon dieu ça ne manque pas.
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Léo Ferré
Le bonheur c'est pas grand chose, c'est juste du chagrin qui se repose.

>> https://www.facebook.com/Hexatrone (France Culture)
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Léo Ferré
L'école de la poésie - Léo Ferré

La poésie contemporaine ne chante plus, elle rampe
Elle a cependant le privilège de la distinction
Elle ne fréquente pas les mots mal famés, elle les ignore
On ne prend les mots qu´avec des gants
À menstruel, on préfère périodique
Et l´on va répétant qu´il est des termes médicaux qui ne doivent pas sortir des laboratoires et du codex

Le snobisme scolaire qui consiste, en poésie, à n´employer que certains mots déterminés, à la priver de certains autres, qu´ils soient techniques, médicaux, populaires ou argotiques, me fait penser au prestige du rince-doigts et du baise-main
Ce n´est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baise-main qui fait la tendresse
Ce n´est pas le mot qui fait la poésie mais la poésie qui illustre le mot
Les écrivains qui ont recours à leurs doigts pour savoir s´ils ont leur compte de pieds ne sont pas des poètes, ce sont des dactylographes

Le poète d´aujourd´hui doit être d´une caste, d´un parti ou du Tout-Paris
Le poète qui ne se soumet pas est un homme mutilé

La poésie est une clameur
Elle doit être entendue comme la musique
Toute poésie destinée à n´être que lue et enfermée dans sa typographie n´est pas finie
Elle ne prend son sexe qu´avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l´archet qui le touche



L´embrigadement est un signe des temps, de notre temps
Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes
Les sociétés littéraires, c´est encore la société
La pensée mise en commun est une pensée commune

Mozart est mort seul, accompagné à la fosse commune par un chien et des fantômes
Renoir avait les doigts crochus de rhumatisme
Ravel avait dans la tête une tumeur qui lui suça d´un coup toute sa musique
Beethoven était sourd
Il fallut quêter pour enterrer Bela Bartok
Rutebeuf avait faim
Villon volait pour manger
Tout le monde s´en fout!
L´art n´est pas un bureau d´anthropométrie
La lumière ne se fait que sur les tombes

Nous vivons une époque épique
Et nous n´avons plus rien d´épique
La musique se vend comme le savon à barbe
Pour que le désespoir même se vende, il ne reste qu´à en trouver la formule
Tout est prêt : les capitaux, la publicité, la clientèle
Qui donc inventera le désespoir?

Avec nos avions qui dament le pion au soleil
Avec nos magnétophones qui se souviennent de ces voix qui se sont tues
Avec nos âmes en rades au milieu des rues
Nous sommes au bord du vide, ficelés dans nos paquets de viande, à regarder passer les révolutions

N´oubliez jamais que ce qu´il y a d´encombrant dans la morale, c´est que c´est toujours la morale des autres

Les plus beaux chants sont des chants de revendication

Le vers doit faire l´amour dans la tête des populations
À l´école de la poésie, on n´apprend pas!
On se bat!
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Léo Ferré
Sans boussole et sans voile
Avec toi pour étoile...

( " Les gares et les ports")
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Léo Ferré
Avec le temps
Avec le temps, va, tout s'en va
On oublie le visage et l'on oublie la voix
Le cœur, quand ça bat plus, c'est pas la peine d'aller
Chercher plus loin, faut laisser faire et c'est très bien

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s'en va
L'autre qu'on adorait, qu'on cherchait sous la pluie
L'autre qu'on devinait au détour d'un regard
Entre les mots, entre les lignes et sous le fard
D'un serment maquillé qui s'en va faire sa nuit
Avec le temps tout s'évanouit

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s'en va
Même les plus chouettes souvenirs, ça, t'as une de ces gueules
A la galerie j'farfouille dans les rayons d'la mort
Le samedi soir quand la tendresse s'en va toute seule

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s'en va
L'autre à qui l'on croyait pour un rhume, pour un rien
L'autre à qui l'on donnait du vent et des bijoux
Pour qui l'on eût vendu son âme pour quelques sous
Devant quoi l'on s'traînait comme traînent les chiens
Avec le temps, va, tout va bien

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s'en va
On oublie les passions et l'on oublie les voix
Qui vous disaient tout bas les mots des pauvres gens
Ne rentre pas trop tard, surtout ne prends pas froid

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s'en va
Et l'on se sent blanchi comme un cheval fourbu
Et l'on se sent glacé dans un lit de hasard
Et l'on se sent tout seul peut-être mais peinard
Et l'on se sent floué par les années perdues, alors vraiment
Avec le temps on n'aime plus

"Avec le temps"
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J'ai bu du Waterman et j'ai bouffé Littré
Et je repousse du goulot de la syntaxe
À faire se pâmer les précieux à l'arrêt
La phrase m'a poussé au ventre comme un axe
J'ai fait un bail de trois-six-neuf aux adjectifs
Qui viennent se dorer le mou à ma lanterne
Et j'ai joué au casino les subjonctifs
La chemise à Claudel et les cons dits "modernes"

"Poète vos papiers" extrait
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Léo Ferré
La violence et l'ennui.

Nous d'une autre trempée et d'une singulière extase
Nous de l'Épique et de la Déraison
Nous des fausses années Nous des filles barrées
Nous de l'autre côté de la terre et des phrases
Nous des marges Nous des routes Nous des bordels intelligents

O ma sœur la Violence nous sommes tes enfants
Les pavés se retournent et poussent en dedans

J'ai l'impression démocratique qui me fait des rougeurs
A l'extrême côté du cœur et des entrailles
J'entends par là mes tripes à la mode de Mai

JE VOUS COMMANDE D'ÊTRE BREFS ET COUILLOSIFS

J'ai le sentiment bref de ceux qui vont mourir
Et je ne meurs jamais à moins que à moins que
Je sais des assassins qui n'ont pas de victime
Qui s'en vont faire la queue pour voir le sang d'écran
Et cette pellicule objective qui pellicule sur le vif

Surtout ne pleure pas
Les larmes c'est le vin des couillons

Moi je ne pleure plus
Et je le dis bien haut bien tendre aussi et bien à l'aise;
Crevez-leur le paquet qu'ils portent sur leurs quilles!
Marx était un "hippie"
C'est pas comme en dix-sept, à la consigne
Dans cette Russie rouge à la lénifaction
... Et personne jamais n'a été réclamer ce barbu Stalingradé...
Quand je vois un stalinien je change à Stalingrad
Je sais des assassins qui ont le cran d'arrêt
Et qui sont beaux comme les cons qui vont voter
Des assassins assassinés et leurs manières
A ne jamais vouloir crever comme crevèrent les Communards
Mes frères

Et je le dis bien haut: il faut CONSTITUTIONNALISER le foutre
Et porter l'inconfort cousu dessous leur peau
A ces bourgeois qui se permettent de jouir, en outre!

JE VOUS COMMANDE D'ÊTRE BREFS ET CARTÉSIENS

Je sais des charmes bruns qui sont de sang caillé
Et qui se grattent comme on gratte une blessure
Ça vous ravive un peu de rouge, ça a l'allure
D'une légion d'honneur que l'on pardonnerait

Ô ma soeur la Violence Ô ma soeur lassitude

Ô vous jeunes et beaux empêtrés dans vos livres
II faut faire l'amour comme on va à l'étude
Et puis descendre dans la rue
II faut faire l'amour comme on commet un crime

Ô ma soeur la Violence tes enfants s'analysent
Et du Guatemala s'en viennent des parfums
De sang et des Guatémaltèques allant s'analysant
Dans les ruisseaux de sang coulant comme la crème
La crème de la Révolution montant
Ô ma soeur la Violence Ô la fleur du boucan
II fait un bruit à rancarder tous les voyeurs
Et un bruit qui se voit ça vous a des couleurs
A vous barrer la vue pour des temps et des temps
Je sais des bises s'ennordant depuis l'Afrique
Le monde est court, la gosse, il faut tâter la trique
Dans le pieu, dans la rue, mais tâter de cet ordre
De cet ordre nouveau où germe le désordre
Le beau désordre des voyous au ventre lisse
Viens par ici la gosse un peu, que je t'en glisse...
De ma graine d'amour...
Qui gonflera dans toi comme un chagrin de carne
Sur le monde envahi de tant de muselières
Dans le Paris des chiens je vais l'âme légère
Ô ma soeur la Violence Ô ma soeur lassitude
Ô vous jeunes et beaux empêtrés dans vos charmes
II faut faire l'amour comme on va à l'étude
Les yeux vers les jardins où fleurissent les armes

Des armes, comme une esthétique de la solitude
Des armes, comme une sinistre compo d'angliche
WHAT DO YOU MEAN, GUN?

Je sens que nous arrivent
Des trains pleins de brownings, de berretas et de fleurs noires
Et des fleuristes préparant des bains de sang
Pour actualités colortélé
Le sang ça s'ampexe tout ce qui y'a de bien
Le sang c'est rentable dans la technicoloration
Et je te ferai voir un sang vert quand il sera question de questionner

Je sais des fleurs d'amour qui polennent les blés
Et qui vous font un pain que l'on mange à genoux
Un pain de chair vivante et que l'on aimerait
Comme on aime une enfant que cache ses atouts
Et qui les touche un peu comme on caresse une arme
Un doigt sur la gâchette et le reste aux abois
Et que s'irise alors ta violette de Parme
Enfant mauve de mon silence et de ma loi

Des armes, comme une esthétique du pain sur la planche
Des armes blanches comme l'aube blanche à Paris
Cette aube comme le foutre de l'absence

NOUS SOMMES ABSENTS, MESSIEURS!

L'amour toujours l'amour Ah! cet amour malade
Comme une drogue dont on ne peut se dédroguer
Comme une drogue à laquelle je me soumets
Je suis un trafiquant d'amour...

Des armes, comme un sourire de l'autre côté de la tête
Comme une façon de désarmer
Comme un chien qui vous aime
Des armes qui vous lèchent, qui vous sortent, qui vous bercent
Des armes pour inquiéter l'inquiétude
Et puis le Code de la peur à distribuer
A tous ceux qui habitent avec la peur ou que la peur habite
Art. l J'ai peur
Art. 2 J'ai peur
Art. 3 J'ai peur
Art. 4 Où sont les toilettes?

Des armes, comme une esthétique de la solitude
Quand on est seul et armé on n'est plus seul
Quand on est seul et désarmé on fait une demande pour être CRS

L'amour toujours l'amour Ah cet amour serein
Cet amour qui vous monte à la bouche comme une grenade
Qu'on ferait bien éclater dans quelque ventre passant
Dans quelque ventre curieux, oisif, en mal d'amour

Des armes, comme un planning de la résurrection
Et quant aux armes blanches, on pourrait les teinter de rouge
Dans une teinture particulière et à la portée de toute portée

Nous d'une autre trempée et d'une singulière extase
Nous de l'Épique et de la Déraison
Nous de l'autre côté de la terre et des phrases
O ma sœur la Violence O ma sœur de Raison

Au quartier des terreurs des enfants se sont mis
A brouter des étoiles
La Voie Lactée s'amidonnait dedans leurs toiles
Et la carte du ciel dans ce quartier de France
Indiquait aux passants la route à ne pas suivre
II brumait dans le ciel des paroles de givre
C'était d'un cinéma nouveau et d'une danse
Qu'on ne dansait plus avant longtemps. Nanterre
Se prenait pour Paris et le tour de la terre
Se faisait sur lin signe, une pensée de fièvre
Un désir de troubler les fleurs et les manières
Une particulière oraison, un. sourire
À mettre les pavés à hauteur d'un empire

Le sable des pavés n'a pas la mer à boire
Ça sent la marée calme dans les amphis troublés

Des portés de secours sont ouvertes là-bas
II suffit de pousser un peu plus, rien qu'un geste...

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