Laura Imai Messina

Le typhon se déchaînait, le mont de la Baleine était sens dessus dessous.
Le grand cétacé semblait vouloir replonger dans l’eau, revenir à l’océan
qui, un peu plus bas, s’élevait en vagues monstrueuses. La bête défiait le
monde, elle l’apostrophait en hurlant.
Sous les yeux de Yui, le jardin de Bell Gardia se soulevait puis
retombait.
Elle pensa qu’elle touchait au point de non-retour.
Tandis que le ciel se fracassait et tombait en morceaux, Yui ouvrit
grands les bras – d’instinct, à rebours de tout bon sens. Et ce fut comme si
toutes les voix qui avaient conflué au fil des années à Bell Gardia
s’élevaient, formant un tourbillon qui l’enveloppa. C’était un vortex, une
spirale effrénée s’enroulant autour de ses jambes, de ses bras.
Elle crut même les voir, pareilles à ces cerceaux de hula hoop que les
enfants font tourner autour de leur taille.
Parents défunts, enfants perdus, ancêtres pulvérisés par l’Histoire et
amis disparus : les voix de tous ceux qu’on avait appelés du Téléphone du
Vent revenaient ici, sur les lieux d’où on les avait convoqués pour la
première fois.