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Critiques de Kiran Millwood Hargrave (395)
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Les Graciées



°°° rentrée littéraire 2020 #20 °°°



Immersion immédiate dans la rugosité arctique de l'île de Vardø, dans le Finnmark, aux confins de la Norvège en 1617. Les premières pages, saisissantes et inquiétantes, laissent planer un malaise qui ne se dissipera jamais : le rêve prophétique d'une jeune fille, elle s'accroche à une baleine échouée sur une plage pendant que l'animal, encore vivant, est dépecé, son oeil plongé dans celui de Maren.



L'intrigue, inspirée d'une histoire vraie, est excellente et l'auteur exploite parfaitement son potentiel romanesque. Une tempête phénoménale éclate pendant que les hommes de Vardø sont partis pêcher, décrite au plus près des corps et des sensations. Aucun n'y survivra. Les femmes doivent gérer seules la pêche et la construction en plus des travaux domestiques habituels ... jusqu'à ce que le roi Christian II introduise en Norvège des lois contre la sorcellerie visant particulièrement le peuple autochtone des Samis, jusqu'à ce que débarque à Vardø un délégué du gouverneur envoyé pour remettre de l'ordre, dans cette société de femmes, accompagné de sa jeune épouse.



Le casting de personnages est puissant et complet : on a Maren, la jeune fille intelligente et ouverte, l'émancipée presque féministe ( si ce n'était anachronique ) prête à braver les interdits de la société patriarcale, la jeune étrangère bourgeoise complètement décalée dans cette société austère et pauvre, la bruyante dévote malintentionnée, la Sami qui nourrit les préjugés, et bien sûr le terrifiant délégué, un chasseur de sorcières expérimenté. C'est assez manichéen, il manque sans doute quelques nuances de gris dans ces personnages, mais le procédé est tellement efficace et emporte tellement l'empathie que le lecteur marche à fond !



En fait, tous les ingrédients sont là pour que cette lecture soit captivante : des personnages forts, des décors spectaculairement rudes, une atmosphère historique tendue très bien rendue, une grande richesse de détails pour décrire la vie quotidienne dans cette région isolée du cercle arctique, une écriture soignée et précise. Et un engagement féministe en faveur de l'émancipation des femmes qu'on ne peut qu'applaudir.



Le récit, très clair, tient en haleine. Le souffle romanesque est bien là, porté par des passages vraiment remarquables, surtout lorsque le point de vue passe à Ursa, la jeune épouse du délégué. C'est le personnage le plus intéressant car le moins linéaire, celui dont les lignes bougent au contact de l'autre héroïne, Maren. Le récit de sa nuit de noces qui sonne le glas de ses rêves de jeune fille est juste admirable dans sa façon de restituer le chamboulement douloureux de sa psyché tout comme les sensations du corps meurtri.



Mon seul bémol se porte sur la tournure que prend la relation entre Maren et Ursa, pas nécessaire tant le récit a suffisamment de caractère et de vie pour ne pas le surcharger d'une émotion supplémentaire qui brouille quelque peu sa remarquable âpreté. Mais peu importe, Les Graciées est une excellente fiction historique, très opportune, qui résonne de façon très contemporaine en dénonçant le danger d'être emporté dans un tourbillon de démagogie, à connotation religieuse ou pas. J'ai souvent songé au travail de Tracy Chevalier - en plus musclé – avec ces personnages féminins emportés dans une quête de liberté.



A noter que l'île de Vardø abrite la dernière oeuvre de la grande Louise Bourgeois, un mémorial réalisé avec l'architecte Peter Zumthor pour rappeler la chasse aux sorcières qui s'est abattue ici au XVIIIème siècle.
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La Danse des damnées

°°° Rentrée littéraire 2023 # 12 °°°



Le premier chapitre, « Personne dans la danse », pose impeccablement le décor. Strasbourg, 1518, un été torride après des années de famines, d’épidémies et de révoltes paysannes. La ville apparait comme une ville maudite frappée de toutes les calamités, d’autant qu’une comète s’y est écrasée il y a quelques années, phénomène prémonitoire interprétée comme un signe de damnation divine, comme une apocalypse à venir plaçant Strasbourg en chute libre vers l’enfer … d’autant qu’aux confins du Saint Empire romain germanique tonne la guerre face aux Turcs ottomans. C’est dans ce contexte lourd qu’une femme se met à danser, seule, sans musique, entre transe et extase, des jours et des nuits sans s’arrêter.



Une fois posé ce prologue saisissant, Kiran Millwood Hargrave présente ses personnages, essentiellement féminins : Lisbet, apicultrice au cœur brisé par de multiples fausses couches, une nouvelle fois enceinte mais persuadée qu’elle est maudite étant né le jour de la comète ; sa belle-mère l’endurcie Sophey ; sa meilleure amie Ida qui a épousé un tyran ivre de pouvoir depuis qu’il appartient gravite autours des XXI, le conseil municipal ; et enfin sa belle-sœur Agnethe qui revient après sept ans de pénitence dans un monastère pour un crime tabou que Lisbet ignore.



Les personnages sont très monolithiques, unidimensionnellement vertueux ou unilatéralement mauvais. En général, j’apprécie les personnages plus gris, plus ambiguës ; mais ici, j’ai trouvé que ce manque de complexité était pile ce que j’avais envie de lire pour cette histoire-là. Pas grave qu'on devine assez vite le secret d'Agnethe et qu'on trouve Lisbet un peu nigaude de ne pas l'avoir trouvé. En fait, les surprises ne proviennent pas de la personnalité des personnages à proprement parler mais de leurs failles et secrets qui les poussent à agir parfois très loin des conventions sociales de l’époque. Bref, je me suis fait prendre par le récit.



Le récit est éminemment immersif, l’autrice proposant de superbes descriptions, souvent poétiques, des lieux et des actions ( notamment tous les gestes de Lisbet auprès de ses abeilles avec lesquelles elle interagit en quasi symbiose ). Elle entraine le lecteur dans un récit follement romanesque, en empathie totale avec ses personnages féminins, le cœur battant de la narration, explorant des thèmes forts autour de la condition féminine ( maternité, patriarcat ) ou du poids oppressant de la religion, de la superstition et du fanatisme dans une société obsédée par le péché et la fin du monde.



Et puis, il y a cette toile de fond passionnante et très singulière de l’épidémie de danse qu’a connu Strasbourg en 1518 pendant quelques mois, épisode historiquement très documenté. Jusqu’à 400 femmes ont rejoint la danseuse du prologue, pour une danse frénétique et fatale ( certains jours, une quinzaine de femmes sont mortes de déshydratation ou épuisement ) qui a alerté les autorités municipales perplexes devant cet acte d’hystérie collective qui pouvait aussi bien être inspiré par Dieu que par le Diable. Les derniers chapitres permettent à l’autrice de relier efficacement et resserrer tous ses arcs narratifs autour de cette chorémanie incroyablement bien décrites par l’écriture nette, lisible et imagée de Kiran Millwood Hargrave :



« Cette femme pourrait être qualifiée de danseuse, même si ses mouvements donnent plutôt l’impression que deux cordes démoniaques enroulées autour de son corps la tirent dans un sens puis dans l’autre. Dans l’air étale, ses bras oscillent, frappent, tournoient au-dessus de sa tête. Ses cheveux projetés devant son visage ne laissent entrevoir de ses traits que sa bouche grande ouverte, rond comme un o horrifié, désolé. (…) En virevoltant, elle projette des postillons qui forment par terre des trainées marron, qui arrosent les visages des spectateurs. Une matière sombre atterrit jusque sur les jupons de Lisbet – une tache rouge. Du sang, comprend-elle, du sang traverse les semelles de la femme. Ses souliers fuient et tandis qu’elle continue à frapper des pieds, à sauter et à tourbillonner, elle pousse des sanglots et des gémissements, des filets de morve et des larmes luisants entremêlés à ses cheveux crasseux, sa bouche à l’ovale parfait d’un rouge étrangement vif. »



Le dénouement m’a pris par surprise. Je m'attendais à quelque chose de plus sucrée ( qui n’aurait, certes, pas été totalement crédible ), mais la fin se révèle à la fois lumineuse et triste, excellente façon d'abandonner les personnages à leur destin.
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La Danse des damnées

« L'épidémie dansante de 1518 » est un cas de manie dansante observé à Strasbourg, où l'on a pu noter que de nombreuses personnes dansaient sans se reposer durant plus d'un mois (certaines d'entre elles décédèrent de crise cardiaque, d'accident vasculaire cérébral ou d'épuisement).



Avant que je n'entende parler de "La danse des damnées" de Kiran Millwood Hargrave, je ne connaissais rien de cet événement. Cela a commencé avec une personne, Frau Troffea. Peut-être avait-elle perdu la raison, peut-être avait-elle été contaminée par l'ergot du seigle ou un champignon hallucinogène ? Certains avancent l'idée d'une transe religieuse collective instiguée par les pressions subies par le petit peuple, plutôt que la folie ou un empoisonnement massif. Nul ne sait finalement, mais quoi qu'il en soit, Frau Troffea s'est mise à danser sans discontinuer, sans que personne réussisse à l'arrêter, et ce sont des centaines de personnes qui l'ont suivie, petit à petit, en seulement un mois.



Et c'est dans ce contexte que débute l'histoire de Lisbet, pendant un été particulièrement chaud à Strasbourg, et que la vie n'a pas gâtée. Alors qu'elle a vu le jour au moment même où une comète détruisait de nombreux champs en Alsace, événement qui a été interprété comme un signe de damnation par les prédicateurs, Lisbet se sait maudite. Sa mère a sombré dans la folie, et c'est un miracle qu'elle ne l'ait pas suivi après ses douze fausses couches. Actuellement, elle vit constamment dans la peur de perdre son enfant à naître (le treizième), et ne trouve refuge et sérénité qu'en ne s'occupant de ses abeilles. Mais ce n'est sans compter la menace qui pèse sur les ruches justement, provoquant le départ de son mari alors qu'elle est à deux mois d'accoucher, et le retour de sa belle-sœur, Agnethe, après sept ans de pénitence pour un crime que tout le monde tait. Bien décidée à en savoir plus et à comprendre qui est vraiment sa nouvelle sœur qui disparaît toutes les nuits de la ferme, Lisbet va devoir franchir certaines limites imposées par Dieu en personne...



S'il y a bien un reproche qu'on ne peut pas faire à l'autrice, c'est de ne pas avoir travaillé son sujet. Que ce soit au niveau du contexte historique et de l'emprise religieuse, des croyances, des superstitions et des préjugés de l'époque, ou encore sur la manière de gérer un rucher ou sur ce phénomène qu'on appelle aujourd'hui la « chorémanie » (bien qu'il ne soit pas le fil conducteur du récit comme on peut le penser au départ), l'autrice a su bien se documenter pour mieux camper ses personnages dans l'Histoire (avec un grand H) et rendre leur histoire (avec un petit h) des plus réalistes. L'ensemble nous absorbe, on y est de pieds fermes alors que tout se déroule quelques siècles en arrière, alors que l'on rirait aujourd'hui de certaines de ces superstitions ou de ces préjugés (quoique...).



Quant aux personnages, ils sont subtilement construits, suffisamment fouillés pour qu'on s'y attache (comme Lisbet et Agnethe) ou qu'on les déteste au plus haut point (comme Plater), et/ou suffisamment ambigus pour qu'on ne sache pas quoi en penser immédiatement (comme Sophey ou le jeune Daniel). J'ai aimé les suivre dans leur propre histoire, les voir composer avec leurs peurs, leurs faiblesses, leurs croyances, leurs doutes.



Il est des thèmes, un en particulier, que je ne peux évoquer sans divulgâcher, mais je peux au moins dire que la musique et les abeilles ont une place prépondérante dans l'histoire, la parsemant de poésie, de lyrisme et de chaleur tout du long, ce qui fait du bien au vu de la teneur de certains événements beaucoup moins folichons. Et même si je regrette amèrement la narration au présent plutôt qu'au passé (oui oui je sais, je radote), la plume de l'autrice est quand même très belle et magnétique, sachant dépeindre une atmosphère/ambiance propre à l'histoire, tantôt envoûtante, tantôt plus suffocante.



C'était ma première incursion dans le monde de Kiran Millwood Hargrave. C'est "Les Graciées" que j'avais repéré mais le destin (ou le hasard) aura d'abord mis "La danse des damnées" sur mon chemin, et c'est sans regret aucun.

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Les Graciées

"Les Graciées", c'est l'histoire d'une chasse aux sorcières, au sens propre du terme, inspirée de faits réels qui se sont déroulés vers 1620 dans l'île de Vardø, à l'extrême nord-est de la Norvège, au-delà du cercle polaire.

Dans ces contrées lointaines au climat et aux conditions de vie très rudes, une violente tempête vient de causer la mort de 40 pêcheurs, soit la quasi-totalité des hommes du village. Les femmes doivent donc tout prendre en charge pour survivre, à commencer par la pêche. Des femmes qui prennent leur vie en mains, voilà qui semble suspect aux yeux des plus bigotes et des hommes des villages voisins...

A la même époque, le roi Christian IV de Norvège promulgue des lois contre la sorcellerie, inspirées de celles prises par le roi Jacques Stuart d’Écosse et de son traité de démonologie. Son but était d'affirmer l'emprise de l’Église luthérienne et de "christianiser" les Samis, peuple nomade aux traditions chamaniques, connu pour parler aux esprits et commander aux vents. Une population qui n'a que faire de l'autorité du pouvoir central ou de Dieu, voilà qui semble hautement blâmable aux yeux du gouvernement et du clergé...

C'est dans ce contexte de répression qu'Absalom Cornet débarque à Vardø. Cet Écossais fanatique, expert chasseur, est chargé de purifier la région de ces forces maléfiques. Une charge qu'il conçoit comme un sacerdoce, convaincu jusqu'à la moelle que tout ce qui n'est pas conforme à la religion est nécessairement l’œuvre du diable et doit donc être éradiqué. Il ne faudra pas longtemps après l'arrivée de Cornet pour que les femmes de Vardø se divisent en deux clans, les féroces grenouilles de bénitier et les autres, ouvertement rebelles ou résistantes silencieuses. Entre les deux, Ursa, jeune femme norvégienne que Cornet a épousé à la faveur d'un mariage arrangé juste avant d'embarquer pour Vardø, doit s'adapter (ou pas) à sa nouvelle vie d'épouse soumise et à des conditions de vie auxquelles son relatif confort bourgeois de Bergen ne l'avait pas préparée. Au contact de la jeune Maren, elle prend conscience qu'il existe un chemin vers l'émancipation.



Récit d'une tragédie annoncée, "Les Graciées" est un roman captivant et très fluide. Avec sa narration linéaire et une intrigue sans vraie surprise, il (re)met en lumière un épisode historique dans lequel les hommes (avec l'aide de certaines femmes), sous couvert de religion, ont cherché à imposer leur domination sur les femmes et sur un peuple ayant l'audace de vivre différemment, à la marge de la "civilisation". Un exemple parfait d'obscurantisme, de fanatisme et de stupidité au service du Pouvoir, ce but ultime. Même si les personnages sont un peu stéréotypés et même si la ligne entre les gentils et les méchants est beaucoup trop claire, ce roman d'émancipation et de (in)tolérance, qui fait froid dans le dos, est un texte puissant et nécessaire, tant il résonne encore à l'heure actuelle.



En partenariat avec les Editions Robert Laffont via Netgalley.

#LesGraciées #NetGalleyFrance
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Les Graciées

Au Nord-Est de la Norvège non loin du cercle polaire, le petit village de Vardo au bord de l'Océan. Nous sommes à la veille de Noël, en 1617, une terrible tempête, subite se produit et emporte les pêcheurs partis en mer. Quarante hommes vont disparaître dont le père et le frère de Maren, la jeune héroïne que nous suivrons tout au long du roman.

Les femmes vont devoir se débrouiller sans l'aide des hommes.

Sans végétaux, il n'est pas étonnant de voir quelle importance ont les baleines et les phoques dans leur nourriture et leur habillement.

On parlerait bien du 17ème siècle mais là, j'ai l'impression que nous sommes bien avant dans l'Histoire.

Un point commun avec nos régions se retrouve dans la chasse aux hérétiques, aux sorcières, la volonté des autorités d'installer une religion unique.

Le représentant du seigneur et sa femme Ursa débarquent dans l'île. Le mari, un Ecossais ne supporte pas ce territoire éloigné et ses habitants.

Sa femme, Ursa, se lie d'amitié avec Maren.

L'analphabétisme et l'intolérance sont de réels freins pour l'évolution.

Dans les faits, il est vrai que la chasse aux sorcières dans ces régions dépassait toute logique, partout d'ailleurs quand on y pense. Pour que des représentants du roi accusent des femmes d'avoir déclenché une tempête, il faut déjà être loin dans la croyance en la sorcellerie et dans la bêtise.

Même si le livre est très intéressant, je l'ai entrecoupé de lectures plus légères car l'ambiance est parfois pesante, cruelle même, surtout la fin. Maren âgée d'à peine 20 ans et Ursa, la femme de l'envoyé du seigneur se montrent très vraies, très combatives et se lient d'une amitié profonde, désespérée dans leur attachement l'une à l'autre. Ursa est dégoûtée par les agissements de son mari.

Kiran Millwood Hargrave, l'auteure, a 30 ans, vit près de Londres .

"Les graciées" , sur fond historique réel , est son premier roman pour les adultes.





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La Danse des damnées

Entendez-vous le son du luth et du tambour ? Prêts à entrer dans la danse ?

Le tambour scande le rythme, le luth se fait plus subtil, tantôt complainte ensorcelante tantôt joyeux drille. Mais surtout entendez-vous les pieds des danseuses qui martèlent le sol inlassablement dans un rythme endiablé, incessant, à tel point que nombre d’entre elles vont mourir d’épuisement ou après s’être fait piétiner (jusqu’à quinze décès pouvaient être déplorés chaque jour) pendant cet épisode de folie collective de deux mois.

Mais qu’y a-t-il donc à fêter à Strasbourg en 1518 ? Absolument rien, Strasbourg est anéanti par la famine, une chaleur accablante, et les XXI, le conseil municipal, entend faire respecter l’ordre et la voix de Dieu par la violence et la terreur.

Kiran Millwood Hargrave mêle dans son récit de courts chapitres narrant d’une part l’histoire de ces transes endiablées, et d’autre part la vie de ses personnages, tout particulièrement celui d’une jeune femme, Lisbet.

Lisbet mariée depuis plusieurs années à Henne, vit avec lui et sa belle-mère Sophey dans une ferme isolée dans la banlieue de Strasbourg. Lisbet rêve de mettre au monde un enfant, car malgré de nombreuses grossesses, aucune n’est allée à son terme. Lorsqu’à nouveau son ventre s’arrondit, Lisbet, une nouvelle fois, reprend espoir.

Deux éléments permettent à Lisbet de poursuivre sa lutte ; son rucher dont elle s’occupe patiemment, ses abeilles qui lui permettent de s’oublier et procurent par la vente du miel et de la cire de substantiels revenus à la ferme, et son arbre à danser. Cet arbre, Lisbet en a fait un autel païen pour ses bébés : à chaque enfant décédé elle noue un ruban de tissu dans ses branches et dépose à son pied de petites offrandes qu’elle trouve dans la nature. Cet arbre, c’est son espace secret, le lieu de repos de son âme.

Après avoir mis quelques pages à me familiariser avec tous les personnages, je suis entrée ensuite facilement dans la danse et j’ai retrouvé avec plaisir la plume de l’autrice que j’avais appréciée dans Les graciées (on retrouve dans ce livre également le sujet de l’amour entre deux femmes qui ne peut que se vivre caché). Cependant, il y a eu de ma part une légère contrariété à retrouver cette même thématique dans cet ouvrage, d’autant que j’espérais être un peu plus plongée au cœur de la danse, je me suis trouvée un peu trop spectatrice par moments de la folie de Strasbourg.

J’ai été émue à la fin du livre en découvrant que Kiran Millwood Hargrave a beaucoup mis d’elle dans le personnage de Lisbet puisqu’elle a dû faire elle-même faire face à des fausses couches à répétition. Un sujet peu abordé en littérature et qui sans nul doute va parler directement au cœur de nombreuses femmes.

La danse fut rythmée, mais je l’aurais espérée un peu plus échevelée et surprenante, il m’a manqué un petit supplément d’âme pour m’y jeter à corps perdu et rentrer en transe… Je n’ai pas retrouvé mon coup de cœur des Graciées, et je comparerais cette déception à celle ressentie pour Le portrait de mariage de Maggie O’Farrell.

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Les Graciées

Voilà encore un livre paru lors de la déferlante de cette rentrée littéraire. Pourtant, doté de très nombreuses qualités, il mériterait d’être mis plus en lumière. Alors que son résumé m’avait laissé un peu dubitative quant à mon appréciation ou non de l’histoire, j’ai été happée et envoûtée dès les premières pages.



Inspirée d’un fait réel, cette histoire a été fabuleusement bien écrite par Kiran Millwood Hargrave, âgée d’à peine 30 ans. Le pan historique est bien présent où on apprend beaucoup sur la vie au XVIIème siècle, à l’extrême nord de l’Europe et notamment, sur le peuple des samis, très peu connu.



L’auteure s’est basée sur une tragédie historique, cette terrible tempête qui eut lieu à quelques jours de Noël 1617, emportant et causant la mort de près de 40 hommes. Ces pêcheurs composaient le village de Vardø, près du cercle polaire. La perte d’un si grand nombre des hommes impose aux femmes de ce village de prendre leur destin en main.



Kiran Millwood Hargrave parvient en quelques mots à faire ressentir la rigueur et la rudesse de cette vie à l’extrême nord de notre continent. Alors que la vie au cours du XVII ème siècle était déjà loin d’être facile, au vu de la carence de toutes les commodités que nous connaissons actuellement, le froid glacial, l’absence de la plupart des végétaux et animaux font de Vardø un endroit austère où la vie s’égrenait lentement, encore plus lors des très longues nuits hivernales.



Un autre thème abordé est celui de la prédominance de la religion à cette époque, où toute autre croyance était considérée comme impie et pouvait mener rapidement au bûcher, après un procès fantoche. C’est ainsi que j’ai appris que les Lapons étaient alors considérés comme des hérétiques par le pouvoir et dont, de nombreux furent brûlés vifs après maintes tortures pour faits de sorcellerie. Aujourd’hui, où des guerres de religions sont encore malheureusement actuelles, le parallèle peut être aisément fait et notamment, par cette volonté d’instaurer une croyance unique par n’importe quel moyen.



La manière immersive dont l’auteure décrit à la fois le quotidien mais aussi la brutalité de la météo fait que j’ai eu moi-même l’impression de me retrouver dans cet endroit boueux, éloigné de tout. Les protagonistes sont forts, tous comme les sentiments qui y sont partagés et développés. La tension est palpable et monte crescendo.



Je pourrais vainement essayer de trouver des éléments qui m’auraient moins plus dans ce livre, mais je n’en ai aucune envie. Selon moi, ce livre est une pépite comme on n’en lit pas tous les jours. Une fois terminé, c’est un vrai coup de blues qui m’a parcouru de devoir y laisser ses paysages, ses personnages, cette vie éprouvante mais si vraie.



Je ne peux que vous conseiller cette lecture, enrichissante par les découvertes que vous y ferez sûrement comme moi mais aussi pour la beauté du récit et le talent de cette jeune auteure à tenir à l’oeil.



Lu dans le cadre du Grand Prix des Lecteurs de L’Actu Littéraire 2020.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Les Graciées

Un titre qui sonne ironiquement quand on referme le livre, car la miséricorde divine ou terrestre laisse à désirer dans ce récit très prenant.



Des personnages mûrement calculés pour nous permettre de glisser sur le toboggan de l’identification sans rechigner. Il est plaisant de se fondre tour à tour dans les 2 narratrices principales, composant avec des valeurs seyantes et qui donnent le teint rose: empathie, fraîcheur existentielle, sens de l’équité, loyauté.



Inutile de dire que cet équipement moral trouvera du répondant dans la face obscure de leurs concitoyens.

Le récit est habilement mené, on a l’impression d’être du coin depuis 30 ans et d’avoir parcouru le village 1000 fois, être devenu expert en confection de galettes de pain sur cheminée, pouvoir décrypter les ragots à distance. Le rouleau compresseur de la connerie est facilement anticipable aussi et on sait rapidement que rien ne pourra l’arrêter.





Le fait que ce soit inspiré de faits réels ne surprend pas mais peine plus encore. Dans les années 1620, Christian IV, roi du territoire Danemark-Norvège, veut faire parler de lui. Partisan d’un luthéranisme strict, il délègue son excellent ami Cunningham au nord du pays pour répandre la bonne parole et remettre dans le droit chemin les Samis, population indigène aux pratiques par trop païennes. Le bon pasteur fera exécuter une centaine de personnes pour sorcellerie (pour la plupart, des femmes et une bonne partie de Norvégiennes).





La pression morale qui monte insidieusement mais sûrement est très bien amenée, obligeant servilement toute la population à la bigoterie sous peine de s’afficher comme réfractaire et de mœurs douteuses. Les jalousies personnelles y trouveront aussi un formidable exutoire; comme il est doux et simple d’accuser sa voisine de sorcellerie, les preuves abondent soudainement.

Est bien rendue également la facilité avec laquelle la religion peut servir de tremplin à des personnalités en mal de reconnaissance et de pouvoir personnel, exaltant un ego aux dimensions de fat boy.





Donc un bon livre sur les névroses sociales, l’adhésion grégaire, la religion comme moyen de sujétion de masse, l’idéologie comme expression d’une mégalomanie personnelle.



L’histoire amoureuse ballonne par contre un petit peu, le rythme n’étant pas raccord avec le reste du récit, on piétine en sabots sur les belles peaux de renne.





Il nous reste en mémoire de très belles personnalités et des paysages envahissants de réalisme, un fameux voyage !
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Les Graciées

Inutile de faire un long commentaire : tout a été dit déjà.



Très beau livre qui nous plonge au coeur de la froideur glacée, rugueuse , ô combien , du comté de Finmark, Nord- est de la Norvège, en 1617.



Nous sommes pris aux tripes dés le début du récit , angoissant, saisissant tellement que l'on le relit, —- une jeune fille de vingt ans , Maren, avait rêvé , la veille de la fameuse tempête arrivée en un «  claquement de doigts » , qu'elle s'accrochait à une baleine immobilisée sur une plage: «  Que le goût de de la graisse animale imprégnait sa langue, un goût persistant , impossible à effacer » .....

L'intrigue passionnante , de bout en bout , entre odeurs âcres, rudes travaux , doigts calleux, poils dressés, cris et vibrations , décors rudes, détails intéressants de la vie quotidienne, village froid et boueux, nous conte cette sombre page de l'histoire du royaume , le poids écrasant , bouleversant d'une religion , régentant avec force les consciences ....



Suite à l'extrême violence de la tempête , le 24 décembre 1617, causant la mort de quarante pêcheurs , soit la presque totalité des hommes du village les femmes, dans cette contrée déjà dépeuplée et isolée, devront prendre tout en charge même la pêche.

Inspiré de faits réels , chasse aux sorcières en toile de fond, nous vivons en immersion le chassé croisé de deux femmes : des écorchées vives, Ursa la courageuse, a été arrachée à sa vie citadine et envoyée dans ces terres glacées avec son mari, le représentant du seigneur, Maren la taciturne comme anesthésiée par les pertes de son père , son frère et son fiancé .



Toutes deux aspireront à la liberté de croire, d'aimer et de penser .



Modernes très tôt , préfigureront- elles déjà le siècle des lumières ?



Âpre , fort, puissant , intéressant , instructif , racontant les gens et la manière dont ils ont vécu , très belle écriture !

«  Tandis qu'elle avance d'un pas , l'image d'Ursa emplit ses pensées , Ursa, la première et unique personne à avoir compris qui elle était. Et cela lui suffit » ...
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Les filles qui ne mouraient pas

Attirée par une couverture splendide, aux dominantes rouge et noir, qui se poursuit jusqu 'aux rabats, aussi mystérieuse, que fleurie.



Attirée par la promesse d'une réécriture de " Dracula", par une auteure du XXI Ième siècle, au final, je suis déçue, même si l'angle est original .

Un peu de suspens, un peu d'action, une ambiance sombre, envoûtante, mais j'ai très souvent eu envie de lire ce roman en diagonale.



Lil et sa soeur jumelle Kizzy ne vivront pas le jour de leurs prédictions, pour leur dix-sept ans. Hélas, ce jour-là, leur communauté de Voyageurs est attaquée, et les deux soeurs, sont avec d'autres amenées sur les terres du seigneur Valcar où elles seront réduites en esclavage. Quelques temps après, Kirzy, la plus jolie, disparait. On murmure que des filles sont offertes au dragon.



Le dragon n'est dans ce roman, qu'un autre nom pour Dracula et ce dernier n'apparaît que vers la fin, et si peu...



Si ce roman nous est "vendu" comme une réécriture de ce roman mythique, l'histoire inventée par Kiran Millwood Hargrave tourne plutôt autour des deux soeurs. leurs réactions quand elles sont enlevées, leurs réactions face aux différents "méchants", dont celle de Kizzy envers Dracula et le "don" qui lui est offert ( l'éternité, la force, le pouvoir). Il s'en suivra des décisions par rapport à ceux qu'elles aiment, les "convertir" (mordre) ou les laisser partir, mais ces derniers passages n'occupant hélas, qu'une infime partie de l'histoire.

Gens du voyage, ours blanc, vin de serpent, vampire, sororité, personnages cruels , homosexualité..



Un roman qui réussit à recréer une ambiance, avec une réelle qualité d'écriture , mais qui a aussi réussi à m'ennuyer.



Qu'il est dur, en lecture, parfois de sortir de sa zone de confort ! Je ne suis pas la meilleure lectrice pour ce genre de roman.



Mais j'ai aimé très, très ( beaucoup), fort,( énormément), la couverture d'Olga Baumert qui ,elle, mérite au moins dix étoiles...
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Les Graciées

1617. La Norvège aux confins du cercle polaire arctique.

Un village de pêcheurs. Une tempête. Une tempête suffisamment imprévue et monstrueuse pour tuer tous les hommes du village. Restent les femmes, les enfants et les vieillards. Pas le choix si elles veulent survivre, elles doivent prendre en main leur destinée.

1620. La Norvège envoie un délégué pour s'assurer de la christianisation des provinces éloignées du royaume. Dans le viseur, population autochtone (les Samis) et les sorcières... Alors des femmes qui survivent sans hommes, vous imaginez !



Un roman tiré de faits tristement réels.

En "vrai" (j'ai l'impression de parler comme mes ados de filles !) 8 femmes seront accusées d'avoir provoquer la tempête afin de tuer leurs maris. 8 femmes torturées puis brûlées vives.

On sent la menace durant tout le roman, l'oppression qui arrive avec cet homme intégriste, fou...



Un bémol : j'ai moins apprécié les pages concernant l'épouse de ce représentant version jeune fille chez ses parents, dans le sud de la Norvège. L'intérêt m'a quelque peu échappé.



Un bon roman intéressant.
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Les Graciées

Quitter sa sœur chérie, quitter son père, quitter sa ville, Bergen, et suivre un homme inconnu et qui pourtant est devenu votre mari. Endurer chaque nuit les assauts de cet homme froid et qui s’avérera cruel et inhumain. Le suivre tout au nord, dans une île inhospitalière, à Ardø où ne vivent quasi que des femmes, veuves, orphelines, à la suite de la grande tempête.

Trouver l’amitié sur cette île mais aussi l’intolérance religieuse, la bêtise, la méchanceté.

Nous sommes dans les années 1617-1620, et c’est de faits réels que s’inspire l’auteure (grande tempête et procès en sorcellerie déclenchés par le seigneur Cunningham) pour nous faire vivre au plus près du quotidien de ces gens.



J’ai beaucoup aimé cette histoire mêlant différents points de vue féminins : après tout, c’est toujours les hommes qui ont écrit l’Histoire, et ici, on touche vraiment la sensibilité féminine. Comment les femmes de l’île ont dû survivre après la tempête, seules, en se raccrochant aux plus fortes, celles qui ont osé prendre la mer pour pêcher, celles qui ont pris des décisions ; comment elles ont accueilli un pasteur ; comment elles ont dû aussi accepter le « délégué » du seigneur et sa jeune épouse. Et puis aussi comment cette jeune épouse a dû s’adapter à son maitre (c’est le seul mot qui me vient à l’esprit) et à ces femmes toutes différentes.



Histoire d’amitié, de liens profonds, histoire de religions, de coutumes que la religion chrétienne veut bafouer, histoire des Samis, histoire de la Norvège, histoire de femmes toujours soumises, histoire de femmes indépendantes et par là-même harcelées…et graciées ?

Glacial et magnifique.

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Les Graciées

Coup de coeur pour ce roman de tragédies sur une île à l'extrémité nord-est de la Norvège du 17e siècle.



Une toute petite bourgade qui vit frugalement de pêche et de rennes d’élevage, aux confins du pays Sami. Une tempête soudaine emporte les pêcheurs, les pères, les maris ou les fiancés. Les femmes sont graciées, épargnées par les éléments. Mais encore faut-il survivre à l’hiver, se nourrir, sans pouvoir compter sur les ressources de leurs hommes.



Si le malheur oblige à se serrer les coudes et apporte une solidarité entre les femmes, il n’efface pas les inimitiés et les jalousies. Et dans la douleur extrême, les coeurs à vifs peuvent perdre toute raison et dresser les unes contre les autres.



Le village sera encore frappé par le destin lorsqu’un « délégué » du roi viendra y habiter avec pour mission d’y trouver des sorcières. L’épouse qu’il s’est procurée à Bergen découvrira avec stupeur cette île lointaine et nouera des liens avec les femmes , mais ne pourra pas changer les ambitions de son mari.



Un roman bouleversant, où grâce à la magie de l’écriture de l’auteure, les personnages prennent vie devant nos yeux et partagent leurs tourments. Le contexte historique rappelle qu’il n’y a pas que les catholiques qui ont eu leur Inquisition, les tortures de la folie religieuse ont existé ailleurs. Et la persécution se double ici d’une tentative de génocide du peuple Sami.



(Et pour faire un lien avec le présent, face à la pandémie, on n’élève pas de bûcher pour châtier les coupables, on a juste des réseaux sociaux qui cherchent des complots ou s’enflamment pour pourfendre les voyageurs imprudents…)



Une bien belle lecture, mais douloureuse, car il n’est pas facile de vivre tous ces deuils.

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La fille d'encre et d'étoiles

Forcément, on est attiré par le fait que ce roman ait rencontré un énorme succès en Angleterre… C’est écrit partout, sur le bandeau, sur Internet. C’est le premier roman de l’auteur et, déjà, il est élu « meilleur roman jeunesse 2017 » et obtient le prix des libraires Waterstones. On sait que la littérature de jeunesse est très largement reconnue au Royaume-Uni et on prend ces distinctions comme un gage de qualité.

Forcément, on est séduit par la couverture qui est absolument magnifique, et c’est une adulte qui parle, alors inutile de préciser qu’elle saura plaire aux adolescent(e)s. Cet orange, ce bleu, ça brille et c’est beau. Il y a cette silhouette de jeune fille qui semble sortir de terre et qui donne l’impression d’entretenir avec les éléments naturels un lien tout particulier.

Forcément, on est intrigué car la quatrième de couverture ne souffre pas d’une surabondance de détails. Elle est suffisamment énigmatique pour que l’on se pose quelques questions et que l’on ait envie de tourner quelques pages, au moins pour voir.

Forcément, on a envie de commencer cette lecture, mais on est arrêté chemin faisant par cette couverture qui se déplie et nous permet de découvrir deux cartes : l’une semble être la surface de l’île de Joya, l’île telle qu’elle est visible par ses habitants, l’autre – intitulée « l’île de Joya révélée » – semble mettre à jour un réseau de tunnels a priori secrets.

Et forcément, on est déçu. Déçu parce qu’on nous a trop promis. L’histoire vécue par Isabella, l’héroïne, n’est pas désagréable à lire, bien au contraire, et elle comporte même quelques très bonnes idées qu’il est important de mentionner : dans le désordre, l’impossibilité pour les habitants de quitter l’île, une carte du monde qui semble redistribuée et qui interroge, le lien père/fille, toutes les références et allusions à l’art de la cartographie, la construction progressive d’une mythologie. Il y avait de quoi faire quelque chose de vraiment sympa, d’original, tout en restant dans une veine qui plaît bien aux jeunes en ce moment, à savoir : un endroit différent avec ses propres codes, ses propres lois, et des personnages qui cherchent à en savoir plus sur l’origine de leur situation. La déception tient au fait que tout est survolé. Les portraits des personnages ne sont qu’esquissés et cela peut donner l’impression qu’ils manquent de profondeur. Il est question de légendes mais le passé plus proche est assez peu évoqué, j’aurais personnellement aimé en savoir bien plus sur l’île que ce que je n’ai finalement appris. J’ai parfois eu l’impression que l’on passait du coq à l’âne et j’ai même cru que j’avais manqué des informations. En clair, il se passe trop de choses en 260 pages. Dommage ! L’histoire avait un gros potentiel !


Lien : http://aperto.libro.over-blo..
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Les Graciées

Roman historique immergé dans la Norvège rude et glaciale du 17ème siècle…quand des événements tragiques offrent un potentiel romanesque prodigieux : Kiran Millwood Hargrave, jeune autrice âgée de 30 ans, s’empare à merveille de faits historiques dramatiques pour dessiner une fiction sensorielle, intelligente et engagée.



C’est dans l’horreur du massacre de femmes innocentes, accusées à tort de sorcellerie au nom d’un Dieu omniscient, que nous sommes transporté·es sur l’île de Vardø entre 1617 et 1620. Nous suivons les habitantes de cette île, quasiment dépourvue d’hommes alors emportés par une terrible tempête survenue en décembre 1617, plus particulièrement Miren, femme impénétrable et morose qui rencontrera Ursa tout juste débarquée sur l’île aux côtés de son époux, représentant d’une chrétienté absolue et répressive. Par l’insidieuse montée de l’effroi, nous découvrons une plume visuelle et captivante qui dépeint l’histoire de femmes indépendantes s’efforçant de survivre mais dont l’émancipation paraît suspecte et impure aux yeux de l’autorité religieuse et masculine.



L’autrice fait la description sensible et précise d’une rupture entre femmes, traditions animistes Samis et hommes despotiques qui imposent un dogme religieux unique bannissant ces rites ancestraux introduits soi-disant par le Diable. Sous des allures d’un roman âpre, Kiran Millwood Hargrave inquiète, informe mais surtout passionne son lectorat grâce à une exigence documentaire historique qui pourtant sonne comme un écho désagréable avec notre société. Au fond, ce récit est une réflexion sur le basculement préoccupant vers une ferveur religieuse proche du fanatisme, la soumission des femmes et l’intolérance des hommes. Enfin, la vigilance constante et la sororité indispensable, qui oscille toujours entre désir de préservation et émancipation individuelle et la crainte du glissement dangereux vers une dévotion exclusive jusqu’à la perte de son identité, son corps.
Lien : https://bib-bazar.blog/2021/..
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La Danse des damnées

Quand j'étais petite, j'entendais souvent mes parents nous dire d'arrêter de faire " la danse de Saint-Guy", quand nous étions trop agités.

C'est en lisant ce roman que je viens d'apprendre l'origine de cette expression.



Nous sommes en 1528, à Strasbourg. Il fait très chaud. Et dans cette région où comète et conditions météorologiques extrêmes se succèdent, les plus vulnérables n'ont plus rien à se mettre sous la dent. Une femme, Frau Troffea se met à danser. Elle sera conduite à la chapelle Saint-Guy.

D'autres suivront et entreront dans cette danse endiablée dans les rues de Strasbourg.



Ce n'est pas l'histoire de cette femme initiatrice de cette transe collective que nous raconte l'auteure mais celle de Lisbet, épouse d'un apiculteur et elle-même "maîtresse" des abeilles.

Lisbet est enceinte et attend son treizième enfant. Elle a perdu les douze autres et désespère de devenir mère.

C'est aussi l'histoire d'Ida, la meilleure amie de Lisbet et celle d'Agnethe, sa belle-soeur.

Au cœur de ce roman, ces femmes nous entraînent dans un véritable combat.

Combat contre les hommes persécuteurs, contre une Église qui damne et punit, contre une société qui exclut.

C'est un hymne à la liberté qui fait naturellement écho à nos préoccupations actuelles. Le Moyen-âge n'est pas si loin derrière nous ; le rejet des migrants, de la communauté LGBT, et les violences faites aux femmes sont tristement des faits toujours présents au Xxieme siècle.



J'ai beaucoup aimé ce roman historique et notamment le début où les secrets et les non-dits se dévoilant délicatement et sur le bout des doigts rendent l' atmosphère

feutrée et mystérieuse.



Un très beau roman.



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Les Graciées

La Laponie, pour moi, c'est le Père-Noël et ses lutins. Des gens sympathiques.

Au XVIIe siècle, au nord de la Norvège, les Lapons (terme péjoratif désignant les Samis) étaient perçus comme des créatures du Diable : 'sorcières, chamanes, ensorceleurs de vent'.

Le roi d'alors, Christian IV, était un luthérien sévère qui entendait mettre un terme à leurs cultes païens (grigris, runes). Il les croyait en effet capables de 'contrôler les éléments' au point de déclencher de terribles tempêtes, comme celle de l'île de Vardø en 1617 où périrent quarante marins.

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Inspirée de faits réels, la chasse aux sorcières racontée ici par Kiran Millwood Hargrave est à l'image de celles qui se sont succédé au cours de l'histoire de l'humanité, sous diverses formes et pour différents prétextes : conquête d'un territoire, évangélisation/acculturation, élimination de populations indigènes.

Avec cette lecture, on ne sait pas très bien ce qui pousse les Inquisiteurs à ce grand nettoyage meurtrier. Ont-ils réellement peur de ces supposés pouvoirs maléfiques, qui seraient supérieurs à ceux de leur dieu unique ? S'agit-il plutôt de contrôler les esprits et d'éliminer toute tentative de dissidence ?

Ma lecture actuelle de 'Sapiens' (Yuval Noah Harari, version BD) ne m'éclaire guère car je ne suis pas totalement d'accord avec les thèses de l'auteur sur les guerres.

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Grâce à ce roman, j'ai eu le plaisir de partir 400 ans en arrière, et de parcourir 4 000 km vers le nord.

Les paysages somptueux de cette petite île norvégienne font rêver, même si le climat hostile et les conditions de vie des familles de pêcheurs du XVIIe siècle ont de quoi refroidir.

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Dans cette intrigue riche et passionnante, les personnages féminins & leurs interactions sont intéressants, mais le côté bluette m'a agacée.

Malgré des phrases à la fois simples et bien construites, la lecture m'a paru fastidieuse. J'ai souvent dû revenir en arrière pour comprendre qui faisait/disait/pensait quoi, alors que j'avais bien mémorisé les noms. Style décousu de l'auteur ou problème de traduction ? Apik, qui partage cette impression, n'a d'ailleurs pas réussi à aller au-delà de 50 pages, malgré mes encouragements.

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A lire pour le dépaysement et la page d'Histoire. Et pour connaître le prix des conquêtes occidentales et/ou religieuses sur les esprits et sur les vies...

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🤨😒 nouveau bug : le lien vers la vidéo se transforme 😡

♪♫ pour la chanson, taper : youtube rita sorcière

(cliquer sur le clip de 4.59)
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Les Graciées

Kiran Millwood Hargrave, jeune poétesse, s'est inspirée, pour son premier roman, de faits tristement réels : la folie du pouvoir, l'obscurantisme et l'intégrisme religieux qui ont provoqué au Danemark-Norvège, au 16ème siècle, une impitoyable chasse aux sorcières derrière laquelle se cachait la volonté d'éradiquer tout un peuple, les Samis. Non conformes à une société lisse et obéissante, ceux-ci ont été persécutés et massacrés pendant plus d'un siècle. Afin de rendre hommage à ces hommes et ces femmes, l'auteure a choisi le romanesque avec une histoire bouleversante entre deux femmes opposées par la naissance mais réunies par un amour incandescent. L'immersion dans un autre monde, dans une autre époque est totalement réussie tant l'écriture de Kiran Millwood Hargrave est précise, descriptive tout en étant romanesque.

Les Graciées est un livre qui a la grâce et que j'ai refermé à la fois bouleversée et révoltée.





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Les Graciées

Les Graciées nous entraînent dans la Norvège du XVIIème siècle, sur une île isolée et glaciale. Glaciale à cause des températures du Grand Nord et glaçante comme l’atmosphère qui y règne suite aux terribles événements qui s’y déroulent. En effet le deuil frappe les habitantes après le décès en mer de tous les hommes lors d’une tempête et, après une période où elles sont livrées à elles-mêmes et où elles doivent prendre des initiatives pas toujours bien vues par l’Église pour assurer leur subsistance, un délégué est envoyé sur l’île pour remettre de l'ordre dans la petite communauté, lançant une véritable chasse aux sorcières.



Et c'est dans ce contexte que se rencontrent Maren, une des îliennes, et Ursa, la femme du délégué. Entre les deux jeunes femmes va se tisser une amitié qui se mue en un attachement plus tendre alors que la situation est de plus en plus critique à Vardø, entre suspicion, délation, calomnie, arrestation, torture...



Dès les premières pages, j’ai été gênée par le style qui manque de fluidité, avec des prénoms répétés encore et encore, comme s’il était impossible d’identifier les personnages autrement. Je me suis même demandé si l’auteur n’avait pas adopté volontairement ce style un peu naïf pour coller au contexte.

En tout cas, j’ai dû me forcer pour ne pas abandonner au bout de quelques chapitres et je ne suis jamais vraiment entrée dans le récit.
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Les Graciées

Gros coup de cœur pour ce roman au sein d'un village de Norvège qui a perdu la majorité de ses hommes lors d'une tempête en mer.

Les différents entre les femmes vont se développer et l'arrivée d'un délégué nommé par le roi pour faire régner les doctrines catholiques ne va rien arranger. Surtout que parmi elles, se trouve une Sami. En pleine chasse aux sorcières, les langues se délient.

Pourtant une belle amitié prendra naissance dans cet atmosphère de peur.

Très bien écrit, les portraits de femmes sont forts. On est imprégné dans les paysages et on tremble avec les protagonistes.

A lire absolument !
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