L'inceste « structure notre société ». Il touche des millions de personnes, mais trop souvent, nous refusons d'en parler. Longtemps considéré comme un tabou, c'est au contraire un fait social majeur, selon Iris Brey, Dorothée Dussy et Juliet Drouar qui publient La Culture de l'inceste (Seuil). C'est notre entretien du jour, en accès libre.
Avec le témoignage de Paoline Ekambi, ancienne internationale de l'équipe de France de basket.
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L'hétérosexualité peut être un état de fait. L'hétérosexualité peut être une obligation. Mais dans tous les cas, elle doit être déconstruite si on veut lutter contre le sexisme.
Voyageureuse : Donc, si j'ai bien compris, "être une femme", c'est avoir une position de merde pour éviter quelque chose de pire ?
L'autre : Vous avez l'esprit de synthèse.
Voyageureuse : Et du coup, c'est pour ça qu'ils vous obligent à vivre avec eux, en couple ? Pour que chacun puisse surveiller une femme, en plus de la surveillance collective ?
L'autre : Ah non, ça c'est l'amour.
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Bref, ce qu'il faut que vous reteniez, c'est que quand vous êtes une femme, il faut être stressée. Ça veut juste dire flipper plus ou moins continuellement. Vous serrez les fesses, vous croisez les jambes, vous portez les vêtements et les chaussures les plus inconfortables. Surtout quand vous croisez des hommes. Là, vous montrez le plus de stress et de docilité possible. Voix douce ou aiguë, l'air gêné, pas les pieds ancrés dans le sol, plutôt en flottement ou perchée. En gros, montrez que vous êtes soumise et que leur présence compte pour vous. Portez des bijoux, des parfums. Faites-vous vous petite, qu'ils puissent avoir l'impression qu'ils peuvent vous déplacer. Que leur regard vous fait exister, vous émeut. Créez une sorte de "tension sexuelle" et montrez un maximum de déférence.
Dans ces mises en relation asymétriques et systématiques par et pour les hommes cis-hetérossexuels, "les autres" sont exploité.es : travaux gratuits ou sous payés (matériels/sexuels/émotionnels/intellectuels) au sein de la famille, du couple, de l'entreprise.
Imaginez si vous deviez payer une personne pour être disponible 24 h/24, effectuer les tâches domestiques, élever les enfants, fournir écoute, services sexuels et j'en passe à votre domicile... Bien que ces travaux soient actuellement dévalués, vous aurez une petite idée de la note que ça représente. Il n'y a qu'un contrat d'hétérosexualité qui puisse vous le payer.
ou alors on imagine un monde ou on cesse de se comporter « comme un homme » ou « comme une femme »: on habite, travaille et aime les personnes qui nous sécurisent et nous garantissent des liens de réciprocité, on désir et on trouve du plaisir dans le consentement mutuel avec tous les types de corps vu qu’ils ont tous les mêmes terminaisons nerveuses.
C'est même absurde, voire grotesque, de penser que l'amour tel qu'on vient de le définir est possible en général tant qu'existera une différenciation des sexes entre hommes et femmes. Et pourtant... Dans un renversement de valeurs des plus extrêmes, l'amour a été "hétérosexualisé" : l'hétérosexualité est présentée comme la forme la plus absolue, la plus désirable de l'amour. Autrement dit, la domination sexiste est présentée comme la forme la plus absolue, la plus désirable de l'amour.
Quand une meuf me disait qu'elle était amoureuse d'un type, ça me laissait totalement perplexe. Vraiment ? Un goût du prononcé pour l'enfermement et la dévalorisation de soi ?
Il faut être dépourvue d'humanité et s'accrocher à son petit pouvoir pour nier les viols, les précarisation et les féminicides des femmes trans. Pour nier qu'elles vivent le sexisme encore plus que d'autres : persécutées en tant que femmes, en tant que femmes trans, et en tant que "pas assez femmes".
Voyageureuse : Donc, si j'ai bien compris, "être une femme", c'est avoir une position de merde pour éviter quelque chose de pire ?