Les zadistes esquissent aussi ce qui apparait comme un premier dépassement effectif de la contradiction primaire de l’autonomie, puisqu’ils peuvent prétendre se passer, selon leurs modes de vie, de tout ou partie de la production ordinaire, et ainsi former une contre-société réelle, alliant subsistance et sécession. Ils transcendent, qui plus est, le dilemme italien entre une émancipation dans le travail et une libération par l’oisiveté en élaborant une forme de libération qui passe par la mise-en-oeuvre d’une production post-capitaliste, y compris si celle-ci ressemble étrangement par certains côtés à une pratique précapitaliste.
La force de travail de l’humain ne produit plus rien par elle-même : outil de la machine, elle est parfaitement déqualifiée, interchangeable.
L’expérience apprend que derrière les discours de légitimation intellectuelle et politique, il y a souvent la “réalité merdique“ des phénomènes auxquels ils s’adossent. Le mouvement dit “autonome“ ou “de l’autonomie“, tel qu’il subsiste aujourd’hui en France comme ailleurs, n’échappe malheureusement pas à ce constat. Né il y a près de cinquante ans d’une tentative de rupture avec le mouvement communiste historique, alors que celui-ci était “réduit à l’état de merde“ par le capitalisme – c’est-à-dire “à l’état de bouillie dogmatique [pouvant] être mis dans le commerce sans aucun risque pour le système“ –, il a en effet connu à son tour le même sort.
L’autonomie est ce processus par lequel le sentiment d’être étranger se transforme en action dirigée contre se qui rend étranger.
Le néolibéralisme en rajoute une couche en promouvant sa propre compréhension de l’autonomie, comme rupture avec les mécanismes de redistribution de l’État-providence au profit d’une plus grande dépendance de l’individu au capital, bousculant durablement la sémantique associée à l’idée de liberté.
Les imaginaires sont recolonisés, de façon à ce qu’aucun sentiment d’extranéité ne puisse plus s’y loger.
Il s’agit cette fois d’une privatisation du territoire même de la ville, qui commence notamment par l’accélération de la spéculation immobilière, selon un processus où l’initiative en matière d’urbanisme passe de fait des pouvoirs publics aux entreprises privées.
À la sociologie de la population urbaine qui résulte d’une sédimentation parfois pluri-centenaire, la métropolisation oppose la pure création par plan d’aménagement et d’implantation de telle population ou activité à tel endroit.
Si la perspective d’une césure insurrectionnelle subsiste, elle est à comprendre non pas comme un geste de table rase, mais comme le moment où un seuil quantitatif se change en saut qualitatif.
Dans leur séparatisme politique, les féministes italiennes découvrent que cela est rendu possible grâce à une solidarité exclusivement féminine, non-mixte. »