Pour une grande majorité des Russes, être exilé en Sibérie signifiait être condamné à la peine de mort ; c’est un voyage sans retour. Certains des Portugais qui, à cette époque, vivaient ou traversaient la Russie et avaient entendu par mer du cas d’António de Vieira, étaient quasiment convaincus de ne plus jamais le revoir.
- Ivanovitch ! Rédige immédiatement en mon nom un décret concernant l’État tout entier, proclamant que, quiconque surpris en train de voler, indépendamment de la valeur du vol, devra s’attendre à la corde, et ce, sans interrogatoire.
Le ministre, qui tenait déjà.sa plume à la main, a hésité face à la dureté de l’ordre, et a dit, étonné, au tsar :
- Pierre Aléxeïvitch ! Pense donc aux conséquences de cet ordre.
- Écris, a répété le tsar.
Avant de reprendre sa plume, Iagujinski ajouta, dans un sourire.
- Votre Altesse Miséricordieuse veut être un empereur sans sujets. Nous volons tous, et certains plus que d’autres.
Le tsar a médité ces paroles, puis s’est moqué de sa propre décision, et a finalement abandonné son idée.
La réponse de Vieira est arrivée le 27 mars, de sa propre main, en allemand : « La lettre que j’ai reçue a provoqué chez moi étonnement et perplexité, d’autant plus que, grâce à Dieu, mon comportement a toujours prouvé que, même pour des milliers de thalers, ou pour tout l’or du monde, je ne changerai pas un iota des ordres de ma souveraine. C’est une proposition très étrange, car de telles tentations impliquent de bas sentiments dans l’âme visée. Des propositions de cet ordre constituent une offense pour un homme honnête … … »
Mais Menchikov [un autre proche de Pierre le Grand à l'ascension fulgurante] compensait cette lacune par une intelligence exceptionnelle et une grande énergie. Il ne savait pas ce que signifiait dire "non" à un ordre du tsar, il était passé maître dans l'art de garder les secrets, et faisait partie des rares hommes capables de calmer le colérique Pierre 1er.
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Les habitants de Saint- Pétersbourg se considèrent toujours comme plu occidentaux que les Moscovites, et ces derniers ressentent bien la différence quand ils voyageaient dans cette ville, comme s'ils étaient plus proches de Paris et des autres capitales européenne.
L'édification de la nouvelle capitale russe était une œuvre pharaonique. En 1704, près de quarante mille personnes venues de différentes régions de l'Empire ont été recrutées pour la construction de Saint-Pétersbourg, principalement des serfs de la glèbe,, propriété de l'Etat.
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A lui seul, son nom faisait trembler les habitants de la nouvelle capital. Le diplomate allemand F.W. Bergholtz a écrit dans son journal : "Ferme et prompt à accomplir les ordres du tsar, il suscitait tant de terreur chez les habitants de cette ville qu'ils tremblaient à la simple mention de son nom"